du marché carbone à la carte carbone

Le dispositif des systèmes d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre est prévu par le protocole de Kyoto signé en 1997. Une entité publique (par exemple les Nations unies, l’Union européenne ou un État, etc.) fixe aux émetteurs de gaz à effet de serre un plafond d’émission plus bas que leur niveau d’émission actuel et leur distribue des quotas d’émission correspondant à ce plafond. Ceux qui ont émis plus de gaz à effet de serre que le niveau autorisé doivent acheter les quotas qui leur manquent, sauf à se voir infliger une forte amende. L‘Union européenne a mis en place depuis 2005 un marché du carbone. La COP29 de 2024 adopte au niveau international les règles des marchés carbone.

Mais le marché des quotas carbone n’est qu’une des options qui existent pour donner un prix au carbone. Il a été porté par le monde industriel qui préférait cette solution recourant au marché, plutôt qu’une taxe carbone impérative. La carte carbone n’est même pas envisagé actuellement alors qu’elle est inéluctable.

Audrey Garric : Après neuf ans de négociations, la 29e conférence des Nations unies sur le climat (COP29) a adopté, samedi 23 novembre à Bakou (Azerbaïdjan), les règles régissant les marchés du carbone, c’est-à-dire les échanges d’émissions de CO2 entre pays et entreprises. De manière schématique, les pays et les entreprises pollueurs peuvent compenser une partie de leurs émissions en achetant des crédits carbone à des pays qui ont été plus ambitieux que leurs objectifs nationaux. Ces quotas sont générés par des activités qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre, comme des projets de plantation d’arbres ou de remplacement d’énergies polluantes (à l’instar du charbon) par des éoliennes et des panneaux solaires. La Suisse est la seule, à ce stade, à avoir d’ores et déjà acheté des crédits générés par la Thaïlande pour un programme visant à remplacer des bus conventionnels par des bus électriques à Bangkok.

Mais les avis divergent fortement sur la qualité de cette régulation : « Payer pour polluer ne sera jamais une solution mais plutôt un désastre climatique. Les marchés du carbone sapent l’action en faveur du climat, car ils permettent la poursuite de la production et de l’utilisation de combustibles fossiles à un moment où cela est non seulement inacceptable, mais aussi irresponsable. La compensation n’est rien d’autre qu’un cadeau aux pollueurs. », juge Erika Lennon, de l’organisation Center for International Environmental Law. Les scandales se sont multipliés ces dernières années, des enquêtes épinglant des marchés carbone frauduleux, avec une grande majorité de projets qui n’ont pas réduit les émissions et qui se sont parfois menés au détriment de populations autochtones.

Le point de vue des écologistes anti-indulgences

Toute activité humaine devrait « éviter, réduire et compenser » ses impacts sur les milieux naturels. La priorité est bien sûr d’éviter, « réduire » est de toute façon une nécessité, « compenser » n’est qu’un gadget inventé par les marchands. Le fait d’avoir commis un acte répréhensible se traduit par l’obligation de se rattraper dans un autre domaine. Cela permet de jouir plus longtemps de ce qui est contestable. Le monsieur qui offre un cadeau à sa femme après l’avoir trompée, c’est vieux comme l’adultère. L’idée même de réduire la pollution/destruction des milieux naturels à un endroit pour permettre de la poursuivre allègrement dans un autre est une totale absurdité !

Sur ce blog biosphere, nous condamnons depuis longtemps ce trafic des indulgences à savoir la rémission totale ou partielle devant Dieu de la peine temporelle encourue en raison d’un péché pardonné, ce qui se faisait généralement contre espèces sonnantes et trébuchantes. La forêt devient un alibi qui fait passer au second plan la priorité numéro un, c’est-à-dire la décarbonation de pans entiers de l’économie. Il faut en finir avec la voiture individuelle, l’avion pour touristes, le chauffage à gogo et les énergies fossiles.

Une entreprise n’a absolument pas le droit de compter ses crédits carbone comme des réductions d’émissions…

En savoir plus grâce à notre blog biosphere

Climat : la stupidité du marché carbone (écrit le 18 mai 2007)

extraits : Le prix du quota de dioxyde de carbone a clôturé à 0,88 euro le 21 février 2007 sur le marché Powernext Carbon, l’une des principales plates-formes européennes d’échanges de permis d’émission de gaz à effet de serre. Pour mémoire, il valait entre 8 et 10 euros début 2005, au lancement du marché européen des quotas (un quota correspondant à une tonne de CO2 émis), et avait même atteint 30 euros au printemps 2006. avec un quota à moins d’un euro, les entreprises n’ont aucun intérêt à faire des efforts. Il est vrai que les quotas ne dépendent pas réellement du marché, ils sont déterminés par chaque pays avec approbation nécessaire de la Commission européenne. Des quotas trop laxistes sont à l’origine des déboires actuels….

du marché carbone au rationnement carbone, l’inéluctable (2013)

extraits : Prenons l’exemple du carbone, c’est-à-dire les ressources fossiles, charbon, pétrole ou gaz, qui irriguent toutes nos activités économiques. Comme il s’agit d’énergie de stocks, il faut bien prévoir la fin de ces ressources. Un marché carbone pourrait renchérir l’utilisation de ces sources d’énergie, donc limiter la consommation. Nous n’en prenons pas le chemin. Avec la crise financière, le prix du CO2 s’est effondré : 25 euros la tonne en 2008, 7 euros en 2012 puis 5 euros récemment…. Puisque le marché carbone est soumis aux contraintes politiques, puisque la plupart des gouvernements refusent aussi la taxe carbone, le rationnement par une carte carbone deviendra inéluctable lors d’un prochain choc pétrolier. C’est ce que nous prévoyons sur ce blog depuis 2009.

2003-2022, tout savoir sur la taxe carbone (2022)

extraits : Depuis 2003, le gouvernement français envisage une taxe carbone à mettre en place au niveau national, il a toujours reculé. C’est pourquoi on passe le bébé à l’Union européenne qui, en juillet 2021, présente la taxe carbone sur les produits importés dans l’UE comme l’une des pièces maîtresses du Green Deal… Jean-Marc Jancovici dans « Le plein s’il vous plaît » envisage ainsi la taxe carbone : « Le changement de mode de vie porte déjà un nom : un prix de l’énergie toujours croissant. C’est si simple, il suffit juste de le vouloir ! Votez pour le premier candidat qui proposera d’augmenter progressivement et indéfiniment la fiscalité sur les énergies fossiles ! »….

Yves Cochet : carte carbone mieux que taxe carbone (2019)

extraits : Yves Cochet : « Pour dépasser la contradiction entre « gilets jaunes » et taxe sur les carburants, nous proposons la « carte carbone ». Elle se déploie ainsi : chaque habitant de la France reçoit un quota annuel de droits d’émissions de CO2 qui encadre toute consommation d’énergie (pétrole, gaz, charbon, électricité…). Si, par exemple, vous voulez faire le plein dans une station-service, vous payez le carburant en euros et votre carte carbone à puce est également décrémentée des droits d’émissions correspondant à la quantité de carburant que vous avez achetée….

Articles antérieurs sur ce blog biosphere

26 octobre 2018, Fiscalité carbone inepte, carte carbone inéluctable

26 août 2015, carte carbone, des quotas individuels de CO2

27 mars 2013, facture énergétique, bientôt la carte carbone !

9 septembre 2010, Sarkozy a-t-il pensé à la carte carbone ?

13 septembre 2009, après la taxe, la carte carbone

10 avril 2009, carte carbone ou taxe ?

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