L’élection de Mitterrand en 1981 était la première alternance politique entre la gauche et la droite sous la Ve république. François Hollande est donc le deuxième socialiste à arriver sur la première marche. Mais il est fort probable que l’histoire se répète : nous passerons de l’euphorie de la victoire à la rigueur programmée par les circonstances géopolitiques.
1981. En application des 110 propositions du nouveau président Mitterrand, des mesures de relance de type keynésienne sont entreprises : augmentation sensible du SMIC, du minimum vieillesse, des allocations familiales. De nouveaux droits sont institués, possibilité de prendre sa retraite à 60 ans (ce qui est à contre courant du papi-boom qui s’annonce), nouveaux droits des travailleurs. Mais rapidement le déficit extérieur et les tensions inflationnistes conduisent à opter en 1982-83 pour la rigueur économique : la France est alors soumise à la contrainte extérieure (poids de nos importations) comme à la contrainte de la construction européenne (défense de la monnaie). La France se plie donc aux pratiques libérales de la désinflation compétitive, le PS pratique la désindexation salariale, les différences entre les pratiques économiques de la droite et de la gauche deviennent invisible.
2012, discours de Hollande à Tulle : « Aujourd’hui même, responsable de l’avenir de notre pays, je mesure aussi que l’Europe nous regarde, je suis sûr que dans bien des pays européens, cela a été un espoir, l’idée qu’enfin l’austérité ne pouvait plus être une fatalité (…) C’est la mission qui désormais est la mienne, c’est-à-dire de donner à la construction européenne une dimension de croissance, d’emploi, de prospérité, d’avenir. » On dirait du Mitterrand 1981, relance de la croissance !
En fait l’idée d’inventer, au plan national comme international, les voies d’une gestion tempérée des ressources de la planète est absente du logiciel social-démocrate de François Hollande. Plutôt que du Mitterrandien, nous aurions aimé que Hollande fasse du Castoriadis* : « La sortie de la misère ne pourrait se faire sans catastrophe que si l’humanité accepte une gestion de bon père de famille des ressources de la planète, un contrôle radical de la technologie et de la production, une vie frugale. Cela peut être fait, dans l’arbitraire et dans l’irrationalité, par un régime autoritaire ou totalitaire ; cela peut être fait aussi par une humanité organisée démocratiquement, à condition précisément qu’elle abandonne les valeurs économiques et qu’elle investisse d’autres significations. » Cécile Duflot se trompe en affirmant, au soir du 6 mai 2012, que « L’accession de François Hollande à la Présidence de la République est une chance pour l’écologie ». Car qui dit écologie dit frugalité des comportements, certainement pas croissance aveugle.
* C. Castoriadis, Le monde morcelé, Carrefours du labyrinthe 3, Seuil, Paris, 1990, p. 170.
Rappel historique :
10 mai 1981, Mitterrand président de la République, relance économique.
12 juin 1982, nouvelle dévaluation, blocage des prix et des revenus.
Mars 1983, troisième dévaluation et plan de rigueur
La seule différence entre le mitterrandisme et le hollandisme, c’est que l’appartenance actuelle de la France à la zone euro occulte la fragilité d’une économie nationale sans monnaie propre et rendra encore plus douloureux le réveil quand cet effet protecteur se sera dissipé.
Quel est l’imaginaire réactivé par ce nouveau président ? Les vieilles lunes, la croissance et l’industrialisation, enracinées dans l’idée que les ressources et l’espace sont sans limites…
Etrange renversement : ce qui était le progrès au XXe siècle est devenu le conservatisme du XXIe. Il est temps de changer de culture.
Hervé Kempf, la fin de la campagne (LE MONDE du 6-7 mai 2012)
Le Président Hollande s’est exprimé à Tulle : « On va donner une vie meilleure à nos enfants que la nôtre. C’est ce rêve français que je vais m’efforcer d’accomplir pour le mandat qui m’est confié. »
Pourtant le mieux n’est jamais certain ! Nous conseillons à François de lire le scénariste Jean-Claude Carrière, qui s’est exprimé ainsi dans l’hebdo des socialistes (18 janvier 2003) : « Mon inquiétude a fait place à un sentiment de désespoir. Les principales difficultés qui nous attendent au cours des trente prochaines années sont liées à des problèmes d’environnement, au sens large. Au point où nous en sommes, une issue favorable ne sera possible qu’au prix de crises majeures. Pour parvenir à un changement de mentalité radical, plusieurs millions de morts seront malheureusement nécessaires. La phrase de Nietzsche est plus que jamais d’actualité : « La Terre est un être vivant. Cet être vivant à une peau. Cette peau a une maladie mortelle. Cette maladie mortelle s’appelle l’espèce humaine. »»