Le trophée Diderot-Curien a été remis pour la première fois à deux journalistes : Stéphane Foucart (Le Monde) et Sylvestre Huet. Le physicien Etienne Klein en donne clairement la raison : « Sans doute avez-vous lu comme moi un livre intitulé « 1984 » dans lequel George Orwell montre que dans les régimes totalitaires, la vérité est toujours mise en question. Ce n’est pas seulement que les hommes politiques des régimes totalitaires recourent plus qu’ailleurs au mensonge : c’est plutôt que la distinction même entre la vérité et le mensonge devient floue dès lors qu’elle est mise en face d’exigences purement pragmatiques d’utilité et de convenance. Dans ces régimes, ajoute Orwell, même la science n’est plus invulnérable aux attaques idéologiques, et la notion d’information objective perd de son sens : l’histoire se trouve réécrite en fonction des besoins du moment, et les découvertes de la biologie ou de la physique peuvent elles aussi être niées si elles sont jugées inappropriées. Lorsqu’il advient, un tel état des choses constitue ce qu’on pourrait appeler le « triomphe cognitif du totalitarisme » : on ne peut même plus l’accuser de mentir puisqu’il a préalablement réussi à abroger l’idée même de vérité… Il y a quelques temps, je pensais encore que ce danger ne menaçait que les pays totalitaires. Mais la vraie-fausse controverse sur le changement climatique m’a fait douter car elle venait illustrer au sein même des sociétés démocratiques la nouvelle fragilité du discours scientifique, sous l’effet conjoint de deux phénomènes : d’une part des « conspirations en plein jour», c’est-à-dire des mensonges publiquement assénés ; d’autre part des stratagèmes pour ne pas accorder de crédit à ce que nous savons, surtout si les implications intellectuelles ou pratiques de ces savoirs nous dérangent… Heureusement il existe des journalistes scientifiques courageux et compétents qui, inlassablement, débusquent et dénoncent les contre-vérités. »
Le combat des auto-proclamés « climato-sceptiques » Claude Allègre et Vincent Courtillot – a produit un effet médiatique dévastateur en raison de la complaisance montrée par de nombreux médias de masse – télés, radios, périodiques – pour un discours en définitive fondé sur une sorte « d’anti-science », dont l’un des résultats est de faire reculer dans l’opinion publique la compréhension du fonctionnement de la science contemporaine.
Si Stéphane Foucart et moi-même ont finalement pu résister à la pression, y compris à l’intérieur de nos journaux, et pu dénoncer les « mensonges« dont parle Etienne Klein, c’est aussi en raison de la mobilisation des scientifiques de cette discipline, insultés sur la place publique par Claude Allègre.
Sylvestre Huet
LE MONDE du 12 juin 2012 n’a fait qu’une brève sur la question
Merci pour ce commentaire de texte d’Orwell. Il faut que je lise ce bouquin.
Pour le débugage d’Allègre (si seulement c’est intéressant), il y a aussi http://www.manicore.com/documentation/serre/ouvrages/verite.html
Marcel, il est inexact de dire qu’Allègre n’a pas nié le changement climatique… Il l’a fait ouvertement par le passé et c’est devant une pléthore d’évidences scientifiques qu’il a modulé son discours.
D’ailleurs, il continue régulièrement de le faire à mots couverts, mélangeant allègrement (sans jeu de mot) les notions de climats et de météorologie (que l’on apprends en géographie en 6e), oubliant dans ses calculs pour surestimer l’importance du rayonnement solaire que la terre est ronde et pas uniformément noire, déformant les propos d’autrui, voire prétendants qu’ils n’ont jamais existé.
Ses atteintes à l’objectivité sont tellement flagrante que je trouve inadmissible que les médias puissent lui accorder un quelconque crédit.
Je n’ai pas grande sympathie pour Allègre mais il n’ a jamais nié le changement climatique (en version « réchauffiste ou refroidiste »): il en a seulement nié la cause anthropique .
Cet homme ne nie pas non plus la menace démographique , ce qui est extraordinaire pour un socialiste quand on connaît la mauvaise foi innée des socialocommunistolibéraux !