Droite ou gauche, les amis des pêcheurs ont le pouvoir. La commissaire européenne à la pêche voudrait « suspendre » le chalutage profond dans l’Atlantique du nord-est. Michel Barnier, commissaire au marché intérieur et aux services, a d’abord bloqué le texte, « compte tenu des répercussions économiques, sociales et humaines, que pourrait avoir une telle mesure ». C’est la lutte inégale des amis des poissons contre les lobbies des pêcheurs. Les ONG accusaient Michel Barnier d’être le « VRP » d’Intermarché, qui détient la principale flotte française de pêche profonde. Le Comité national des pêches maritimes français accuser la commissaire chargée de la pêche d’être « inféodée aux ONG ».
Pour un gouvernement socialiste, le « social » l’emporte toujours sur le raisonnement écologiste. Le ministre socialiste français chargé de la pêche, Frédéric Cuvillier, a fait valoir qu’une « éventuelle interdiction de certains engins de pêche » ne serait « pas acceptable ». L’adoption de la proposition d’interdiction par le collège des commissaires, en dépit de l’opposition française, entraîne une réponse collective : la délégation socialiste française au Parlement européen dénonce dans un communiqué « le caractère idéologique et irrationnel de la position de la Commission sur ce sujet », position « dévastatrice pour l’emploi et dénuée de tout fondement scientifique ».
Pourtant le chalutage profond, qui ne fait vivre qu’un nombre limité de pêcheurs, notamment en France, bénéficie d’importantes subventions pour subsister. Pourtant, pour l’écologie scientifique, c’est la pêche la plus destructrice des écosystèmes marins : elle se traduit par le bouleversement des fonds marins et des écosystèmes qu’ils abritent, raclés par les chaluts. Pêchés entre 500 et 1500 mètres de profondeur, la lingue bleue, le grenadier de roche et le sabre noir, aux cycles de reproduction très lents, sont désormais menacés. Cette pêche s’est développée pour compenser la diminution des stocks de poissons en surface ; « Selon les dernières statistiques disponibles, près de 30 % de ces stocks sont surexploités (…), 57 % sont pleinement exploités (c’est-à-dire que les prises atteignent ou avoisinent le rendement constant maximal) « , précisait récemment la FAO. Les principales menaces « dérivent essentiellement de la gestion inefficace et d’une mauvaise conservation des habitats », concluait la FAO, appelant la communauté internationale « à miser sur une utilisation réellement durable et responsable des ressources aquatiques afin de satisfaire aux besoins présents tout en garantissant ceux des générations futures ».
Le chalutage profond est symptomatique d’une société minière, qui dilapide les stocks naturels, ce n’est pas une pêche durable. Tant que le socio-politique étouffera les réalités écologiques, nos générations futures seront sacrifiées. Le fait que les socialistes soient au pouvoir n’implique pas une amélioration pour la gestion du long terme, ce serait plutôt le signe d’une dégradation… La lecture des contributions pour le prochain Congrès socialiste ne font que confirmer nos craintes.
Sources : LE MONDE du 20.07.2012, Pêche profonde : Bruxelles tient tête à la France
LE MONDE du 14.07.2012, La pêche en eaux profondes divise l’Europe
Le Monde.fr avec AFP du 09.07.2012, Pêche : 30 % des stocks halieutiques sont surexploités