Des tomates sur son balcon, une nécessité pour tous

A la fin du XIXe siècle, la petite maison familiale avec jardin potager semblait la forme idoine de l’urbanisme résidentiel. Aujourd’hui les Chinois sont « à la recherche de graines et d’outils permettant de transformer leur balcon en potager*. » Le gouvernement est favorable au développement de ces potagers d’appartement. En septembre 2010, les autorités de Pékin avaient même offert graines et engrais pour promouvoir « un mode de vie sain et à faible intensité carbone ». Allons plus loin. Bientôt il y aura un retour de l’esprit paysan et non plus ce mépris actuel de beaucoup pour le travail de la terre. Dans un contexte de crise économique, de raréfaction des ressources et de paupérisation croissante, l’agriculture va se développer fortement en zone urbaine.

Ce n’est pas nouveau. Il y a un exemple historique, aux Etats-Unis. Initialement encouragés par l’administration Wilson pour lutter contre la pénurie alimentaire pendant la Première Guerre mondiale, les jardins potagers communautaires ou familiaux sont réapparus au début du New Deal et furent alors élevés au rang de stratégie de subsistance pour les chômeurs. Au lendemain de Pearl Harbor, l’enthousiasme populaire fit céder les résistances des fonctionnaires du ministère de l’Agriculture et fit des « jardins de la victoire » le dispositif central de la campagne nationale « Food Fights for Freedom ». Dès 1943, haricots et carottes poussaient sur la pelouse de la Maison-Blanche, plantés par Eleanor Roosevelt. Aujourd’hui Michelle Obama a fait un livre sur le potager qu’elle a créé à la Maison Blanche, le premier depuis celui de 1943.

Dans LaRevueDurable n° 43 (août-septembre-octobre 2011), nous trouvons un dossier sur l’agriculture qui « regagne du terrain en ville » : « Aujourd’hui bétonnage et goudronnage sont les deux mamelles de la modernité inconsciente. Les terres disponibles pour l’agriculture vivrière diminuent de manière dramatique. Heureusement les signes de reconnaissance de ce fourvoiement se multiplient. Il ne tient qu’aux urbains, désormais majoritaires sur Terre, de renforcer les liens vitaux qui les attachent à l’agriculture, en commençant dans et autour des villes. » Dans l’article, « Les potagers se fraient une place en ville », on indique que la prolifération des plate-bandes décoratives, ce n’est pas ça qui va améliorer la qualité de la vie en ville. Pas plus que les alignements de thuyas. En revanche, un lieu où l’on peut admirer et suivre l’évolution d’une plante depuis le semis jusqu’à sa récolte aurait une indéniable valeur esthétique, agricole et sociale. Le saucissonnage, une zone pour l’habitat, une zone pour le sport, une zone pour l’emploi, une zone éloignée pour l’agriculture est dépassé. Il faut des espaces multifonctionnels. Partager, mutualiser et beaucoup d’imagination, voilà les maîtres mots d’un urbanisme dense qui accueille l’agriculture. On peut imaginer planter des haies d’arbres fruitiers, diffuser des toitures végétales productrices, etc.

Lausanne a décidé d’entretenir certaines pelouses avec des moutons et convertit d’autres pelouses en potagers urbains. 70 % des Lausannois jugent que ces « plantages » – des potagers collectifs aménagés au pied des immeubles d’habitation – augmentent la qualité de la vie en ville. En France, les jardins partagés font un tabac. A Genève, les différentes opérations de potagers urbains connaissent un franc succès. A Zurich, la liste d’attente pour accéder à une parcelle dans un jardin ouvrier est telle qu’il faut plusieurs années avant de l’obtenir…

* LE MONDE du 5 septembre 2012, Les Chinois aménagent caves et balcons en potager

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