Imaginez-vous quelque part en Afrique de l’Ouest, en zone tropicale humide, à l’état d’œuf, dans l’utérus d’une mouche tsé-tsé, votre mère, et laissez-vous vivre… Extraits :
Dix jours se sont écoulés, je suis brusquement mise en contact avec un sol tiède et humide. Je m’agite pour atteindre une profondeur de quelques centimètres dans le sol… Ma cuticule externe durcit rapidement, mon épiderme devient imperméable… ma transformation en adulte s’effectue sans apport alimentaire… Je suis devenu une mouche tsé-tsé… Nombre d’entre nous ne seront jamais porteuses de parasites pathogènes durant notre vie… Je ne choisis pas plus que les vertébrés d’être infecté par le terrible trypanosome, un protozoaire parasite… Ma vitesse moyenne atteint maintenant 10 mètres par seconde, soit 36 kilomètres par heure… Mon cerveau gère la cartographie odoriférante de mon environnement. Je me sens capable de remonter un gradient d’odeur jusqu’à sa source, flaveurs d’urines, d’excréments, de sueurs que dégagent les mammifères, mes futures proies… un jeune mâle se place d’un seul coup d’ailes au-dessus de mon abdomen. Bien arrimé, il prend le temps de fabriquer un spermatophore avant de l’introduire au fond de mon utérus. Le tout l’occupe pendant au moins une heure… Je me mets en quête d’un hôte nourricier pour satisfaire mon besoin de sang, la poursuite de mon cycle biologique en dépend… Je viens d’assurer ma descendance… Malheureusement les trypanosomes d’une bête infectée n’ont pas été détruits par mes lectines intestinales… L’invasion parasitaire progresse et bouleverse l’intimité de mon corps…. Je me sens femelle porteuse involontaire et impuissante d’hôtes indésirables qui assurent leur pérennité à mes dépens…. Je vais contaminer malgré moi les animaux ou les hommes. Autant dire que ces parasites n’hésitent pas à ruiner la santé d’un vertébré pour rélargir leur cycle biologique complet, etc. » Il est inquiétant de constater que, depuis trente ans, aucune molécule nouvelle possédant une activité trypanocide n’ait pu être proposée…
NB : Ce « Journal intime », essai d’empathie animalière, n’est pas destiné à la vente. Il est disponible auprès du CIRAD-Savoirs, avenue Agropolis, 34398 Montpellier cedex 5 (édité en 2008).