Un donneur de leçons qui vocifère, Pascal Bruckner. Etonnant que LE MONDE offre tant de colonnes à ses écrits, exemple type de dissonance cognitive. Pour Bruckner, « la richesse n’est pas un crime* ». Encore faudrait-il avoir un argument pour s’exprimer ainsi. Il se contente d’accumuler les poncifs : « La haine de l’argent, de l’envie inversée » ; « L’argent, c’est d’abord ce qui manque tragiquement » ; « A vociférer contre le Veau d’or, on décourage les jeunes générations de travailler chez nous, on pousse les plus talentueux à s’exiler » ; « L’appât du gain, n’a en soi rien de honteux » ; « S’il y a de l’argent sale, il y a aussi de l’argent juste ».
Dans le même article, Pascal Bruckner énumère aussi le contraire, tout ce qui rend nuisible la richesse : « L‘argent roi qui ruine et pourrit jusqu’à la conscience des hommes » ; « Confiscation insolente par une poignée d’individus » ; « rémunérations astronomiques de certains dirigeants, persuadés d’être affranchis de toute obligation » ; « Qu’est-ce qu’un enrichissement qui ne contribue pas à l’enrichissement de tous » ; « L’argent peut pour beaucoup d’hommes devenir une fin en soi » ; « Elimination des paradis fiscaux, projet de limitation des très hauts salaires, encadrement des bonus et des parachutes dorés, telles sont quelques-unes des mesures prises par les plus lucides ». Que pense réellement Bruckner, on ne sait plus !
Explication de cet énorme paradoxe ? En fait Bruckner essaye vainement d’attaquer ces donneurs de leçon qu’il exècre en permanence, les écologistes : « Il ne faudrait pas que la duplicité de Cahuzac nous entraîne dans une apologie de la pauvreté telle que la défendent les écologistes » ; « Nous demander de chérir l’indigence comme notre bien le plus précieux » ; « Vanter la frugalité heureuse, c’est, sous couleur de sauver la planète, vouloir plier les populations à la nouvelle donne économique qui pénalise les classes populaires et moyennes » ; « Nous sommes déjà en décroissance, elle s’appelle la récession et n’apporte que détresse et malheurs.
Pascal Bruckner n’a pas encore compris que ce sont les riches qui détruisent la planète et que le mécanisme ostentation/imitation qui résulte de l’étalage des richesses matérielles a gagné nos modes de consommation. La véritable richesse est autre, elle est celle du cœur.
* LE MONDE du 21-22 avril 2013, N’en déplaisent aux donneurs de leçons, la richesse n’est pas un crime !
Harald Welzer, sociologue, auteur de Les Guerres du climat. Il nous parle de décroissance sans vouloir parler de « décroissance »… c’est encore un cas de dissonance cognitive.
1/2) LE MONDE des livres du 31 mai 2013, Une société stable est une illusion
Propos d’Harald Welzer interrogé par Nicolas Weill
– La crise qui porte sur l’environnement et dont vous pensez que nous sommes insuffisamment conscients, est-elle comparable à celle de la prise du pouvoir par Hitler en 1933 ?
Harald Welzer : Non, c’est moins abrupt. Mais j’estime que de nombreux indicateurs montrent qu’une mutation est en cours. Nous sommes confrontés à la limitation des ressources alors que notre mode de production est fondé sur l’exploitation infinie de ces mêmes ressources. Toutes les sociétés occidentales cherchent à générer davantage de croissance. Alors que c’est justement ce qui met en péril leur subsistance.
Vous dites souvent qu’il est largement temps de changer nos habitudes, de diminuer notre consommation de technologies, de tourisme, etc. Etes-vous un partisan de la décroissance ?
Harald Welzer : La modernité telle que nous la connaissons est expansive. Notre tâche serait de développer au contraire une modernité réductive. Le capitalisme a créé des normes très élevées : liberté, droit, démocratie. Cette distribution fonctionnait au détriment de l’environnement et de ses ressources. Si j’applique ce modèle économique à une petite partie du monde, j’ai à ma disposition le reste de la planète pour nourrir cette machine. Mais, dans un univers mondialisé, cela ne marche plus. Comment inventer une société qui puisse conserver des normes de civilisation élevées tout en utilisant cinq fois, voire dix fois moins de ressources ? Il faut faire évoluer un modèle culturel. C’est tout autre chose que la décroissance.
2/2) Harald Welzer, Libération, 21 mars 2013
« Je pense qu’il existe des moyens très efficaces d’inverser les choses : extraire moins de ressources, consommer moins d’énergie, consommer moins tout court. (…) Si nous voulons éviter un stress ingérable à l’avenir, en tant que consommateurs, nous devons changer nos modes de vie, renoncer aux idéaux du rêve américain et convaincre les hommes politiques que nous aspirons à autre chose que ce que le modèle consumériste du XXe siècle a forgé dans l’inconscient collectif de la plupart des sociétés. Des modes de vie soutenables, la décroissance… sont des pistes très enthousiasmantes. A nous de les explorer. »