Si les hommes portaient les bébés, avorter serait adoré

Si les hommes portaient les bébés, l’avortement ne serait pas une loi, ce serait un sacrement. Cette formule se retrouve dans un article que consacrait LE MONDE à Henry Morgentaler en 1975 *. L’avortement était légal au Québec depuis 1969 « lorsque la santé ou la vie de la mère est menacée », mais les hôpitaux étaient libres de ne pas exercer cette possibilité. On a aussi interprété dans un sens restrictif la notion de santé de la mère en éliminant les indications psychiques ou morales. Les francophones du Québec étaient donc obligées d’avorter à New-York. C’est pourquoi ce gynécologue, né en Pologne, ancien rescapé des camps de déportation, décida de pratiquer des avortements de façon plus souple dans sa propre clinique.

Au début de 1973, Morgentaler fit connaître publiquement ses activités. Il dénonçait ainsi l’attitude des médecins francophones du Québec qui, en majorité catholiques et à mentalité nataliste, bloquaient l’application de la loi. Le gynécologue montréalais, pourtant membre du Mouvement humaniste,  a focalisé sur lui la hargne de tous les adversaires de l’avortement. La Cour suprême du Canada a condamné ce médecin, alors qu’un jury, en 1974, avait rendu un verdict d’acquittement. En 1975,  il a donc été envoyé pour dix-huit mois en prison !

LE MONDE titre aujourd’hui : Henry Morgentaler médecin canadien, militant du droit à l’avortement**. Morgentaler vient de mourir le 29 mai 2013. Morgentaler affirmait:  » Toute mère doit l’être par choix. «  Mais toute sa carrière, le médecin a dû affronter le mouvement pro-vie et la violence d’éléments radicaux. En 1992, sa clinique torontoise est soufflée par l’explosion d’une bombe. Onze ans plus tard, un homme l’attaque avec un sécateur. Ce ne sont pas les néo-malthusiens qui sont des fascistes, ce sont ces intégristes qui n’ont d’autres arguments percutants que l’usage de la violence contre tous ceux qui veulent pour leurs enfants une vie digne d’être vécue.

* LE MONDE du 29 juillet 1975,  » Si les hommes portaient les bébés… »

** LE MONDE du 6 juin 2013, « rubrique Disparitions »

2 réflexions sur “Si les hommes portaient les bébés, avorter serait adoré”

  1. Clarification, par une décision « individuelle » je veux dire qu’a mon avis c’est la femme qui doit en dernier lieu prendre cette décision. Elle est individuelle en ce sens. Si l’homme, quand il est présent et qu’il est en accord avec la décision, a de l’honneur il devrait accompagner la femme pendant la décision, et l’acte et partager cette responsabilité, mais c’est a la femme, individuellement, qu’appartient le pouvoir de la décision finale.
    Dans un monde idéal qui n’existera hélas sans doute jamais, cette terrible décision serait évitée en premier lieu par la responsabilité et l’éducation des partenaires, par la contraception, ou en dernier lieu par l’existence de structures d’accueil pour la femme et d’adoption pour l’enfant.
    Je suis cependant d’accord avec un aspect de votre titre: les humains de sexe masculins sont biens plus touches par leurs propres problèmes que par ceux des femmes.

  2. C’est vrai, les integristes violents sont dangereux, et doivent se trouver derriere les barreaux. C’est vrai des fous criminels qui attaquent physiquement les medecins qui pratiquent des avortements ou leurs cliniques, comme c’est vrai de ceux qui attaquent des vigiles ou les proprietes privees a NDDL. Ceux qui, par conviction (que je ne partage pas), manifestent pacifiquement autour des cliniques pour exprimer leur opposition a l’avortement ne font a mon avis rien de bien different que les ‘ecoguerriers’ de NDDL que vous soutenez et encouragez a la desobeissance civile.

    En ce qui concerne l’avortement proprement dit, je ne vous touve en contradiction avec vous-memes: vous vous mefiez des actes techniques medicaux qui ‘deshumanisent’ selon vous, mais vous approuvez l’acte technique medical de l’avortement en clinique, qui, c’est le moins que l’on puisse dire, n’est pas vraiment un phenomene naturel. Ellul, Ghandi, hommes religieux que vous tenez en grande estime d’une maniere generale, auraient-ils a votre avis tenu l’avortement come un technique liberatrice pour l’un ou un acte fondamentalement non-violent pour l’autre?

    Pour moi, je soutient le droit a l’avortement quand il procede d’une decision individuelle, meme si d’une maniere generale je regrette la decision et la situation. Mais je m’oppose a l’avortement quand il procede d’une decision ou d’une pression collective, et bien plus encore quand il est impose (exemples recents en Chine).

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