Le débat franco-français sur la transition énergétique touche à sa fin. Mais bien avant qu’il ne commence, on savait déjà comment il allait se terminer. Les éléments de langage communs à l’élite qui nous gouverne sont ressassés depuis des années déjà. Prenons le dernier discours de Laurence Tubiana* :
– croissance : « L’amélioration de l’efficacité énergétique est nécessaire pour relancer la croissance française. »
– productivité : « La croissance peut se trouver augmenter par une augmentation de la productivité de l’économie française. »
– technologie : « La France doit saisir aujourd’hui l’opportunité d’entrer sur les marchés des technologies d’avenir… L’innovation technologique et sociale est primordiale. »
– compétitivité : « La maîtrise des technologies environnementales sera l’une des clés pour une compétitivité durable. »
– rentabilité : « Oui, la transition énergétique est un processus économique rentable. Les coûts qu’engendrerait le maintien du système énergétique actuel, basé sur les énergies fossiles, se révéleraient à terme plus élevé que ceux que représentera la transition énergétique. »
Laurence Tubiana semble parfois dire vrai: « Imaginez une source d’énergie qui soit bon marché et couvrirait 50 % de nos besoins domestiques : il s’agit tout simplement des économies d’énergie ! » Mais ces économies d’énergie reposeraient uniquement sur « l’amélioration de l’efficacité énergétique ». Elle passe sous silence le fait que la première source d’économie d’énergie est la sobriété, le refus de la surconsommation, ce qui implique de savoir s’entraider et d’être heureux de peu. Une véritable transition repose sur la décroissance des besoins, l’usage de techniques douces moins productives mais plus adaptées à l’homme et à la planète, la coopération internationale et non la compétition, le refus du profit à court terme et de la rentabilité financière. L’inverse des éléments de langage véhiculés par la classe dirigeante et ses sbires.
Laurence Tubiana appartient au comité de pilotage du débat sur la transition énergétique dont elle est la « facilitatrice ». Elle restera le soutien du système productiviste. La situation est bloquée. Sobriété énergétique, nucléaire, gaz de schiste : sur tous ces aspects décisifs du débat, une alliance de fait existe entre le Medef et trois syndicats de travailleurs : la CGT, FO et la CFE-CGC… Ils ont tous un intérêt commun : la préservation du statu quo dans les filières de l’énergie. Un document présentant la synthèse des « priorités » du débat national sur la transition énergétique vient d’être retiré du site du ministère de l’écologie, car jugé « inacceptable » par le patronat**. Ce texte évoquait en « priorité numéro deux » la « mise en place d’une fiscalité environnementale, en particulier d’une contribution climat-énergie ». Un casus belli pour le Medef. Or la taxe carbone ou assimilée serait le meilleur moyen de promouvoir la sobriété énergétique… Le projet de loi sur la transition énergétique n’arrivera en séance publique au Parlement qu’à la mi-février 2014. De toute façon, il ne fera pas bouger les lignes, à moins d’un nouveau choc pétrolier d’ici là !
* LE MONDE du 22 juin 2013, La transition énergétique est une nécessité, les ressources se raréfiant (Laurence Tubiana)
Je pense que l’Alliance entre CGT, FO, CFE-CGC et le MEDEF ne se limite à « préserver un statu quo dans le domaine de l’énergie », mais tente de préserver la société de consommation elle même.
En effet, la sobriété est récessive, elle réduit l’activité économique, le PIB, le pouvoir d’achat etc.
Réduire significativement la quantité d’énergie consommée, c’est changer de civilisation, changer l’économie donc l’emploi de millions de personnes, et c’est pour cette raison que les syndicats n’en veulent pas.
Lire http://bit.ly/19c0eHS par ex.
Bien pensé, « Decroissance ». Les syndicats ont des raisons objectives de soutenir l’activité économique, donc le patronat. C’est pour cela aussi que les syndicats se désintéressent complètement du type de production qu’on fait faire aux travailleurs : tanks, produits polluants, nourriture industrielle, etc.
Mais tôt ou tard, choc pétrolier et climatique aux trousses, les travailleurs (et les patrons) se rendront compte qu’ils avaient mal raisonné. Changer d’imaginaire est toujours possible. Il faut espérer et œuvrer à un monde meilleur, où nous travaillerons moins pour donner du travail à tous, où gagner moins voudra dire être plus heureux…