Retraites : ce qu’en disent les écologistes (a)variés

Un écologiste en politique qui ne parle pas d’écologie est peut-être un politique, mais certainement pas un écologiste. Prenons l’exemple de la retraite. La nième réforme en France vient d’être adoptée dans l’indifférence générale*. Aucune manifestation d’envergure dans les rues à l’inverse de ce qui s’était passé en 2003 et 2010. Il est vrai qu’il n’y a aucun changement particulier, on se prépare déjà à la réforme suivante. Les écologistes institutionnels (les parlementaires EELV) se sont abstenus sur les motivations suivantes : « Les mesures de financement sont inacceptables… Les écologistes sont totalement opposés à l’allongement de la durée de cotisation… Félicitations pour la création du compte personnel de prévention de la pénibilité… Ses quelques avancées sociales permettent – péniblement – de sauver l’équilibre de ce texte… »** Aucune argumentation écologique dans ce texte des écologistes, rien pour différencier le groupe parlementaire EELV du reste des députés socialistes !

Un livre*** présente pourtant la réforme des retraites d’un point de vue écologiste : « La coutume de la retraite a été le résultat de l’ère de l’abondance. Pendant une brève période, moins d’un siècle, les pays riches ont considéré qu’il était rationnel de payer les aînés pour qu’ils quittent le marché du travail afin de maintenir le chômage à un niveau acceptable politiquement. Tout cela découlait d’une économie industrielle qui débordait d’énergie à faible coût, qui facilitait le remplacement de la main d’ouvre par des machines et qui cherchait sans cesse de nouveaux marchés lucratifs, dans ce cas-ci l’industrie de la retraite. Avant cette période, un peu moins de la moitié de toute l’activité économique était le fait de l’économie de marché. La plupart des femmes et beaucoup d’homme trop vieux pour occuper un emploi régulier travaillaient dans l’économie domestique où les échanges familiaux l’emportaient sur les forces du marché. Tous ceux qui auraient eu droit à la retraite, selon nos standards actuels, y participaient. La fin de l’énergie abondante et bon marché signifie que de telles économies domestiques redeviendront nécessaires. On aura intérêt à garder les personnes âgées à la maison pour contribuer aux tâches et n’aura plus intérêt à les mettre à l’écart dans une oisiveté souvent confortable…. Si vous êtes comme moi à plus de trente ans de la retraite, oubliez le financement de la retraite, vous ne la prendrez probablement jamais. Si vous avez une grande famille avec laquelle vous vous entendez bien, vous gagnerez votre place en s’occupant des petits et du potager… »

Est-ce du fondamentalisme écolo ? Le spécialiste français de l’énergie, Jean- Marc Jancovici tient pourtant le même discours : « Ce que nous appelons « création de richesses » n’est en fait qu’une transformation de ressources naturelles, et tout notre système économique ne consiste qu’à utiliser ces ressources pour en faire autre chose… Enseignants, informaticiens, chercheurs, retraités et vacanciers sont tous des enfants de l’énergie abondante à prix décroissant : rien de tout cela ou presque n’existe dans les pays où l’énergie reste un luxe… Retraites et études longues sont « assises » sur des consommations d’énergie importantes… La contrainte sur l’approvisionnement énergétique futur, qui va venir contrarier la productivité physique de manière forte, aura pour conséquence que le niveau relatif des retraites baissera, et que l’on va probablement pour partie revenir à un système de gestion des personnes âgées économe en énergie, c’est-à-dire… les garder chez leurs enfants. La question n’est pas de savoir si cette organisation est désirable ou non. Les bons sentiments sans kilowattheures risquent d’être difficiles à mettre en œuvre ! »****

Il y aura encore un long parcours avant qu’on se rende compte qu’on va vraiment changer de civilisation avec la pénurie énergétique qui nous attend au tournant.

* LE MONDE du 16 octobre 2013,  Pourquoi la réforme des retraites en France est adoptée dans l’indifférence générale

** http://barbarapompili.fr/retraites-labstention-des-ecologistes/

*** La fin de l’abondance, l’économie dans un monde post-pétrole (John Michael Greer)

éditions écosociété 2013, 238 pages, 19 euros

**** Changer le monde, tout un programme de Jean-Marc Jancovici (Calmann-lévy, 2011)

2 réflexions sur “Retraites : ce qu’en disent les écologistes (a)variés”

  1. Ainsi va la politique avec EELV. CertainEs voulaient voter Contre et une majorité allait voter Pour : le compromis fut l’abstention. Une seule députée « écolo » à voter contre le projet de loi, Isabelle Attard*. Cet argument lui paraît choc : « Oui, nous vivons plus vieux. Non, nous ne sommes pas plus capables de travailler plus longtemps. L’espérance de vie en bonne santé a reculé de 62,8 à 61,8 années entre 2006 et 2010. Est-il raisonnable de prévoir un âge minimum de retraite plus élevé que l’âge moyen où apparaît une incapacité ? »
    Plutôt que se polariser sur un régime de retraite qui devient financièrement insoluble, un écolo voudrait lutter contre tout ce qui dans notre mode de vie provoque le cancer et autres maladies civilisationnelles de telle façon que notre espérance de vie « en bonne santé » régresse.
    * http://www.huffingtonpost.fr/isabelle-attard/pourquoi-nous-ne-pouvons-pas-accepter-le-projet-de-reforme-des-retraites_b_4100457.html

  2. Ainsi va la politique avec EELV. CertainEs voulaient voter Contre et une majorité allait voter Pour : le compromis fut l’abstention. Une seule députée « écolo » à voter contre le projet de loi, Isabelle Attard*. Cet argument lui paraît choc : « Oui, nous vivons plus vieux. Non, nous ne sommes pas plus capables de travailler plus longtemps. L’espérance de vie en bonne santé a reculé de 62,8 à 61,8 années entre 2006 et 2010. Est-il raisonnable de prévoir un âge minimum de retraite plus élevé que l’âge moyen où apparaît une incapacité ? »
    Plutôt que se polariser sur un régime de retraite qui devient financièrement insoluble, un écolo voudrait lutter contre tout ce qui dans notre mode de vie provoque le cancer et autres maladies civilisationnelles de telle façon que notre espérance de vie « en bonne santé » régresse.
    * http://www.huffingtonpost.fr/isabelle-attard/pourquoi-nous-ne-pouvons-pas-accepter-le-projet-de-reforme-des-retraites_b_4100457.html

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