L’aide au suicide constitue un droit légitime… et écolo

Quand dépasse-t-on les limites en matière sociale ? Est-ce quand on autorise le mariage pour tous ? Quand on légalise la prostitution ? Quand on autorise la gestation pour autrui ? Quand on considère l’aide au suicide comme un droit ? Les débats actuels montrent qu’il n’y a aucune idée directrice en matière sociale, un interdit total peut se transformer en acceptation globale et réciproquement. C’est le jeu de la démocratie, un lieu vide qu’on peut remplir à sa guise. La grande nouveauté, c’est qu’on peut demander directement son avis à la population par l’intermédiaire d’une conférence citoyenne (dite aussi « de consensus »). C’est ce qui vient de se passer à propos de l’euthanasie.

Ils étaient dix-huit, choisis par l’IFOP, pour représenter la diversité de la société. A la demande du comité consultatif national d’éthique, ces personnes tirées au sort ont fait émerger une réflexion collective sur la fin de vie après avoir auditionné des experts. Leurs recommandations finales marquent une rupture*. Pour eux, il y a suicide assisté quand il y a consentement direct de la personne pour demander l’aide à mourir. Il y a euthanasie si la personne est inconsciente. Le panel a jugé la notion de sédation complexe car « elle constitue un aspect relevant essentiellement de la technique médicale et par là semble échapper à la maîtrise et à la responsabilité du patient ». La possibilité de se suicider par assistance médicale, reposant avant tout sur son consentement éclairé, constituerait un droit légitime du patient en fin de vie (ou souffrant d’une pathologie irréversible). Quand le consentement direct n’est pas possible, nos représentants préconisent une « exception d’euthanasie »*.

D’un point de vue écologiste, il faut savoir reconnaître la mort qui vient car elle est par nature notre lot commun. Une fin de vie consentie vaut mieux que de se traîner d’hôpital en hôpital. Le point essentiel de la discussion devrait alors porter sur le poids moral et économique des spécialistes de la mort médicalisée. Il n’y a pas pire défenseurs de l’acharnement thérapeutique que certains spécialistes des soins palliatifs. Dans notre socité du « progrés technique », on naît dans la technique médicale, on vit dans la technique médicale, on attend que la technique prolonge la vie au-delà du raisonnable. Cela fait vivre des professionnels, cela prend aussi des ressources naturelles de plus en plus rares. C’est pour cela que la fin de vie devrait s’accompagner d’une « assistance » médicale réduite au minimum. Il est naturel de naître dans le lit parental, il est aussi naturel de mourir dans son propre lit. Retrouvons un peu de notre nature propre, perfectionnons ensemble notre sens des limites.

* Le MONDE du 18 décembre 2013, « L’aide au suicide constitue un droit légitime »

1 réflexion sur “L’aide au suicide constitue un droit légitime… et écolo”

  1. réfléchir sur la mort avec Ivan Illich
    Décédé en 2002 des suites d’un cancer du cerveau qu’il a volontairement choisi d’assumer jusqu’au bout sans vouloir l’opérer, Ivan Illich s’étonnait de la technicisation de la mort dans son ouvrage La perte des sens :
    « Dans la tradition galénique, les médecins étaient formés à reconnaître la facies hippocratica, l’expression du visage indiquant que le patient était entré dans l’atrium de la mort. A ce seuil, le retrait  était la meilleure aide qu’un médecin pût apporter à la bonne mort de son patient. Ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle qu’apparaît le docteur en blouse blanche aux prises avec la mort, qui arrache le patient à l’étreinte de l’homme-squelette.  De même que l’habitude d’aller « en voiture » atrophie les pieds, la médicalisation de la mort a atrophié le sens intransitif de vivre ou de mourir. La gestion de l’agonie a fini par apparaître comme la tâche de l’équipe médicale, la mort étant décrite comme la défaite de ladite équipe. L’âge industriel réduit l’autonomie somatique, la confiance dans ce que je sens et perçois de mon état. Les gens souffrent maintenant d’une incapacité à mourir. Peu sont capable d’envisager leur propre mort dans l’espoir qu’elle apporte la dernière touche à une vie active, vécue de manière intransitive. »

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