Le 9 août, l’observateur du Saint-Siège aux Nations unies avait déclaré que l’action militaire en Irak était « peut-être nécessaire » pour contrer l’avancée des troupes de l’Etat islamique (EI) et mettre fin à l’exode auquel les djihadistes contraignent les chrétiens de la région. Les autorités religieuses jugent aujourd’hui que rien ne peut être pire pour les minorités que la progression de l’EI. Le 13 août, le pape François a demandé à la communauté internationale de « tout faire » pour que cessent ces violences. En France, le porte-parole de la conférence des évêques estime que l’utilisation de la force était « en l’occurrence tout à fait fondée, à condition que les frappes soient utilisées dans des proportions qui doivent rester éthiques ». L’idée de « guerre juste » semble s’être imposée au sein des autorités religieuses*.
L’Eglise catholique a depuis plusieurs siècles développé une doctrine sur les guerres justes et les guerres injustes : massacrer pour la « bonne cause » a été l’une des maladies de toutes les époques. C’est oublier que la non-violence et le refus de toute guerre est un fondement de la chrétienté. Le Nouveau Testament présente Jésus comme un adversaire de toute violence : « Si quelqu’un te donne un soufflet sur la joue droite, tends la gauche » (Mt 5/28) ; « Vous avez appris tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi, je vous dis, aimez vos ennemis » (Mt 5/38-48) ; « Rengaine le glaive car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive » (Mt 26/51-52) ; « Un garde gifla Jésus : « Si j’ai mal parlé montre où est le mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » (Jn 18/22). Les chrétiens, aux trois premiers siècles de l’Eglise, ont en conséquence de leur foi refusé le service des armes. Par la suite, l’Eglise catholique s’est inféodée aux pouvoirs temporels et on se bat souvent au nom de dieux différents issus de la même bible, ou même à l’intérieur d’une même obédience.
Il n’y a pas de guerre juste, que ce soit en Irak ou n’importe où ailleurs. C’est l’idée qu’aurait du défendre le pape François : les guerres sont intrinsèquement mauvaises pour être jamais justes. L’exemple de la Seconde Guerre mondiale est le test suprême. Les nazis étaient des assassins pathologiques. Nous devions les arrêter et seule la force pouvait y arriver. Mais la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ne s’opposaient au fascisme que parce qu’il menaçait leur propre domination sur certaines ressources naturelles et sur certaines populations. Et les ingrédients du fascisme (le militarisme, le racisme, l’impérialisme, la dictature et le nationalisme exacerbé) survécurent sans problème à la guerre**. L’Irak actuel et les diverses interventions des puissances dominantes est un autre exemple. L’idée qu’il y a des guerres justes est en fait inoffensive : elle ne menace en rien les pouvoirs en place. Un écologiste approuverait le fait qu’on ne mette pas le feu à la biosphère ou qu’on n’attise pas les flammes…
* LE MONDE du 16, 17, 18 août 2014, Le pape François cherche sa voie diplomatique
** Désobéissance civile et démocratie d’Howard Zinn