La très grande majorité des personnes ont une conception de la nature anthropocentrée. Un écolo véritable pensent que c’est une mauvaise base de départ. Mais nous n’avons pas à jeter l’invective, il faut seulement privilégier le raisonnement. En effet les écologistes n’ont pas d’adversaire puisque toutes les personnes sont potentiellement des écologistes. Nous n’avons donc que des personnes à convaincre. Bien souvent d’ailleurs la « confrontation » porte simplement sur une différence de définition des concepts. Exemple de débat :
Anthropocentrique : sans l’Homme il n’y a pas de nature, il n’y a que de la matière.
Biocentrique : la nature, qui n’a pas besoin des humains pour exister, c’est de la matière transformée en formes multiples du vivant .
Anthropocentrique : La nature est une construction sociale. Autrement dit , il y a autant de « définitions » de la nature que de périodes historiques ayant précédé le capitalisme.
Biocentrique : Il y a confusion entre « nature », qui n’a pas besoin d’être définie pour préexister à l’homme, et « environnement » (autour de l’homme), marquée par le regard humain. C’est à cause de cette distinction que FNE est la Fédération à la fois pour la nature et l’environnement.
Anthropocentrique : l’atome ou la matière ne se pensent pas, l’araignée ne se pense pas
Biocentrique : Il ne faut pas mettre sur le même plan la composition commune de l’homme et de l’araignée (des molécules et des gènes) et une araignée qui pense à ce qu’elle fait pour survivre et se reproduire… comme l’homme.
Anthropocentrique : si la nature ne procède que de la pensée de l’homme
Biocentrique : l’expression « si » montre que nous sommes dans un contexte particulier de définition qui entraîne la suite du raisonnement. Mais si la base est biaisée, tout le reste du raisonnement n’a plus de fondement.
Anthropocentrique : pas un seul millimètre carré de cette planète qui n’ait été profondément transformés par l’activité humaine
Biocentrique : nous sommes bien d’accord, nous sommes entrés dans l’anthropocène à la différence d’une époque où la nature sauvage existait encore. Comme cette transformation, issu d’un processus de production et de consommation qui dégrade profondément la biosphère qui nous fait vivre, c’est d’ailleurs pour cela que l’écologie politique existe, pour dénoncer cette dégradation et faire autrement.
Anthropocentrique : Dès que vous avez observé un paysage, il est déjà éternellement modifié
Biocentrique : rappelons simplement que la vie sur cette planète a environ 3,8 milliard d’années et homo sapiens à peu près 200 000 ans seulement. Jusqu’il y a 10 000 ans d’ailleurs, les chasseurs-cueilleurs s’adaptaient au paysage plutôt que l’inverse.
Anthropocentrique : pour Marx » l’homme réalise (dans la nature) son propre but, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté”… Il convient que nous soyons débarrassés du capitalisme !
Biocentrique : Marx est un productiviste et c’est pour cela qu’il ne se différencie pas des buts du capitalisme. C’est aussi pourquoi Marx ne peut pas être une bonne référence pour un écolo. Il croyait aussi qu’il y avait une « loi » (de transformation du capital), nous savons maintenant qu’il n’y a pas de loi en matière d’organisation humaine.
Anthropocentrique : ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche.
Biocentrique : notre sur-développement cérébral (qui permet l’abstraction et le n’importe quoi) est une explication valable de pourquoi l’homme détruit les conditions de vie sur terre alors que l’abeille ne fait que son boulot de pollinisateur dans la dynamique évolutive du vivant. La civilisation thermo-industrielle nous a fourni un nombre incalculable de mauvais architectes et autres ingénieurs…Ils ne sont pas utiles avec leur cerveau concepteur, les abeilles qui agissent plutôt par instinct sont indispensables.
La remarque précédente ne règle toutefois pas le débat fondamental sur l’existence d’une réalité indépendamment d’une conscience, ni celle plus générale du solipsisme. Simplement elle se pose pour toute conscience et pas seulement dans le cas d’une conscience par un esprit humain. Pour reprendre un animal cher à la mécanique quantique (où ces débats sont particulièrement vifs), nul ne sait si la souris existe préalablement à la conscience qu’en a le chat et à l’envie qu’il a de l’attraper.
Le solipsisme lui même d’ailleurs me semble une question qui se pose pour l’individu (pour une conscience individuelle) et non pour une espèce dans son ensemble. Si la réalité n’existe pas hors d’un esprit individuel, les autres hommes font partie de cette réalité mise en cause. Et donc ce n’est pas face à l’humanité que la réalité du monde peut-être interrogée (et mise en doute) mais face à un seul individu.
Une bonne façon de montrer selon moi l’erreur de « l’anthropocentrisme » est de rappeler la continuité absolue entre l’homme et le reste du vivant. D’ailleurs si l’on remonte dans l’histoire de notre espèce il n’y a nul moment précis où l’on puisse dire clairement : « cette espèce est l’ Homme », le moment que nous choisirons le sera arbitrairement. C’est progressivement que l’espèce c’est individualisée.
Selon les dernières recherches, le dernier ancêtre commun entre l’homme et les autres grands singes a vécu il y a peut être 7 millions d’années. A partir de quand ensuite ces individus sont devenus des hommes ? C’est comme on veut, et dans cet arbitraire réside notre continuité.
Il va de soi que le même raisonnement concerne la séparation entre l’ensemble des hominidés et les autres primates entre les primates et les autres mammifères, entre les mammifères et le reste des animaux et entre les animaux et le reste du vivant.