La place de l’écologie dans la pensée économique depuis Adam Smith (1776) a toujours été négligeable. Si la question du renouvellement des ressources naturelles est au cœur des interrogations de Malthus, les classiques et les néo-classiques ont exclu la nature du champ économique. La pollution industrielle apparaît pendant la seconde moitié du XIXe siècle (combustion du charbon…) sans que l’on s’en préoccupe. Le problème majeur est de produire, le reste importe peu. Karl Marx est dans la même lignée. Il est d’abord le continuateur de l’école classique (fondatrice du libéralisme). Dans le livre 1 du capital, il développe sa conception de la valeur travail en partant principalement des travaux de Smith et Ricardo. La question de l’épuisement des ressources ne se pose pas. A.Smith et K.Marx ne jurent que par le travail puisque, pour eux, seul le travail est créateur de richesses. S’ils expliquent que le travail met en valeur des richesses qui sont données par la nature, c’est d’abord pour valoriser, dans une société avancée, les richesses naturelles externes en moyens de travail tels que chutes d’eau, rivières navigables, métaux, charbon… Ils pensent que la fertilité du sol, eaux poissonneuses, etc. ne sont importantes qu’aux origines de la civilisation. Le premier groupe (richesses externes) peut être assimilé à des ressources naturelles qui ont été valorisées : les métaux, le charbon doivent être extraits de la terre pour être utilisé.
Mais Marx va encore plus loin, il pense que le capitalisme (le socialisme) doit accroître l’emprise de l’homme sur la nature : « La patrie du capital ne se trouve pas sous le climat des tropiques, au milieu d’une végétation tempérée. Et ce n’est pas la fertilité absolue du sol, mais plutôt la diversité de sa composition géologique et la variété de ses produits naturels qui forment la base naturelle de la division sociale du travail et qui incitent l’homme à multiplier ses besoins, ses moyens et modes de travail ». La contrainte naturelle est même sensée perdre en intensité à mesure que l’industrie se développe. En d’autres termes, l’homme reste toujours maître de la nature. Il n’y a pas dans l’analyse de Marx l’idée que le capitalisme va dépérir parce qu’il exploite de façon outrancière les ressources de la nature. La cause principale de disparition du capitalisme reste pour lui la baisse tendancielle du taux de profit. Le développement de l’industrie est en partie « déterminée par la nécessité de diriger socialement une force naturelle, de s’en servir, de se l’approprier en grand par des oeuvres d’art, en un mot de la dompter ». Il rejoint ainsi un classique comme JB Say. Ce qui le préoccupe, ce ne sont pas les ressources de la nature, puisqu’elles sont supposées faciles d’accès et gratuites. Ce sont celles qui doivent être transformées par le travail des ouvriers et le capital des entrepreneurs. En d’autres termes, alors que le facteur travail reste l’élément dominant, l’accumulation de capital technique l’emporte sur le facteur ressources naturelles pendant la révolution industrielle. Aucun souci à se faire, il s’agit de richesses brutes données par la nature en abondance. Pour Marx, la nature en tant que telle ne produit pas de richesses.
Ces analyses anciennes sont prolongées par les tenants actuels de la durabilité faible qui forment le courant économique dominant (de droite comme de gauche) : le capital naturel peut toujours être remplacé par des éléments fabriqués, donc par du travail et du capital technique.