Nous sommes pollués au mercure sans nous en apercevoir

La concentration de mercure des eaux de surface – jusqu’à 1 000 mètres de profondeur – de quasiment tous les océans a triplé du fait des rejets d’origine humaine. Le mercure, très volatil, se disperse dans l’atmosphère et le milieu marin constitue une « pompe à mercure ». Il est transformé par les bactéries en méthylmercure, la forme la plus toxique de ce métal. Celle qui se retrouve dans les poissons de mer que nous consommons. Les concentrations sont infinitésimales, mais au fil de la chaîne trophique, jusqu’aux plus gros poissons comme le thon ou l’espadon, cette concentration est multipliée par dix millions*. Seulement trois réactions (dont une hors sujet) sur lemonde.fr… cela montre le peu d’intérêt des humains pour ce qui les empoisonne ! Il est vrai que ce type de pollution, comme les gaz à effet de serre, possède des caractéristiques qui nous empêchent d’en mesurer les risques. En voici un répertoire :

                 « Les problèmes écologiques présentent cinq caractéristiques dont chacun met mal le principe même du gouvernement représentatif :

           le rapport à l’espace, au sens des frontières politiques, mais aussi des conséquences de nos actions. Les pollutions touchent des régions entières, des continents, voire dans certains cas la biosphère.

           l’invisibilité des problèmes écologiques. Ni les radiations nucléaires, ni la présence de micropolluants dans l’air et l’eau, ni la réduction de la couche d’ozone, ni le changement de la composition chimique de l’atmosphère, ni l’accélération du rythme d’érosion de la biodiversité, ni la perturbation des grands cycles biogéochimiques ne constituent des phénomènes accessibles à nos sens.

           leur imprévisibilité.  Aucun des grands problèmes environnementaux découverts durant la seconde moitié du XXe siècle n’a été anticipé. Tous ont constitué des surprises. Tel fut le cas pour les effets de la radioactivité sur la santé, les effets du DDT et plus largement des pseudo-hormones sur les systèmes reproducteurs, la déplétion de la couche d’ozone, le changement climatique d’origine anthropique.

           la dimension temporelle, sous la forme des conséquences à long terme de nos actions. L’inertie évoque le temps de réponse – très long – des écosystèmes aux dégradations qu’on leur inflige. Les polluants libérés dans les sols ont besoin de longues années avant d’atteindre les nappes phréatiques, le réchauffement climatique se poursuivra bien au-delà du XXIe siècle et le réchauffement des océans perdurera durant des millénaires. L’irréversibilité dénote l’impossibilité, à l’échelle des sociétés humaines, de revenir à des états que nous aurons contribués à détruire.

           la qualification même des difficultés écologiques. L’essentiel de nos difficultés ne relève plus à proprement parler de pollutions, mais de flux. Alors que les pollutions sont susceptibles de connaître des solutions techniques, à l’exemple des filtres pour les émanations industrielles, il n’en est plus de même des flux. Alors que les problèmes de pollution se traitent en produisant mieux, ceux relatifs aux flux exigent que l’on consomme moins.

 La somme des menaces environnementales peut se ramener à un risque unique mais dramatique : la réduction et l’appauvrissement de notre habitat terrestre »**.

 * LE MONDE du 9 août 2014, Trois fois plus de mercure à la surface des océans depuis le début de l’ère industrielle

** Vers une démocratie écologique (le citoyen, le savant et le politique) de Dominique Bourg et Kerry Whiteside (Seuil, 2010)