Faut-il craindre ou se réjouir de l’arrivée d’interfaces cerveau-machine ? La réponse de Pierre-Marie Lledo porte à réflexion : « Personne n’est choqué par le port de lunettes, mais la société a encore du mal à accepter qu’un individu puisse être un cyborg. Ces craintes sont d’autant plus présentes que la plupart des recherches se font loin de nous, aux Etats-Unis et en Asie. Pourtant, nous sommes déjà entrés dans l’ère du transhumanisme. Il faut accepter le progrès sous réserve qu’il soit équitable. » TRANSHUMANISME, le mot est lâché. Lledo est pourtant circonspect, il y a du bon et du mauvais dans la manipulation du cerveau : « Des chercheurs ont pu améliorer de 30 % les performances cognitives d’individus à l’aide de la stimulation magnétique transcrânienne… On voit bien à quelles fins les recherches sur la transformation de la mémoire pourraient être appliquées, par exemple pour générer des soldats qui n’ont plus peur de la peur, ou qui garderaient un souvenir positif d’événements très négatifs. »*
Où est la frontière entre une technique assez acceptable et une autre vraiment nuisible ? Pour l’instant nous sommes soumis à la loi de Gabor : « Tout ce qui est techniquement possible sera nécessairement réalisé ». Or nous savons aussi combien la notion de limites est centrale pour l’écologie politique. Selon Laurent Alexandre, la fixation des limites dans la modification de l’espèce humaine conduira très certainement à des oppositions violentes entre bioconservateurs et transhumanistes. Habitué des colonnes du MONDE, son dernier article est d’ailleurs intitulé « José Bové, ultra-bioconservateur »**. José Bové avait déclaré, le 1er mai 2014, sur la chaîne catholique KTO : « Je crois que tout ce qui est manipulation sur le vivant, qu’il soit végétal, animal et encore plus humain, doit être combattu. »
Greffe de l’utérus, bras bionique, cœur artificiel électronique et rétine artificielle sont les exemples choisis par Laurent Alexandre pour démontrer que « l’humanité est lancée sur un toboggan transgressif ». Nous deviendrons des transhumains, des humains technologiquement modifiés. Et ce démiurge de prévoir prochainement la régénération des organes par les cellules souches, les implants cérébraux, les techniques antivieillissement, le design génétique de bébé à la carte, la fabrication d’ovules à partir de cellules de peau… Fantasmes pour gens friqués dans une société d’abondance énergétique. Nous attendons de technologies ultra-complexes la solution à des problèmes comme le handicap, la stérilité ou le vieillissement. La bioingénierie et Laurent Alexandre veulent nous enfermer dans les limites de leurs laboratoires. Or tout ce qui nous éloigne de la nature a un effet potentiellement pervers. Et plus on est éloigné de l’équilibre avec notre milieu naturel, plus le déséquilibre s’installe et plus le résultat est ou sera néfaste. Il est temps de revenir à une certaine sélection darwinienne. En situation de sociétés en voie d’appauvrissement, il nous faudra accepter de façon simple et naturelle le handicap, la stérilité ou l’approche de la mort. Selon notre point de vue, ce n’est pas l’homme qui doit « s’augmenter » artificiellement mais bien les sociétés humaines qui doivent décroître jusqu’à rejoindre la mesure de l’homme
* LE MONDE Science&Médecine du 8 octobre 2014, « Il est possible de former et d’effacer des souvenirs »
Pierre-Marie Lledo est un neurobiologiste travaillant à la fois à l’institut Pasteur et au CNRS
** LE MONDE Science&Médecine du 15 octobre 2014, José Bové, ultra-bioconservateur
Laurent Alexandre est président de DNAVision, urologue mais aussi marchand d’ADN :
Complément d’analyse : Nos article antérieurs sur ce blog
– Google contre la mort, le transhumanisme au pouvoir
– Transhumanisme, volonté illusoire de toute puissance
Contre le handicap et pour une vie meilleure, le transhumanisme est en partie l’avenir de l’humanité. Evidemment qu’il y a des questions éthiques bonnes à se poser et qu’il y a des risques eugénistes et totalitaires mais si l’on encadre bien les dernières avancées techniques et sociétales, ça ira bien mieux en évitant le pire. Des gens comme José Bové sont des réactionnaires light qui opposent progrès sociétal et technique alors que les deux vont ensemble.
Lier obligatoirement progrès sociétal et avancée technique est une simplification abusive. Les techniques ne sont pas homogènes, il y en a qui sont douces à la nature et à l’homme et d’autres destructrices du lien social et des richesses naturelles. Nous attendons de votre commentaire, Aurélien, en quoi le fait d’intégrer l’homme à la machine (le transhumanisme) est un véritable progrès partagé par tous…
Qu’est-ce qui peut augmenter si ce n’est la conscience, et comment sans amour ? Bon, il faut aussi que le corps soit suffisamment sain dans un contexte qui l’est également , comme un instrumentiste dans un orchestre, sans doute pour pouvoir évoluer avec sa partition, sinon, s’il y a trop de souffrances, c’est à dire trop de difficultés pour qu’un corps s’exprime, les prothèses peuvent soulager l’effort , mais de là à ce que cela augmente la conscience ? non, cela augmente la machinerie étrange des sciences et techniques, qui nous met en dépendance. Vu sa complexité, elle n’est plus à la portée de la personne, elle nous surplombe, comme une autorité à laquelle nous devons nous soumettre….
à qui est la Science ?
On pourrait facilement contredire toutes ces personnes qui annoncent un transhumanisme lié à des machines de plus en plus sophistiquées qui viendraient remplacer beaucoup de nos organes et même « améliorer » notre cerveau.
En effet ces gens sous estiment grandement la complexité du vivant, son extraordinaire résistance et sa sophistication au delà de tout ce que l’on sait faire, Les lunettes n’améliorent pas la vue, en soi, elles modifient juste le trajet des rayons lumineux qui atteignent l’œil. On ne peut pas élargir le cas des lunettes à tous les autres.
Mais cette critique serait sans objet, car tous ces projets supposent une société de plus en plus riche, sur la voie d’une croissance infinie. Or, tout cela relève, nous le savons bien, d’un fantasme stupide qui nie les réalité matérielles et la finitude du monde.
Nous n’allons pas devoir nous battre pour fabriquer des prothèses de plus en plus sophistiquées, nous allons devoir nous battre pour repousser et rendre moins douloureux un effondrement inéluctable. Dans ce cadre les mondes imaginés par les « transhumanistes « ne relèveront plus d’autre chose que de l’anecdote intellectuelle dont bien peu de gens se préoccuperont.
On pourrait facilement contredire toutes ces personnes qui annoncent un transhumanisme lié à des machines de plus en plus sophistiquées qui viendraient remplacer beaucoup de nos organes et même « améliorer » notre cerveau.
En effet ces gens sous estiment grandement la complexité du vivant, son extraordinaire résistance et sa sophistication au delà de tout ce que l’on sait faire, Les lunettes n’améliorent pas la vue, en soi, elles modifient juste le trajet des rayons lumineux qui atteignent l’œil. On ne peut pas élargir le cas des lunettes à tous les autres.
Mais cette critique serait sans objet, car tous ces projets supposent une société de plus en plus riche, sur la voie d’une croissance infinie. Or, tout cela relève, nous le savons bien, d’un fantasme stupide qui nie les réalité matérielles et la finitude du monde.
Nous n’allons pas devoir nous battre pour fabriquer des prothèses de plus en plus sophistiquées, nous allons devoir nous battre pour repousser et rendre moins douloureux un effondrement inéluctable. Dans ce cadre les mondes imaginés par les « transhumanistes « ne relèveront plus d’autre chose que de l’anecdote intellectuelle dont bien peu de gens se préoccuperont.