Le 7 janvier 2015 des hommes armés ont assassiné à l’arme lourde plusieurs caricaturistes célèbres (Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski) et des personnes présentes au siège de Charlie-Hebdo. Selon les propos des rescapés, ils ont crié « Allahou akbar » et « Vous allez payer, car vous avez insulté le Prophète »*. A Sigolène Vinson, ils ont dit, un canon sur la tempe : « Toi on te tuera pas, car on ne tue pas les femmes, mais tu liras le Coran. » Bilan, douze morts, onze blessés, dont quatre grièvement. Les tueurs cherchaient les stars de Charlie, ceux qui avaient caricaturé Mahomet. Rappel historique : en février 2006, Charlie Hebdo déclenchait la colère de certains musulmans en publiant des caricatures de Mahomet qui avaient fait scandale plusieurs mois auparavant dans un journal danois, Jyllands-Posten, en septembre 2005. Le numéro spécial du 8 février était titré « Mahomet débordé par les intégristes » ; on voyait le Prophète, dessiné par Cabu, qui pleurait, la tête entre les mains, et déplorait : « C’est dur d’être aimé par des cons » Dans les différences caricatures sur Mahomet reprises par ce journal satirique, c’est la religion qui était visée, pas les musulmans. Pourtant des organisations musulmanes ont tenté d’obtenir juridiquement l’interdiction de la vente de l’hebdomadaire. François Hollande, alors premier secrétaire du Parti socialiste, interpellait les associations à l’origine de la plainte : « Je ne pense pas que cette affaire a fait progresser votre cause. On ne peut pas dénoncer le terrorisme en écartant le lien avec la religion alors que les terroristes eux-mêmes font le lien » ;
L’influence des religions du livre sur le comportement humain est trop importante. D’autant plus pesante que des Etats soutiennent le Coran contre la liberté d’opinion. Par exemple le royaume de Bahreïn face au récent massacre « tient à souligner l’importance du rôle de la presse qui respecte toutes les religions divines et les différences religieuses ». Mais c’est du DOUBLE LANGAGE. Avec ses caricatures contre Mahomet, Charlie ne peut passer pour un journal respectueux du porte-parole de Dieu, et donc ses rédacteurs peuvent être éliminés sans remords. De même l’Iran a critiqué le massacre d’« innocents » au nom de l’islam. Mais son ministère des affaires étrangères condamne dans le même temps « l’abus de la liberté d’expression », « le radicalisme dans la pensée », et « l’atteinte et l’insulte aux personnalités sacrées et aux valeurs des religions divines et des peuples ». C’est la porte ouverte à toutes les fatwa, avis religieux qui peut donner lieu à condamnation à mort.
En définitive, quand nous adorons Dieu, là-haut dans les cieux, nous faisons le malheur des humains. Une abstraction divinisée, source de toutes les interprétations même les plus malveillantes, est néfaste pour la réflexion humaine. Nous ferions mieux de sacraliser la nature, une réalité fort mal en point par notre faute. Ecoutons l’enseignement du Lama Denys Rinpoché** : « Le dénominateur commun entre écologie et spiritualité, c’est l’harmonie. Mais ce qui me semble essentiel dans la pratique spirituelle, c’est la notion d’incorporation. L’esprit surnaturel, c’est ça qui a tout foutu en l’air, le théisme qui a envoyé notre esprit, notre nature humaine, dans l’abstraction céleste d’un dieu surnaturel, créateur ou cause première du monde. L’illusion, c’est l’esprit tel qu’il est perçu en Occident : une abstraction coupée de la nature. »
* LE MONDE du 9 janvier 2015, Attentat à Charlie Hebdo : « Vous allez payer car vous avez insulté le Prophète »
** In Nous réconcilier avec la Terre par Hervé René Martin et Claire Cavazza (Flammarion, 2009)
La critique des religions, et même les caricatures, les écrits satyriques font un bien fou aux religions : elles mettent en évidence des pratiques ridicules d’un autre temps, elles permettent aux religieux honnêtes de remettre en question leurs petits ou gros travers, leurs rites et habitudes obsolètes, et les forcent à évoluer et à purifier leur foi de ses côtés ridicules ou mauvais.
Il ne faut pas laisser les responsables politiques ou religieux se prendre trop au sérieux, il faut des humoristes qui crient « le roi est nu ! »
Les humoristes et caricaturistes remplissent un rôle essentiel dans l’évolution de la société.
Le problème est le degré de croyance en dieu. Quand la foi devient un facteur identificatoire essentiel et quand le livre sacré est vu comme supérieur aux lois étatiques, alors il y a conflit insoluble entre le religieux et le politique. En France les chrétiens et les juifs s’étaient résignés à la prévalence du politique (la nation et le droit) sur le religieux dans la sphère publique. Depuis 30 ans, les musulmans refusent de + en + ce fondement de la laïcité.
trouvé sur lemonde.fr ce commentaire éclairant :
« Les croyants étalent leurs convictions partout mais si un athée a le malheur d’objecter, le lynchage généralisé commence. Pourtant le concept, s’il y en a un, ayant créé cet immense univers n’a pas de barbe blanche et se contrefout de notre présence éphémère sur notre caillou perdu dans une galaxie quelconque. »
Le pape François et les Imams, même discours !
« La meilleure phrase que j’ai entendue cette semaine, c’est celle qui est sortie de la bouche du pape. La presse ne peut pas dire tout ce qu’elle veut, il y a des choses qu’on ne peut pas toucher. » Qui l’aurait cru ? Samedi 17 janvier, pour revenir sur les attentats en région parisienne qui ont notamment fait douze morts à Charlie hebdo, les élèves de l’Institut de théologie de la Grande mosquée de Paris ont plusieurs fois cité… le pape François. Ce pape qui a expliqué la veille, dans l’avion qui le conduisait du Sri Lanka aux Philippines, qu’il ne fallait pas « provoquer, insulter la foi des autres, la tourner en dérision ».
(Le Monde.fr | 17.01.2015, A la Grande mosquée de Paris, les futurs imams « vident leur sac »)
Le pape François, proche des islamistes ?
Dans le contexte de l’attentat commis contre les dessinateurs de Charlie Hebdo, le pape a dit le 15 janvier : « On ne peut provoquer, insulter la foi de l’autre ni la tourner en dérision. » Il a illustré son propos par un exemple inattendu : « Si mon interlocuteur parle mal de ma mère, il peut s’attendre à un coup de poing, et c’est normal. »*
Le pape François fait comme n’importe quel croyant intoxiqué par sa propre foi : il n’accepte pas la critique alors que la libre discussion est un fondement essentiel de l’évolution des opinions. Dans un pays laïc, séparant la vie publique de la croyance religieuse, un juge ne peut faire dépendre son appréciation de la susceptibilité de celui qui s’estime victime d’une caricature, sauf à restreindre considérablement le principe de la liberté d’expression. Dans un arrêt fondateur de 1976, la Cour européenne des droits de l’homme souligne : « La liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées considérées comme inoffensives, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture, sans lesquels il n’y a pas de société démocratique. » Par contre dans la critique d’une religion, on ne peut pas viser toute une communauté. Il ne faut pas dire par exemple « Les juifs, c’est une secte, une escroquerie ».
L’illustration de ses propos par le pape François est aussi très maladroite. Quand on parle mal de notre mère devant nous, on ne peut répondre par un coup de poing. Il n’y a pas proportionnalité entre des paroles et une agression physique. A un discours, il suffit de répondre par un autre discours, sinon le déchaînement de la violence devient possible. Le pape François a encore des progrès à faire en matière de droit à la liberté d’expression !
* LE MONDE du 17 janvier 2015, Le pape n’est pas « Charlie »
Le pape François, proche des islamistes ?
Dans le contexte de l’attentat commis contre les dessinateurs de Charlie Hebdo, le pape a dit le 15 janvier : « On ne peut provoquer, insulter la foi de l’autre ni la tourner en dérision. » Il a illustré son propos par un exemple inattendu : « Si mon interlocuteur parle mal de ma mère, il peut s’attendre à un coup de poing, et c’est normal. »*
Le pape François fait comme n’importe quel croyant intoxiqué par sa propre foi : il n’accepte pas la critique alors que la libre discussion est un fondement essentiel de l’évolution des opinions. Dans un pays laïc, séparant la vie publique de la croyance religieuse, un juge ne peut faire dépendre son appréciation de la susceptibilité de celui qui s’estime victime d’une caricature, sauf à restreindre considérablement le principe de la liberté d’expression. Dans un arrêt fondateur de 1976, la Cour européenne des droits de l’homme souligne : « La liberté d’expression vaut non seulement pour les informations ou idées considérées comme inoffensives, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’Etat ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture, sans lesquels il n’y a pas de société démocratique. » Par contre dans la critique d’une religion, on ne peut pas viser toute une communauté. Il ne faut pas dire par exemple « Les juifs, c’est une secte, une escroquerie ».
L’illustration de ses propos par le pape François est aussi très maladroite. Quand on parle mal de notre mère devant nous, on ne peut répondre par un coup de poing. Il n’y a pas proportionnalité entre des paroles et une agression physique. A un discours, il suffit de répondre par un autre discours, sinon le déchaînement de la violence devient possible. Le pape François a encore des progrès à faire en matière de droit à la liberté d’expression !
* LE MONDE du 17 janvier 2015, Le pape n’est pas « Charlie »
« JE SUIS CHARLIE BADAOUI »
Le blogueur Raef Badaoui a été condamné à dix ans de prison et 1 000 coups de fouet pour « insulte à l’islam », en Arabie saoudite. La flagellation prévue vendredi 16 janvier a été reportée car les plaies des premiers coups de fouet n’ont pas suffisamment cicatrisé.
Raef Badaoui était l’animateur du site Internet Liberal Saudi Network. On lui reproche d’avoir critiqué plusieurs dignitaires religieux de son pays et d’avoir exprimé des réserves sur la police religieuse et certains édits islamiques. Sa femme Ensaf Haidar a appelé à sa libération : « Mon mari est emprisonné simplement pour avoir exprimé des idées libérales dans un pays [où sévissent] des tribunaux d’inquisition islamique du Moyen Age. »
Le Monde.fr avec AFP | 14.01.2015, Appel à la libération d’un blogueur saoudien flagellé en public
« JE SUIS CHARLIE BADAOUI »
Le blogueur Raef Badaoui a été condamné à dix ans de prison et 1 000 coups de fouet pour « insulte à l’islam », en Arabie saoudite. La flagellation prévue vendredi 16 janvier a été reportée car les plaies des premiers coups de fouet n’ont pas suffisamment cicatrisé.
Raef Badaoui était l’animateur du site Internet Liberal Saudi Network. On lui reproche d’avoir critiqué plusieurs dignitaires religieux de son pays et d’avoir exprimé des réserves sur la police religieuse et certains édits islamiques. Sa femme Ensaf Haidar a appelé à sa libération : « Mon mari est emprisonné simplement pour avoir exprimé des idées libérales dans un pays [où sévissent] des tribunaux d’inquisition islamique du Moyen Age. »
Le Monde.fr avec AFP | 14.01.2015, Appel à la libération d’un blogueur saoudien flagellé en public