Les NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et cognitique) sont censées faire en sorte que la planète soit plus intelligente : « Trois expérimentations ont augmenté les capacités intellectuelles de souris en modifiant la séquence de leur ADN avec des segments de chromosomes humains »*. Cela pose des questions inédites que l’auteur de l’article*, Laurent Alexandre, égrène avec gourmandise.
Laurent Alexandre : Au nom de quelle morale interdire que les chimpanzés soient dans le futur plus intelligents ?
Biosphere : L’expérience sur les souris franchit la barrière des espèces. C’est le même mécanisme que les chimères ou Organisme Génétiquement Modifié. Or les humains ne peuvent maîtriser les conséquences lointaines de leurs inventions, surtout quand il faut des périodes très longues pour qu’un organisme s’adapte véritablement à son milieu (selon les lois de l’évolution). Les chimères animal-homme, même fabriquées « à faible coût », restent du domaine de la volonté de puissance. Or le problème actuel semble plutôt de savoir s’il y aura encore des chimpanzés et Bonobos dans un futur proche alors que l’activité humaine détruit la biodiversité globale. Des singes de laboratoire ou de zoo ne sont plus des singes qui vivent leur vie de singe.
Comment empêchera-t-on certains amoureux des animaux de commander un chien plus intelligent, plus empathique, plus « humain » ?
Biosphere : phrase caractéristique, on veut plus d’intelligence pour l’animal, mais on veut garder la capacité de le « commander ». Le transhumanisme des « animaux augmentés » veut donc rester un anthropocentrisme ! Or un esclave doit se révolter, pas continuer à obéir. L’intelligence mène normalement à cela, ne pas se laisser commander et échapper à ses maîtres.
Comment devrons-nous considérer les animaux lorsqu’ils auront un QI proche d’un humain d’aujourd’hui ?
Biosphere : l’intelligence est multiple et cela ne peut être mesuré par un QI, simple mesure culturelle dans une société donnée. Quelle est la capacité relationnelle et émotionnelle de Laurent Alexandre ou du singe « augmenté ». Il faut admirer l’intelligence des mains plutôt que les billevesées du cerveau ; il faut savoir que les animaux ont déjà leurs formes d’intelligence, et souvent des performances que ne peuvent atteindre les humains par leurs propres moyens. Ne faisons pas de futurologie pour un avenir improbable. Apprenons plutôt à vivre en bonne entente avec nos animaux d’élevage et à laisser en paix les animaux sauvages.
Devrait-on décréter un monopole de l’intelligence conceptuelle à notre espèce et aux ordinateurs dotés d’intelligence artificielle ?
Biosphere : Eh oui. Les transhumanistes comme Laurent Alexandre rêvent d’une synthèse entre notre espèce et l’intelligence artificielle. Les animaux augmentés de cet article ne sont qu’un prétexte pour mieux fait avaler l’idée de « l’humain augmenté ». La « révolution » NBIC veut abolir les limites qui nous séparent des machines. Or jusqu’à preuve du contraire, le règne des machines, pilotées plus ou moins par l’homme, a détérioré la planète et l’ensemble des formes du vivant. Quel exploit !
L’accession à l’intelligence ne signifie-elle pas l’accession à une dignité égale à celle de tout humain ?
Biosphere : L’intelligence d’Hitler ou Staline n’avait rien à voir avec l’idée de dignité. Les capacités d’empathie et le respect d’autrui n’ont rien à voir avec la grosseur du cerveau. Laurent Alexandre n’a aucune notion sur la socialisation nécessaire à l’intelligence envers autrui, il préfère injecter des cellules gliales cérébrales humaines à des singes.
Quelle place faudra-t-il reconnaître aux animaux augmentés et aux robots dans nos institutions ?
Biosphere : Nous espérons que la poubelle de Laurent Alexandre est assez grande pour recevoir la grandeur de ses lubies.
Conclusion : Pour Laurent Alexandre, la validité de l’expérience pour faire des souris « augmentées » allait de soi. Il est président de DNAVision, donc gagne sa vie avec les NBIC. Etonnant que LE MONDE lui offre une tribune régulière qui peut se faire sans opposition alors qu’un article de journaliste essaye d’envisager les points de vue contraires. LE MONDE serait-il un repère de trans-humanistes ?
* LE MONDE SCIENCE ET TECHNO du 24 février 2015, Quelle place pour les animaux augmentés ?
Oui en effet toutes ces ambitions « sciencefictionnesques » font peur.
On songe inévitablement à la petite souris Algernon (Voir le film « Des fleurs pour Algernon ») et à son suivant humain tout également condamné par ce genre de délire et de fuite en avant technologique.
Par pitié, laissons la nature s’occuper de l’intelligence et ne cherchons pas à agir en la matière. Il est bien difficile de définir l’intelligence mais il n’est pas trop dur de comprendre que nous irions à coup sûr vers la bêtise en tentant de satisfaire de tels fantasmes.