François Hollande, une interview exclusive sur l’écologie

Une interview exclusive de François Hollande sur l’écologie ce matin par Thierry Jaccaud, rédacteur en chef de L’Ecologiste. Vous en trouverez le texte intégral ci-dessous.

L’Ecologiste. M. le président, que pensez-vous de la déclaration de Manuel Valls la semaine dernière aux agriculteurs de la FNSEA : « Vous êtes les meilleurs écologistes de France » ?
François Hollande. Merci pour cette question. Cette petite confusion ne vous a pas échappé. Mal informé, en pleine campagne électorale, Manuel Valls a cru tout naturellement qu’il s’adressait à la Fédération des agriculteurs biologiques. Car de manière générale, comme vous le savez, j’ai lancé un grand plan pour l’agriculture biologique, le plan Ambition Bio 2017 qui vise au doublement des surfaces en bio d’ici fin 2017.

L’Ecologiste. Justement, M. le président, un décret de votre gouvernement du 7 mars 2015 prévoyait de réduire d’un quart les subventions aux agriculteurs biologiques…
François Hollande. Là encore, il s’agit d’une toute petite confusion. Un fonctionnaire maladroit aura écrit par erreur « agriculteur biologique » au lieu d’ « agriculteur utilisateur de pesticides ». Car c’est un engagement que j’ai annoncé en février, de réduire non pas d’un quart mais carrément de moitié l’utilisation des pesticides d’ici 2025.

L’Ecologiste. Mais cette promesse avait déjà été faite en 2008, lors du Grenelle de l’Environnement sous Nicolas Sarkozy ! Or depuis, la consommation de pesticides a augmenté de 5% par an en moyenne…
François Hollande. Ecoutez, j’ai recyclé une promesse, cela devrait quand même vous plaire ! Je prends d’ailleurs solennellement l’engagement de la recycler à nouveau en 2025, 2035 et 2045 car je trouve qu’il s’agit vraiment d’une très belle promesse.

L’Ecologiste. En parlant de promesse, où en est la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim ?
François Hollande. Fermer une seule centrale ? Ce serait petit joueur. J’ai fait beaucoup mieux. J’ai fait voter cet automne en première lecture au Parlement un projet de loi qui fera passer la capacité nucléaire française de 63,2 GW à 63,2 GW à l’horizon 2050 et…

L’Ecologiste. Pardon M. le président, pouvez-vous nous redire le chiffre final, nous n’avons pas bien compris…
François Hollande. Volontiers : 63,2 GW. Ce n’est pas bien compliqué, c’est exactement le même chiffre qu’aujourd’hui ! Mais voyez comme les chiffres embrouillent. J’ai donc choisi comme appellation « loi sur la transition énergétique » et (taquin) j’ai même ajouté « pour la croissance verte ». Cela marche du tonnerre : Nicolas Hulot a trouvé cela « formidable » et les députés EELV ont tous voté « pour » en première lecture !

L’Ecologiste. Peut-être que ces votes changeront d’ici l’examen final du projet de loi d’ici l’été… Il nous resterait beaucoup de sujets à aborder : traités de libre-échange, grands projets inutiles… mais parlons seulement de nature, de l’effondrement en cours des écosystèmes. Que faites-vous ?

François Hollande. Là encore, je suis dans l’action. Je viens de faire voter en première lecture une loi sur la biodiversité le 25 mars dernier. Il s’agit, comme l’a justement dit Ségolène Royal, de « créer une nouvelle harmonie entre la nature et les humains. » Parmi les mesures phares de cette loi, celle sur la « compensation » me tient particulièrement à cour. On pourra désormais détruire la nature, à condition de payer pour cela !

L’Ecologiste. Ah ! Mais n’aviez-vous pas dit : « Mon ennemi, c’est la finance ? »
François Hollande. En d’autres temps, mon ami, en d’autres temps ! J’ai même prévu que cette compensation permette « un gain de biodiversité ». Oui. Autrement dit, plus on construira de nouvelles autoroutes, de nouvelles lignes TGV ou de nouveaux aéroports, mieux ce sera pour la biodiversité ! Cela promet une synthèse parfaite entre le marchand de béton et l’écologiste. Magnifique, non ?

Propos recueillis par Thierry Jaccaud le mercredi 1er avril 2015.