Notre société en pollupullulation est obligée de simplifier à l’extrême en habillant de chiffres abstraits une réalité très complexe. Ainsi cet objectif fétiche à ne pas dépasser les « Deux degrés Celsius », emblème de la lutte contre le changement climatique en cours. Stéphane Foucart dans son article* est clair : « Le niveau de sécurité garanti par ce seuil est largement sujet à caution. » Cette limite de 2 °C n’est d’ailleurs pas issue d’un travail scientifique, mais le fruit d’une décision politique : cela semblait raisonnable et médiatiquement valable.
Dans son dernier rapport, la CCNUCC** estime au contraire que dans un monde plus chaud de 2 °C par rapport à la période préindustrielle, « la rapidité du changement climatique deviendrait trop importante pour certaines espèces », que « l’élévation à long terme du niveau de la mer pourrait excéder un mètre » ou encore que « les risques combinés du réchauffement et de l’acidification des océans deviendraient élevés ». Dans la plage de réchauffement comprise entre 1,5 °C et 2 °C, la survenue d’« effets non linéaires » (c’est-à-dire emballement climatique) n’est cependant pas exclue. Or la différence des efforts à accomplir est très élevée : selon le GIEC, avec un objectif de 2 °C cas, il faut réduire les émissions de 40 % à 70 % d’ici à 2050, et rester en dessous de 1,5 °C nécessite une réduction de 80 % à 90 %. En 2011, le climatologue américain James Hansen (NASA) – le premier à avoir alerté l’opinion en 1988 sur le réchauffement climatique – avait déclaré que la trajectoire vers 2 °C de réchauffement était « la promesse d’un désastre ». Il est encore possible qu’à seulement 1°C (c’est-à-dire plus chaud de 0,15 °C par rapport au niveau actuel) l’effondrement de la calotte de glace du Groenland fasse grimper de sept mètres le niveau de la mer.
La lutte contre le réchauffement climatique devient donc une tâche absolument nécessaire mais pratiquement impossible. Réduire par exemple nos émissions de gaz à effet de serre de 75 %, c’est les diviser par 4 en 35 ans. Personne ne dit dans les négociations internationales comment y arriver. L’idée d’un prix mondial du carbone a été abandonnée lors de la conférence de Copenhague de 2009 et la diplomatie climatique s’est transformée en une chambre d’enregistrement de promesses de réduction sans lendemain. Des économistes donnent quelques pistes : « Une taxe carbone mondiale serait la meilleure solution. Mais la mise en place d’un marché d’émissions nous semble être la solution la plus pertinente dans le cadre actuel. »*** Or le marché carbone à petite échelle a déjà montré ses insuffisances, la carte carbone « nationale » est refusée par presque tous les pays, à plus forte raison si elle est mondialisée. Il nous restera donc la carte carbone de rationnement, mais il sera déjà trop tard pour éviter la montée des eaux, l’acidification des océans, la perte de biodiversité, les réfugiés climatiques et, cela a déjà commencé, guerres, famines et épidémies.
* LE MONDE du 6 juin 2015, Réchauffement : le seuil limite des 2 °C est trop élevé
** Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC)
*** LE MONDE éco&entreprise du 5 juin 2015, pour un accord efficace sur le climat
Bien que cela soit improbable car cela ne rentre pas dans le cadre des schémas habituels de la politique, il serait amusant que ces réunions COP 21 soient l’occasion d’acter lucidement la réalité, à savoir : C’est perdu ! Nous dépasserons les deux degrés de réchauffement, nous brûlerons toutes les réserves d’énergies fossiles qui peuvent l’être et le climat va échapper à tout contrôle.
Bien sûr, par ailleurs la démographie va exploser et tous les animaux sauvages de plus de quelques kilogrammes vont disparaitre à courte échéance. 50 % des vertébrés ont disparus au cours des 45 dernières années, rendez-vous en 2060 !