Vincent Lambert est un homme de 38 ans qui vit dans un état végétatif depuis 2008 avec une sonde dans l’estomac ; les médecins n’escomptent plus la moindre amélioration.
Le code de santé publique indique que le médecin « n’a pas le droit de provoquer délibérément la mort ». Pour le rapporteur public du Conseil d’Etat, « en interrompant un traitement, le médecin ne tue pas, il se résout à se retirer lorsqu’il n’y a plus rien à faire ». La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a validé l’analyse du Conseil d’Etat*. Les juges de la Grande Chambre, la formation solennelle de la Cour, se sont dits « pleinement conscients de l’importance des problèmes soulevés par l’affaire, qui touche à des questions médicales, juridiques et éthiques d’une grande complexité ». Il leur a fallu arbitrer entre l’article 2 de la Convention, qui consacre « le droit de toute personne à la vie », et l’article 8, qui impose « le droit au respect de la vie privée et familiale », c’est-à-dire le droit de chacun à diriger sa vie.
La Cour a, dès 2002, reconnu qu’une personne pouvait « revendiquer le droit d’exercer son choix de mourir en refusant de consentir à un traitement ». A condition qu’une loi nationale le permette – c’est le cas en France avec la loi Leonetti de 2005 –, que soit prise en compte la volonté du patient ou de ses proches et qu’il soit possible de faire appel à un tribunal. La procédure médicale, « à tous les stades », indique la Cour, a même été ici « au-delà des conditions posées par la loi ».Restait la condition centrale du consentement du patient. Vincent Lambert, infirmier comme sa femme, lui a souvent dit qu’il n’accepterait jamais de vivre comme un légume, et un de ses frères en témoigne. Les juges, comme le Conseil d’Etat, ont estimé que « les témoignages étaient suffisamment précis ». La CEDH a ainsi jugé, par douze voix contre cinq, que l’article 2, le droit à la vie, n’avait pas été violé par la France.
L’arrêt de la Cour n’a rien de révolutionnaire, même si cinq des dix-sept juges ont dénoncé sa « conclusion effrayante ». Elle laisse aux Etats membres, sur ces questions délicates, un libre choix, et pose un seul verrou, mais d’importance : on ne peut aller contre la volonté du patient. Parce que « la dignité et la liberté de l’homme sont l’essence même de la Convention européenne des droits de l’homme ».
* LE MONDE du 7-8 juin 2015, Affaire Lambert : la CEDH valide l’arrêt des soins
J’ai du mal à comprendre l’intervention de l’article 2 de la CEDH. Il est censé protéger le droit à la vie, pas instaurer une obligation de vie!