L’activisme de la société thermo-industrielle risque de n’être qu’un facteur déclenchant de l’emballement des températures. En effet la combustion des énergies fossiles dégage des gaz à effet de serre, mais la Nature risque d’accélérer en retour le processus : un mécanisme de rétroaction positive se produit lorsqu’un écosystème réagit à l’augmentation des températures en aggravant le phénomène perturbateur. Par exemple, comme l’eau absorbe beaucoup plus le rayonnement solaire qu’un glacier qui réfléchit la lumière, la fonte des banquises va réchauffer l’atmosphère ! De plus ce réchauffement favorise la décomposition de la matière organique dans le sol, ce qui réinjecte du CO2 dans l’atmosphère. De même les tourbières et le permafrost, en dégelant, émettent aussi le CO2 qu’ils avaient accumulé, mais aussi du méthane, un autre gaz à effet de serre. Enfin l’océan qui se réchauffe ralentit la captation de CO2 par le phytoplancton. Publié le 7 décembre 2006 dans la revue Nature, une étude montre que ce phytoplancton va dépérir au fur et à mesure de l’augmentation de la température des océans. En effet, l’augmentation des températures de surface de l’océan entrave la remontée des sels nutritifs nécessaires au développement du phytoplancton : entre 1999 et 2005, l’océan a en moyenne absorbé 190 millions de tonnes de carbone de moins que l’année précédente, soit environ 695 Mt de CO2. Il semble donc que le puits de carbone océanique aille en se réduisant. La fourchette supérieure de température selon les prévisions du GIEC (groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) risque donc d’être dépassé. Ce sera le chaos.
Le chaos désigne la trajectoire d’un système en évolution très sensible aux conditions initiales. Plus précisément, même un événement à l’origine insignifiant peut conduire à des écarts infinis à l’arrivée. Il s’agit de l’effet papillon : un seul battement d’ailes d’un papillon peut avoir pour effet le déclenchement d’une tornade. A plus forte raison si on tient compte de tous les battements d’ailes de millions d’autres papillons. A plus forte raison si on ajoute les activités d’innombrables autres créatures, en particulier celles de notre propre espèce. Par exemple le premier choc pétrolier de 1973 est causé par un événement à l’origine mineur, la guerre du Kippour. Il a entraîné une récession mondiale. Nous savons aussi les conséquences planétaires de la faillite de Lehmann Brothers en 2008. L’amplification extrême d’une situation initiale, la rétroaction « positive », aboutit au chaos. Le problème avec le chaos climatique, c’est qu’il mettra assez longtemps pour devenir suffisamment perceptible aux yeux des humains alors même que les puissances économiques et financières s’ingénient à nier son existence.
Le 4ème thème de l’écologie profonde est une fois de plus validé : « L’interférence actuelle des hommes avec le monde non-humain est excessive et la situation s’aggrave rapidement ». Mais qui voudra se priver de sa voiture ou de son emploi lié à la voiture ?
En effet, ces rétroactions positives constituent probablement la meilleure justification du pessimisme. En les ignorant, nous sombrons dans un optimisme béat et dans une inaction criminelle.
Le climat n’en est qu’un exemple, mais les mécanismes d’écroulement de la biodiversité regorgent de ce type de phénomènes et c’est absolument effrayant.