Il est intéressant de comparer les deux points de vue, celui de Pierre Rabhi et d’Al Gore. L’un mise sur la sobriété de la consommation, l’autre sur la production d’énergie « propre ». Malheureusement le deuxième point de vue occulte le premier. Dommage !
Pierre Rabhi, le paysan-philosophe de 77 ans, chantre de l’agroécologie, ne se fait guère d’illusion sur l’issue de la COP21* :
LE MONDE : Dans un mois, les dirigeants de 195 pays se penchent sur le futur de la planète. Qu’attendez-vous de la Conférence de Paris sur le climat ?
Pierre Rabhi : Il ne sortira rien de cette énième grand-messe. J’ai du mal à croire que les changements structurels nécessaires y soient actés. Il faut entrer dans une nouvelle ère, celle de la modération : modération de la consommation et de la production. Les Etats vont-ils décider d’arrêter la pêche industrielle et l’agriculture intensive, et ainsi cesser de piller les océans ou la terre ? Ce que je reproche à la COP21, c’est de faire croire que ces discussions permettent de résoudre les problèmes, alors qu’on ne s’attaque pas aux sources des déséquilibres.
Pourtant, mi-octobre, l’organe de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture et le ministre français de l’agriculture ont déclaré que la sécurité alimentaire devait jouer un « rôle central » dans les discussions de la COP21…
Le bio, c’est très bien, mais on peut manger bio et… exploiter son prochain, ce n’est malheureusement pas incompatible. Ce que je veux dire, c’est que tous les beaux mots, bio, COP21… tout cela ne sert à rien si nous ne travaillons pas à une alternative, si l’humain n’entreprend pas un travail d’introspection, car le problème est en nous. Il faut évoluer, quitter le culte d’une croissance indéfinie, du toujours plus, de cette accumulation de biens, qui ferait prétendument notre bonheur. Il faut s’engager dans la puissance de la modération, de la sobriété.
L’organisation Al Gore, The Climate Reality Project, forme des milliers de « leaders » à prendre la parole sur les questions de changement climatique. Immersion :
Ken Berlin, le président du Climate Reality Project, annonce vite l’ambition de ces trois jours : rappeler à quel point le dérèglement climatique est déjà à l’œuvre, créer le sens de l’urgence, expliquer que des solutions existent, et souligner à quel point les énergies propres sont moins chères et bonnes pour l’économie. La présentation d’Al Gore est toujours aussi efficace : une demie-heure durant laquelle défilent des images de catastrophes : ouragans, tempêtes, inondations, sécheresse, effondrement d’infrastructures, etc. « Notre offre alimentaire, notre accès à l’eau, notre santé et nos infrastructures sont en danger ! » Nous écoutons des acteurs locaux engagés des énergies renouvelables, mais aussi Debbie Dooley, membre du Tea Party convaincue par l’énergie solaire. L’approche de la formation reste très centrée sur les solutions de marché et les énergies renouvelables**.
* Le Monde.fr | 28.10.2015, Pierre Rabhi : « La COP21 ne s’attaque pas aux sources des déséquilibres »