Le titre est alléchant, la problématique osée. Le Monde du 24 décembre 2008 s’interrogeait gravement : « Les enfants sont-ils trop gâtés à Noël ? » Malheureusement l’article ne nous fournit aucune réponse. Tout ce qui importe pour la journaliste, c’est « de conserver la magie de Noël ». Pourtant c’est évident, les petits Français sont trop gâtés à Noël ; ils ont complètement oublié avec leurs parents que le Christ est né dans la plus pauvre des conditions. Le véritable message de Noël est celui du partage, certainement pas cette outrance des marchands du Temple qui nous proposent leurs gadgets plus ou moins soldés. Tout aussi grave est cette illusion constante quant à l’autonomie souveraine de l’enfant dans l’article : « Faire plaisir à leurs enfants (…) Attention portée aux attentes de l’enfant (…) Il faut respecter les désirs de l’enfant (…) Faire émerger ses vrais désirs » (…) Faire confiance aux bambins ». C’est seulement en une fraction de phrase que la journaliste Martine Laronche révèle que les enfants sont en fait les petites victimes du marketing qui transforme le père Noël en fournisseur d’un bon de commande validé par l’industrie du jouet. Parents et enfants sont à la merci du système marchand. Crise ou pas, l’infantilisation des masses jeunes et adultes se poursuit à chaque Noël.
« Mais quelles sont les tendances d’enfants élevés dans un milieu naturel et n’ayant pas à souffrir du poids des divers modes d’intoxication ? Ils courent, ils jouent dans les flaques, se roulent dans la boue, ou tentent de percer les mystères de « papa-maman ». Ils vivent, pensent, créent. Refouler ces pulsions naturelles est donc le but criminel de notre société. Sauter à la corde ou jouer au ballon devient un exploit quasi contestataire sur des abords d’immeubles transformés en parking. Le système des marchands au pouvoir a dit : J’achète le Père Noël. Les marchands tuent l’enfant, tuent les parents, tuent le jouet. » (La gueule ouverte, janvier 1973).
Il n’y a pas de journée spécifique pour faire plaisir en éduquant. Quand, un jour quelconque de l’année, j’ai offert un puzzle à ma petite-fille de 2 ans et quelques mois, ce qui l’a le plus intéressé n’était pas les cubes du puzzle, mais la ficelle autour du paquet. Alors nous avons joué ensemble avec la ficelle, car l’essentiel n’est pas dans la valeur du jouet, mais dans le fait de jouer avec les enfants, adultes-jeunes réunis autour de la manipulation d’un objet qui n’a de valeur que celle qu’on lui accorde plus ou moins librement.