Le Nunavut (territoire des Inuits du Canada) a acquis son indépendance le 1er avril 1999. Le tout proche Groenland, sous tutelle danoise, réclame dorénavant son indépendance après le référendum sur l’autonomie élargie du 25 novembre 2008. Mais quelle indépendance ? Le contact avec la culture occidentale a déstructuré toutes les sociétés vernaculaires, y compris celle des esquimaux. Les jeunes se sentent piégés dans un territoire isolé. Alors l’alcool ou le haschisch font des dégâts considérables. Il y a des épidémies de suicide tellement les relations familiales sont devenues désespérantes et le mode de vie incohérent.
Tous ces problèmes trouvent leur source dans les années 1950 et 1960, quand le Danemark a apporté l’Etat-Providence au Groenland (LeMonde du 17 janvier). L’assistanat s’est traduit par une politique de concentration des habitants des hameaux les plus dispersés, les populations ont été coupées de leur mode de vie traditionnel. D’où la difficulté de s’identifier en tant qu’Inuit et de vouloir vivre en même temps selon le clinquant du monde moderne. Les Inuits ont perdu le sens de la communauté ; le terrorisme de l’argent du Danemark entraîne qu’il n’y a plus personne autour de soi sur qui compter puisque la grande île de 56 000 habitants perçoit encore annuellement 430 millions d’euros d’aide. Les Groenlandais qui croient pouvoir échapper aux chaînes de la dépendance financière ne pensent plus qu’en terme de tourisme et réclament des policiers, des ingénieurs et des routes. Le tourisme représente un nouvel eldorado, mais ce n’est qu’une nouvelle forme d’assistanat.
Il faut que les Inuits recouvrent le sens du non monétisable. Il faut que les Inuits recouvrent leur parenté avec la nature, les animaux, le vent, le froid. Il faut que les Inuits recouvrent leur véritable autonomie, celle de ne compter que sur leurs propres forces. Lorsqu’on a moins d’argent, on partage davantage de choses, on sait qu’on peut compter sur les voisins, s’appuyer sur sa propre communauté. Le seul avenir viable pour les Inuits, c’est de réapprendre leurs techniques traditionnelles pour vivre en autarcie.