Pascal Bruckner a presque le même âge que moi. Mais il est titulaire d’une maîtrise de philosophie et d’un doctorat de Lettres, ce qui ne le prépare pas tellement à comprendre l’évolution du monde. Il essaye pourtant dans LeMonde du 28 février en écrivant que la voiture est en panne de libido. Cette analyse est source d’illusion dans cette expression répétée :
– sur la voiture : « avaler des kilomètres et ne dépendre de personne » ;
– sur les ordinateurs « qui répondent au double principe d’indépendance et de locomotion » ;
– sur les écrans ultraplats « nouveau paradigme qui fait basculer l’individu contemporain dans une ère inédite d’autosuffisance et de mobilité ».
Pascal Bruckner veut nous faire croire qu’une plus grande célérité dans l’espace s’obtient tout en préservant l’autonomie de l’individu. Il n’en est rien. L’automobile à pétrole (ou électrique) a besoin d’une énorme infrastructure pour pouvoir circuler, routes et autoroutes, points de ravitaillement en énergie… Les instruments électroniques (ordinateurs, écrans de tous types) ont besoin de l’infrastructure des réseaux électriques qui amènent à l’appareil l’énergie sans laquelle ces gadgets ne serviraient rien. Il n’y pas d’autonomie possible avec une technologie hétéronome. Pascal a mal lu Ivan Illich.
Non seulement le marché agonise, mais tous ceux qui nous font croire que nous pourrions toujours aller impunément plus vite, plus loin, plus souvent et moins cher « en toute liberté » nous font prendre les vessies pour des lanternes…