En cette semaine du développement durable qui se termine, interroger le concept de « développement » est crucial. C’est ce que fait Hervé Kempf dans sa chronique du Monde (5-6 avril 2009). Il nous indique que nous n’avons pas besoin de développement durable, « cette camomille mielleuse destinée à nous faire ingérer nos excès ». Précisons :
1) Les sociétés « d’avant le développement » obéissent principalement à des logiques de « reproduction » et non de « production ». Leur but premier est de permettre la reproduction d’une communauté, à la fois démographiquement et culturellement. On n’adopte une innovation que si l’équilibre général n’est pas compromis. Elles visent avant tout à reproduire du lien social, ce qui suppose de garder le sens des limites.
2) Les sociétés en développement se placent dans une logique avant tout économique de maximisation de la production de biens et services marchands, quitte à sacrifier le social. On ne prête pas attention au concept d’équilibre et on considère que la technique permettra toujours de dépasser les limites.
3) Le rapport Brundtland de 1987, Notre avenir à tous, introduit le concept de développement durable et brouille les cartes. Il mélange des considérations qui peuvent rallier des militants écologistes et d’autres qui rassurent les milieux industriels : « La notion de développement durable implique celle de limites. Il ne s’agit pourtant pas de limites absolues, mais de celles qu’impose l’état actuel des techniques et de l’organisation sociale ainsi que de la capacité de la biosphère de supporter les effets de l’activité humaine. Mais nous sommes capables d’améliorer nos techniques et notre organisation sociale de manière à ouvrir la voie à une nouvelle ère de croissance économique. »
4) conclusion : Penser en terme de développement durable s’avère nuisible car la situation climatique et l’épuisement des ressources risquent de devenir irréversibles avec toutes les conséquences socio-économiques que cela entraînera. Aucune croissance n’est infinie dans un monde fini. Le Titanic coule, mais dans le cas de la planète Terre, on ne peut guère espérer de navire de rechange. Pourtant nos dirigeants continuent de se réclamer de la seule logique du « sur-développement » pour répondre aux demandes de mieux-être des populations !
=> Pour approfondir ta réflexion, lis de toute urgence La décroissance, Rejets ou projets ? (croissance et développement durable en questions) de Frédéric Durand
Certes le concept de développement durable repose sur un oxymore et nous sommes déjà dans une phase de décroissance qu’il va falloir rendre soutenable. Pour autant je ne suis pas convaincu que les ambigüités du concept soient contre productives. Le fait de mettre en débat ce qui a été le dogme progressiste de l’Occident depuis le dix-huitième siècle est déjà pas si mal. L’axe principal du débat n’est pas encore celui qui oppose les partisans du DD et ceux de la décroissance mais bien celui entre ceux qui croient qu’avec le nucléaire et quelques régulations financières tout va repartir comme avant et ceux qui pensent que ce qui se profile à l’horizon c’est la crise de la société de consommation. Voir : La crise financière sonne-t-elle le glas du néolibéralisme ou celui de la société de consommation ?
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