L’image de l’espèce humaine invasive telle un cancer qui étend ses métastases sur toute la planète Terre est critiquée par certains qui mettent de « l’humanisme » là où il n’y a qu’anthropocentrisme. Paul Jorion* évite ce piège sémantique : « Les biologistes caractérisent le genre humain comme une espèce colonisatrice : elle croit jusqu’à envahir entièrement son environnement. Un simple regard jeté en arrière sur le destin de notre espèce le confirme aisément : en un siècle, le chiffre de la population humaine a été multiplié par quatre et nous croissons aujourd’hui à raison de 77 millions d’êtres humains supplémentaires par an. Un fois son environnement entièrement envahi, une espèce colonisatrice l’épuise peu à peu. Que fait-elle quand il est totalement épuisé ? Elle se met en quête d’un nouvel environnement qui lui soit propice.
L’homme s’est conduit jusqu’à présent comme un lemming, envahissant la terre sans nul souci de rendre durable et renouvelable l’usage du monde qui l’entoure. Lui arriverait-il même de se préoccuper de celui-ci en énonçant des recommandations, ses efforts se révèleraient dramatiquement vains. Un seul exemple : depuis l’adoption en 1997 du protocole de Kyoto visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, les émissions annuelles de carbone à l’échelle de la planète sont passées de 6400 à 8700 millions de tonnes.
Les limites d’un comportement colonisateur vont cependant de soi : une fois l’ensemble des habitats possibles colonises puis détruits, c’est l’extinction de l’espèce invasive qui menace. Quant à la main invisible d’Adam Smith, en ce qui nous concerne, elle assure notre survie a une condition sine qua non : pour autant qu‘il nous reste encore au moins une vallée à coloniser. »
Paul Jorion, Le dernier qui s’en va éteint la lumière (essai sur l’extinction de l’espèce humaine), Fayard 2016, 288 pages pour 19 euros
Sur le fond : la tentative d’extension maximum, notre espèce se comporte comme toutes les autres, la différence porte sur deux autres points :
– Nous avons les moyens de porter cette extension sur la Terre entière ce qu’aucun autre animal n’a jamais fait sauf sur des échelles beaucoup plus petites en terme d’effectifs (ou de taille, il est vrai que les fourmis sont partout ou presque).
– Nous avons les moyens de prendre conscience du prix de cette extension et de l’impossibilité de continuer durablement sur cette voie. Mais pour l’instant nous le faisons pas.