« Pour plaider la thèse de l’effondrement imminent de la civilisation industrielle globale, il est nécessaire d’établir deux choses. La première est de totaliser la dotation limitée de la Terre en combustibles fossiles, minerais métalliques et autre intrants industriels et agricole et de démontrer que quantité de ces ressources ont dépassé leur pic de production ou l’atteindront bientôt. La seconde est de prouver que le résultat se traduira par un écroulement total du système plutôt qu’une détérioration lente et continue qui pourrait s’éterniser pendant des siècles.
La première tâche a déjà été accomplie par un certain nombre de gens comme Richard Heinberg (Peak Everything) ou Christopher Clugston (Scarcity, rareté). Les chiffres sont disponibles auprès de sources réputées, difficilement discutables. Mais la seconde tâche est beaucoup plus ardue, parce que la seule façon de l’aborder passe par des modèles mathématiques. Le premier d’entre eux est le World 3 utilisé en 1972 dans le livre Limits to Growth. Ce modèle prédit effondrement économique et sociétal d’ici le milieu du XXIe siècle. la version de 2004, Limits to Growth : the 30-year update, a conformé que, 30 ans après, les prédictions initiales sont toujours en très bon accord avec la réalité. Pour modéliser l’effondrement, on peut aussi s’appuyer sur cette citation de Sénèque : « Ce serait une sorte de consolation pour notre fragilité comme pour celle des choses qui nous touchent, si tout était aussi lent à périr qu’à croître ; mais le progrès veut du temps pour se développer : la chute vient au pas de course. » Ugo Bardi en a fait la Falaise de Sénèque avec un schéma simple avec seulement deux variables : ressources et capital ; Le capital ne diminue pas graduellement à mesure que les ressources épuisent, il s’effondre !
Afin d’apprécier, à un niveau intuitif, pourquoi il en est ainsi, pensez aux infrastructures de la civilisation industrielle, autoroutes, ports, réseaux électriques, etc. Quand elles sont moins employées, leurs coûts de maintenance reste identiques, engloutissant une portion encore plus grande de l’économie, a un certain seuil, ces coûts deviennent insupportables et la maintenance est abandonnée. Peu après, les infrastructures elles-même deviennent inopérantes, et avec elles le reste de l’économie industrielle. L’économie globale passe un point de non-retour au-delà duquel il ne peut plus y avoir de redressement et les relations commerciales qui la maintenaient ont cassé. Des pays entiers, tels que la Grèce, se trouvent dans les affres de ce qui peut tout à fait s’appeler un effondrement financier, commercial et politique : on assiste à des paniques bancaires, les pharmacies sont à court de médicaments, les responsables politiques sont sous la tutelle des créanciers du pays. Par contre prédire que quelque chose va arriver est beaucoup plus facile que de prédire quand ce quelque chose arrivera ! Tous les empires finissent par disparaître, les États-Unis subiront le même sort. Mais il n’est pas possible de prédire quand. L’Union soviétique s’est effondrée en 1991 en prenant les spécialistes par surprise.
source : Les cinq stades de l’effondrement selon Dmitry Orlov (éditions Le Retour aux Sources 2016, 448 pages pour 21 euros)
@ Michel C. Sans vouloir jouer les Madame Soleil, Pablo Servigne, ingénieur agronome et spécialiste en collapsologie (science de l’effondrement des systèmes complexes), qui a fusionné des centaines d’articles et autres revues internationales, nous dit que des indices laissent penser que l’effondrement aura lieu avant une vingtaine d’années au grand maximum.
Pour ne parler que de l’effondrement économique mondial qui sera induit par les faillites des compagnies pétrolières dû à un retour sur investissement défavorable, l’échéance serait d’une dizaine d’années, toujours selon Mr Servigne. Ceci entraînera la fin des systèmes alimentaires industriels.
Cette échéance est encore plus brève pour d’autres spécialistes du peak oil (pic pétrolier) et ayant travaillé pour l’ IEA (International Energy Agency), tels que Richard Heinberg par exemple. Pour lui, ce n’est qu’une question d’années avant que les pays dépendants des importations de pétrole voient débuter leur rationnement.
Quel que soit le temps qu’il nous reste, tic tac..
En effet, prédire l’effondrement ne demande qu’un peu de bon sens, quant à prédire la date précise et le scénario… là il faudrait s’appeler Madame Irma.
Un autre livre qui va dans ce sens : Le capitalisme a t-il un avenir ? (La Découverte 2014)Immanuel Wallerstein est historien, sociologue et économiste. Randall Collins et Michael Mann enseignent la sociologie, Georgi Derluguian les sciences sociales et Craig Calhoun est sociologue.Les 5 auteurs présentent des scénarios différents mais s’accordent à prédire, eux aussi, l’effondrement vers le milieu du XXI ème siècle.
( Dans les années 70 , Collins et Wallerstein avaient déjà prédit la fin du communisme soviétique. Mais évidemment ils ne pouvaient prévoir que ce seraient les anciens membres du Comité Central qui saborderaient eux-mêmes le navire)
Sur ces sujets je pense qu’une bonne préparation peut être la lecture du livre d’André Lebeau : L’engrenage de la technique, essai sur une menace planétaire (NRF, Editions Gallimard).
Par contre je ne comparerais pas l’effondrement de l’Union Soviétique à celui potentiel du reste du monde développé.
Il y avait là une forte dimension politique (pas seulement bien sûr mais quand même), dans l’effondrement qui menace notre monde ce sont les données physiques et écologiques qui seront déterminantes et surtout cela sera global. sans vraiment de porte de sortie, alors que l’Union Soviétique s’est finalement muée en une société qui se rapproche de la nôtre.