Philosophe proche du cercle de Vienne, Arne Naess est le théoricien de cette écologie profonde (deep ecology) qu’il oppose à l’écologie superficielle. Il part du constat que la situation environnementale est grave et que notre savoir, pour en prendre la mesure, est limité, Face à cela, deux attitudes sont possibles. La première cherche à protéger les ressources naturelles, c’est l’écologie superficielle. Elle est condamnée à échouer parce qu’elle ne s’en prend pas aux valeurs qui ont rendu possible et entretiennent la dévastation. La pollution est traitée en aval de la production industrielle, elle ne fait que ralentir les dégâts. Les technophiles veulent croire que la technique est neutre, qu’elle n’est que de la science appliquée. Naess montre que la technique est un style de vie. Grâce aux filtres à particules, on peut continuer à rouler en 4×4. Ceux qui ont foi dans la technique pensent qu’on sera un jour capable de créer génétiquement des arbres susceptibles de fleurir sous des pluies acides. « Les animaux qui vivent dans les égouts, note ironiquement Naess, peuvent aussi nous servir d’exemples et montrer comment il nous serait possible de vivre dans des conditions semblables ». L’environnementalisme gestionnaire, réformiste, non seulement ne résoudra rien mais finira par devenir despotique. L’écototalitarisme n’est pas à exclure. L’autre voie, l’écologie profonde, considère que la nature a une valeur intrinsèque, par opposition à l’écologie superficielle qui n’y reconnaît qu’une valeur instrumentale. L’écologie profonde juge la valeur des choses indépendamment de leur utilité. L’utilité est en effet nécessairement anthropocentrée, la totalité est oubliée. Naess en appelle à une « vision du champ total ». Il est philosophiquement rattaché à enseignement de Spinoza qui a récusé la dualité ontologique du corps et de l’esprit.
Arne Naess a été un pacifiste actif, dans la lignée du courant de la désobéissance civile de Gandhi (auquel il a consacré un livre) et de Thoreau. Son écosophie est une forme actuelle de la non-violence. L’écologie profonde n’a rien à voir avec un quelconque fascisme. Naess cherche à trouver une issue qui réduise la violence, et soit démocratique en même temps. La caricature dont l’écologie profonde a été victime, surtout en France, est à la mesure de la méconnaissance dont il continue d’être l’objet. L’égalitarisme biosphèrique, écrit Naess, « ne signifie pas que les besoins humains ne doivent jamais avoir de priorité sur les besoins non humains ». Mais ce n’est pas parce qu’une forme de vie décrète avoir plus de valeur qu’une autre qu’elle a automatiquement un quelconque droit de l’exploiter ou de la supprimer.
La seule révolution (selon Christian Godin) qui pourrait inverser le cours des choses ne devrait pas seulement être économique et culturelle, mais anthropologique, une manière de conversion, à l’échelle de l’humanité entière. Les touristes sont bien conscient qu’il faut protéger les populations qu’ils visitent, leurs lieux et leurs ressources. Mais cela ne suffit pas à modifier leur comportement, car la seule action efficace serait qu’ils renoncent à leur tourisme. La schizophrénie est une structure psychique dominante dans le monde contemporain ; les lignes de fracture ne passent plus entre les individus, mais à l’intérieur d’eux-mêmes. Le même individu change de mentalité selon qu’il est employé ou actionnaire, consommateur profitant de l’aubaine des soldes et citoyen indigné par l’exploitation des travailleurs du tiers-monde. Lorsque les gens apprennent l’impact réel que leur mode de vie peut avoir sur l’environnement, ils s’empressent de l’oublier. Imaginez que soit posée en France la seule question qui vaille, la seule question vraiment révolutionnaire : « par équité vis-à-vis de la partie la plus démunie du monde et par respect pour l’environnement êtes-vous prêt à envisager une baisse de moitié de votre pouvoir d’achat ? » D’où cette question finale : à quoi l’être humain est-il désormais capable de renoncer ?
Source : La haine de la nature de Christian Godin (Éditions Champ Vallon 2012, 230 pages pour 19 euros)
LE problème est bien entendu de nature globale, il est certainement inédit dans l’histoire de l’humanité. Il s’agit ni plus ni moins que de l’avenir de notre espèce, qui repose évidemment sur le bon équilibre de notre écosystème, dont les autres espèces. Ce sont bien les hommes et eux seuls, qui se soucient de ce problème. À moins que les bonobos eux-aussi en soient conscients … mais ça j’en doute.
Bien entendu notre espèce n’est pas un ensemble d’individus voyant le Monde avec les mêmes yeux. Toutefois tous les hommes, comme tous les organismes vivants, ne cherchent qu’une chose… vivre.
Vivre, se faire plaisir… quitte à en mourir ! (puisque de toute manière nous devons mourir). Mon Dieu (simple expression), mais qu’elle absurdité ! Et lorsqu’on a trouvé un sens à Tout Ça … généralement lorsqu’ on nous l’a dicté depuis le berceau … eh bien on s’y accroche, et peu importe ce qu’il vaut .
La question « qu’est-ce que vivre ? » est étroitement liée à l’autre, « à quoi l’être humain est-il désormais capable de renoncer ? »
La question est en fait de savoir ce dont il est capable, mais volontairement !
Volontairement, donc librement. Parce qu’une chose est certaine : L’homme renoncera, déjà par la force des choses, autrement dit par nécessité.
Le problème qui se pose à l’humanité (et que l’humanité pose au reste du vivant) est de nature globale et c’est là….le problème
Nous ne sommes pas préparés à cela. Déjà le concept d’humanité est bien imprécis, il laisse entendre qu’il y a une unité, unité de compréhension, d’analyse, de décision, et de volonté, ce n’est absolument pas le cas, nous restons un agrégat informe d’intérêts particuliers.
Je ne critique pas, c’est assez naturel et toutes la sélection naturelle nous a sélectionné justement pour faire face à ce qui menace nos intérêts individuels ou du moins les intérêts de notre cercles proches (nos enfants notamment). Notre espèce est pour la première fois face à une difficulté d’ordre collectif supposant de briser tout ce qui régente nos règles habituelles de comportement.
C’est pour cela sans doute que la difficulté est immense et qu’à titre personnel je suis pessimiste.
Bonjour
Quitte à inventer des mots ridicules, le préfixe « éco » se conjugue aujourd’hui à toutes les sauces. Il est incontournable, il est à la mode. L’écologie (isme) est dans l’air du temps. Le citoyen, par définition adulte et responsable, soucieux du bien commun… est devenu écocitoyen (pléonasme). Le consommateur, qui veut le beurre et l’argent du beurre, est désormais un écoconsommateur (oxymore). En vacances , cet écotartuffe est un écotouriste, il se loge dans des écoauberges , il a une bagnole « propre » qui carbure aux éco-carburants … etc, etc.
On peut appeler les choses comme on veut, le plus important étant de se comprendre.
L’écologie c’est la connaissance, la science, plus exactement toutes les sciences qui nous permettent de connaître l’équilibre et le fonctionnement de notre environnement. L’ écologue, qu’il ne faut pas confondre avec l’écologiste, est un scientifique spécialisé dans l’écologie.
L’écologisme est une doctrine, un courant de pensée en faveur de la protection de l’environnement et des équilibres naturels. L’environnementalisme c’est la même chose. On a le droit de prendre ces 2 mots comme des synonymes, pour la simple et bonne raison qu’il y a autant d’écologismes que d’écologistes (écolos) !
Seulement comme toujours, la moindre différence chez l’Autre dérange. La certitude de détenir la Vérité (dogmatisme) conduit à la violence. Plus écolo que moi, tu meurs !
Cette « écologie profonde » (qui s’oppose à la dite « écologie superficielle ») part du constat que la situation est grave. Là dessus tous les écolos se retrouveront.
Elle postule aussi « que notre savoir, pour en prendre la mesure, est limité. » Sur ce point en effet, comment pourrions-nous agir efficacement si nous ne prenons pas la mesure de la situation ? Approfondir la connaissance de la situation (écologie) sera toujours bénéfique, certes. Toutefois nous en SAVONS désormais largement assez ! Dans nos pays dits « riches », nous savons très bien que nous consommons trop, que ça ne peut pas durer… nous savons très bien que notre train de vie repose sur l’exploitation de la Terre et d’une majorité d’humains qui n’ont que des miettes. Et c’est là que nous nous heurtons au problème du déni de réalité. On sait, mais on ne veut pas y croire. Ou alors, on sait mais on ne PEUT pas y croire… ce qui revient de toute façon au même, c’est à dire à l’immobilisme.
Ce qui nous amène justement à la question finale de l’article, la seule question qui vaille et dont la réponse pourrait mettre définitivement un terme à toutes ces discussions et agitations stériles : « à quoi l’être humain est-il désormais capable de renoncer ? »
C’est à titre personnel exactement le même raisonnement que je tiens pour la démographie. Quand je vois certains écologistes vanter certaines mesures superficielles an nom « c’est mieux que rien » je rappelle que justement : peut-être pas ! Parce que de petites améliorations nous permettront d’être encore un peu plus nombreux et de finalement détruire encore plus le monde.
Il en est ainsi par exemple du végétarisme. Je suis tout à fait pour s’il s’agit d’éviter la souffrance animale, c’est là une chose plus que respectable et il faut absolument la favoriser. Par contre je suis tout à fait contre si c’est pour nous permettre de nourrir finalement plus de gens, et donc d’avoir plus d’emprise sur la nature. Le résultat d’un végétarisme généralisé sera tout simplement le remplacement des prés pour les animaux en zones bétonnées pour les hommes.
Donc oui hélas (et ce n’est pas par goût pour un extrémisme de principe) seule sans doute l’écologie dite profonde a un sens. Soulignons aussi que cette écologie profonde n’est en rien un soutien à des mesures dictatoriales, elle relève simplement de la prise de conscience que la situation est très grave et qu’il nous faut impérativement réduire fortement et nos effectifs (par réduction de la fécondité) et notre mode de vie, faute de quoi nous abimerons durablement la vie sur la planète.
Devant la montée en puissance3 du capitalisme spéculatif sans scrupules,
la tentation n’est-elle pas légitime de glisser d’une « non-violence intelligente » vers la coercition raisonnée…
… avant que tout ne s’achève dans un chaos grandiose comme l’homme sait le faire !
J’vais acheter ce bouquin comme préface à une année 2017 si « prometteuse »…