Le terme d’Earth Jurisprudence a été d’abord utilisé par Thomas Berry (1914-2009), un érudit adepte de l’écologie profonde. Les partisans de cette jurisprudence soutiennent que l’anthropocentrisme est la cause principale de la crise écologique. Cet anthropocentrisme entretient la perception du monde naturel comme d’un simple ensemble d’objets à disposition des humains. Pour Berry, la Terre n’est pas une collection d’objets, mais une communion de sujets. Malgré le droit traditionnel de l’environnement pour en protéger de multiples aspects, la plupart de nos lois sont fondamentalement pro-développement et pro-croissance. Elles ne remettent pas en question la culture systémique de l’épuisement complet de la Terre par les humains ; de fait elles leur sont généralement favorables. Voici quelques propositions de Berry qui devraient être reconnues dans les constitutions nationales et dans les tribunaux de droit. En résumé :
Chaque composante de la communauté de la Terre dispose de trois droits : le droit à l’existence, le droit à l’habitat, et le droit de remplir son rôle dans les processus sans cesse renouvelés de la communauté de la Terre. Tous les droits sont limités, les rivières ont des droits de rivière, les insectes ont des droits d’insectes, les êtres humains ont des droit humains. La différence de l’humain est qualitative et non quantitative. Les droits d’un insecte ne seraient d’aucune valeur pour un arbre ou un poisson. Aucun être vivant ne se nourrit seul. La survie de chaque membre de la communauté de la Terre est immédiatement ou par médiation dépendante de tous les autres membres de la communauté. Cette réciprocité inclut les relations prédateur-proie.
Cormac Cullinan a précisé le point de vue de Berry en 2003 : « Aucun des composants de la biosphère terrestre ne peut survivre ailleurs qu’au sein de l’écosystème terrestre. Cela signifie que le bien-être de chaque membre de la Communauté de la Terre dérive du bien-être de la Terre dans son ensemble et que nul ne peut prendre le pas sur celui-ci. En conséquence le premier principe de la jurisprudence de la Terre doit être de faire passer la survie, la santé et la prospérité de l’ensemble de la communauté devant les intérêts de toute personne ou communauté humaine. L’application de ce principe s’avère également être le meilleur moyen de garantir les intérêts des humains à long terme. L’allégeance que nous, humains, devons à la Terre est donc de l’ordre de l’obligation qu’une cellule a envers le corps. Le devoir de la cellule est de remplir les fonctions pour lesquels elle a évolué et de continuer à agir dans le but de contribuer à la santé du corps. Si elle cesse de le faire, elle meurt ou devient une celle cancéreuse. »
Des droits pour la nature, collectif, éditions Utopia 2016, 2010 pages pour 10 euros