Rachel Carson est incontournable. En 1962, lorsque son livre Printemps silencieux est paru, le mot « environnement » n’existait pas dans le vocabulaire des politiques publiques. Ce livre contre les pesticides est arrivé comme un cri dans un désert, mais il a changé le cours de l’histoire.
Le diagnostic de Rachel était imparable : « Nous avons à résoudre un problème de coexistence avec les autres créatures peuplant notre planète. Nous avons affaire à la vie, à des populations de créatures animées, qui possèdent leur individualité, leurs réactions, leur expansion et leur déclin. Nous ne pouvons espérer trouver un modus vivendi raisonnable avec les hordes d’insectes que si nous prenons en considération toutes ces forces vitales, et cherchons à les guider prudemment dans les directions qui nous sont favorables. La mode actuelle, celle des poisons, néglige totalement ces considérations fondamentales. Le tir de barrage chimique, arme aussi primitive que le gourdin de l’homme des cavernes, s’abat sur la trame de la vie, sur ce tissu si fragile et si délicat en un sens, mais aussi d’une élasticité et d’une résistance si admirables, capables même de renvoyer la balle de la manière la plus inattendue. »
Cette capacité des insectes à muter contre nos pesticides existait déjà du temps de Rachel, LeMonde du 11 juillet 2009 en apporte confirmation encore aujourd’hui : un ravageur du coton résiste aux OGM de dernière génération. Nos apprentis-sorciers de la bio-ingénierie se sont engagés ces dernières années dans le développement de plantes capables d’émettre plusieurs toxines. Mais les insectes résistent toujours à la pression chimique imposée par les humains. Comme l’écrivait aussi Rachel Carson, « vouloir contrôler la nature est une arrogante prétention, née des insuffisances d’une biologie et d’une philosophie qui en sont encore à l’âge de Neandertal. »
En 2004, la convention de Stockholm classait le DDT (polluant organique persistant) parmi les polluants pouvant être encore utilisés avec des « buts acceptables ». En 2006, pour lutter contre le paludisme, l’OMS recommandait la pulvérisation à l’intérieur des habitations.
En 2010, L’OMS est sur le point de faire volte-face : des études épidémiologiques concordantes permettent d’établir un line entre exposition au DDT et cancers. De plus le DDT ne reste pas sur les seules surfaces traitées, mais pollue durablement le sol, l’air, l’eau et les aliments. Enfin certaines espèces de moustiques résistent au DDT dans un nombre croissant.
(LeMonde du 1er décembre 2010)