Il est significatif que trois des quatre mouvements qui arrivent en tête à la présidentielle française sont animés par une personnalité charismatique autoproclamée, Macron, Mélenchon et Le Pen. Dans une démocratie de masse où il faut entraîner à sa suite des millions d’électeurs, il est nécessaire d’avoir un leadership dans lequel se reconnaître. Or cette figure tutélaire est complètement absente en matière d’écologie politique. Nicolas Hulot s’est révélé trop fragile psychologiquement pour incarner l’impératif écologique. Ce n’est pas la notoriété dévaluée de Cécile Duflot qui pouvait pallier son absence. Noël Mamère a été un substitut fugace pouvant couler dans les médias l’écologie plutôt que la représenter. Yannick Jadot aurait pu acquérir une image de présidentiable, il a préféré se fondre dans le PS de Hamon. Dans ce contexte, EELV ne pouvait percer électoralement.
La forme « démocratie » est tellement procédurale sur le plan des pratiques qu’elle a besoin d’incarnation à un moment donné : elle doit accepter aussi des impuretés si elle veut trouver une forme concrète d’existence. La difficulté, c’est que nous avons une préférence, exacerbée chez les écolos, pour les modalités diverses d’organisations pour arriver à « représenter » le peuple plutôt que pour le leadership. Mieux vaut s’engluer dans les procédures délibératives plutôt que confronter ses idées au réel. Si on veut sortir l’écologie politique de sa clandestinité, il faut, tout en gardant l’équilibre délibératif, accepter un peu de verticalité. Si l’on se contente de proposer à la base (sur les listes EELV d’échange) des idées qui vont dans un sens et dans l’autre, sans recherche de cohérence, on se retrouve en situation de faiblesse.
La leçon qu’Emmanuel Macron avait tiré du philosophe Paul Ricoeur, c’est que l’exigence du quotidien qui va avec la politique est d’accepter le geste imparfait. C’est une forme d’affranchissement par rapport à la philosophie. En termes clairs, pour réussir politiquement, mieux vaut accepter temporairement un leader plutôt que se contenter d’activismes groupusculaires… Reste à choisir pour cinq ans entre Mélenchon, Macron et Le Pen ! Bien entendu l’intérêt supérieur de l’écologie passe un réseau autonome dans ses choix, régionaliste et fédéraliste, ouvert sur la multitude des initiatives citoyennes et associatives qui font avancer l’écologie, au quotidien, sur le terrain. Mais cela, beaucoup de personnes n’ont pas besoin d’EELV pour s’y consacrer.