Le premier ministre est tenu d’arbitrer entre les demandes de ses différents ministres lorsque les logiques sont contradictoires. Puisque l’écologie est un objectif qui transcende tous les autres, il est normal que le Premier ministre joue aussi le rôle de ministre de l’écologie et mette enfin l’environnement au cœur du projet gouvernemental.
Depuis la création du premier ministre de l’Environnement en 1971 – qualifiée à l’époque de « ministère de l’impossible » par son premier titulaire Robert Poujade -, l’écologie a toujours été le parent pauvre de l’action publique. Ce qui pouvait être la force de ce ministère, à savoir sa transversalité, est devenu sa plus grande faiblesse. Un sujet est rarement de sa compétence exclusive ; il est souvent du ressort de l’Economie, des Finances, de l’industrie, de l’Agriculture, de la Santé, de la Recherche, des Affaires étrangères, etc. Or le ministre de l’écologie est encore aujourd’hui dans un rapport de force le plus souvent inégal avec ces ministères plus puissants. Nicolas Hulot proposait en 2006 dans « Le pacte écologique » le moyen d’éliminer cette infériorisation systématique. Il écartait la voie, séduisante en apparence, d’un grand ministère de l’écologie qui regrouperait l’environnement, l’aménagement du territoire, l’équipement et les transports. Cette solution risquait de diluer encore davantage l’impératif écologique dans un conglomérat d’intérêts contradictoires. Il avait choisi de créer un nouveau poste au plus haut niveau de l’action gouvernementale, celui de vice-Premier ministre responsable de l’impératif écologique dans l’ensemble des politiques de l’Etat. Autrement dit il superviserait la feuille de route de tout ministère dont l’action relève de l’impératif écologique. L’écologie ayant pour objet, par nature, de préparer l’avenir et d’anticiper les défis, l’ensemble des instruments de prospective de l’Etat serait rattaché à ce vice-Premier ministre : le Centre d’analyse stratégique (ex-commissariat général au Plan), la DIACT (Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires), la MIES (Mission interministérielle de l’effet de serre). Ces trois entités pourraient d’ailleurs être rassemblées au lieu de fonctionner en parallèle.
Nicolas Sarkozy avait signé le Pacte écologique de Nicolas Hulot, mais une fois élu président, il n’a pas crée la fonction de vice-Premier ministre. Il n’a envisagé que la conception élargie du ministère de l’environnement. Alain Juppé est devenu en 2007 Ministre d’État, ministre de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables (MEDAD) et numéro 2 du gouvernement. On ajoutera pour son successeur Jean-Louis Borloo l’énergie, puis la mer, les technologies vertes et les négociations sur le climat. Avec le président François Hollande en 2012, le ministre va rétrograder dans la hiérarchie gouvernementale. Plutôt que ces ministères à périmètre variable, plutôt qu’un vice-Premier ministre, nous proposons que ce soit le Premier ministre lui-même qui soit en charge de l’écologie. L’écologie affecte en effet la quasi-totalité de nos modes d’existence, nos emplois, notre alimentation, notre consommation, nos déplacements, nos logements, nos routes, nos loisirs… Qui peut imaginer que le défi écologique pourra se relever à la marge ? Qui mieux qu’un Premier ministre peut prendre en charge cette application collective d’un projet d’envergure ? Les différents ministres seront ses secondants dans cette tâche, chaque ministère traditionnel ayant une optique écologique explicite dans son périmètre d’action.
Extraits du livre de Michel Sourrouille, « L’écologie à l’épreuve du pouvoir » (Sang de la Terre, juillet 2016)
… pour mieux réfléchir à la nomination de Nicolas Hulot au poste de ministre de la transition écologique et solidaire
En effet, et c’est le moins qu’on puisse dire… la nomination de Nicolas Hulot à ce poste suscite dans de nombreux milieux (même à la Bourse) mais surtout chez tous les écolos … des interrogations, des réflexions et des réactions. C’est ainsi qu’ hier je me suis allé à un long (trop long) commentaire. Il serait donc contre-productif d’en rajouter.