Avril 1972, j’assiste à une conférence sur la pollution atomique. 20 000 instituteurs girondins étaient invités, il n’y en a qu’une vingtaine à peine qui s’est déplacée. Sans commentaire ! Hier je discutais avec un presque médecin. Pour guérir une angine, pas besoin de médicaments. Un peu de jeûne et 15 jours de lit suffisent. Le médecin sait cela, mais l’ouvrier qu’il soigne doit vite reprendre son travail. Alors on le dope et il est remis sur pied en deux jours !
Mai 1972, je suis visionnaire : « Le mode de satisfaction des besoins dans les pays dits développés ne peut pas être appliqué à la population du monde entier car les ressources naturelles sont trop limitées ; l’équilibre écologique devient trop difficile à maintenir puisque l’industrialisation technicienne a acquis une supériorité inaccessible à la critique. » Je cite Ivan Illich : « Davantage de marchandises peut signifier moins d’avantages… Plus grande est la vitesse à laquelle un homme se déplace aujourd’hui, plus important est le temps qu’il met pour se rendre d’un endroit à un autre… Une politique de limites supérieures donnerait à l’individu un pouvoir maximal pour déterminer quels outils sont adaptés à son existence, pour les produire et les utiliser à sa manière et pour ses propres buts, au service de sa vie et de celle des autres. » Je crois que la pollution nous donne un délai de trente ans seulement pour abandonner notre consensus de croissance économique au profit d’un consensus « angélique », où notre entourage n’est plus fait d’objets, mais d’amour et de sentiments, d’un attachement palpable à la terre et à notre planète. Quarante ans après, nous ne sommes toujours qu’une poignée à tenir ce discours. La planète a encore l’air de tenir le coup en 2012 … Notre chute n’en sera que plus brutale.
15 Juin 1972, je découpe un entrefilet sur la conférence des nations unies sur l’environnement qui se tient à Stockholm. La France a eu le mauvais goût de faire un essai nucléaire dans l’atmosphère à la veille de cette conférence… certains pays voudraient condamner ce genre d’exploit. La France montre qu’elle se fout complètement de ce qui se passe à Stockholm. Même jour, un article sur le nouveau cri d’alarme de Sicco Mansholt, président de la commission du Marché commun : « La race humaine, menacée par la pollution, l’accroissement démographique et la consommation désordonnée de l’énergie, doit modifier son comportement, si elle veut tout simplement ne pas disparaître… La grande crise devrait culminer autour de l’an 2020. » Cette déclaration se base sur l’enquête effectuée par le Massachusetts Institut of Technologie (le rapport du club de Rome sur les limites de la croissance), publié en juillet 1971, évoqué en février 1972 par une lettre de Mansholt. La planète est déjà peuplée de 3,7 milliards de personnes. Que faut-il faire ? Mansholt répond : « Il faut réduire notre croissance purement matérielle, pour y substituer la notion d’une autre croissance, celle de la culture, du bonheur, du bien-être. C’est pourquoi j’ai proposé de substituer au PNB « l’Utilité nationale brute » ou, comme on le dit plus poétiquement en français, le Bonheur national brut. » Même jour, un autre article où s’exprime Philippe Saint Marc : « Nous sommes dans un train qui roule à 150 km/h vers un pont coupé. Le monde court à la catastrophe écologique s’il ne procède pas rapidement à une réorientation fondamentale de la croissance économique. » (à suivre)
NB : pour lire la version complète de cette autobiographie, ICI