Une médecine qui est devenue apte à prolonger quasi indéfiniment des vies qui n’en sont plus n’est pas une bonne médecine. C’est pourquoi il semble normal qu’une équipe médicale puisse décider d’arrêter les soins d’un enfant contre l’avis de ses parents. Le Conseil d’État a été saisi en décembre 2017 du cas d’une adolescente de 14 ans, Inès, en coma végétatif à la suite d’un arrêt cardiaque en juin dernier. Selon la procédure collégiale prévue par la loi Claeys-Leonetti de 2016 sur la fin de vie, la décision d’arrêt des soins prise le 21 juillet a été notifiée aux parents. La mère d’Inès n’a pas voulu voir l’évidence : « Je trouve qu’elle est consciente par moments. » L’expertise médicale, confiée à trois professeurs conclut pourtant au caractère « déraisonnable » du maintien de l’assistance respiratoire et de la sonde gastrique alors que le « pronostic neurologique est catastrophique et qu’Inès est dans un état végétatif persistant. (…) Le caractère irréversible des lésions neurologiques est certain ». Sur la base de ces avis médicaux unanimes selon lesquels les traitements sont « inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le maintien artificiel de la vie », les juges de Nancy ont rejeté le recours des parents. La mère veut avoir le dernier mot : « Notre fille nous appartient, pas aux médecins ».* Passage donc par le Conseil d’État. L’avocat des parents a invoqué la convention d’Oviedo sur la dignité de l’être humain en médecine, selon laquelle l’avis des parents d’un mineur prime sur celui des médecins. Pour l’avocat de l’hôpital, cette convention a un statut réglementaire, donc inférieur à la loi de 2016.
Le Conseil d’État a validé, le 5 janvier, la possibilité que les médecins puissent procéder à l’arrêt des soins. Selon les termes de la loi et son interprétation par le Conseil constitutionnel, « il appartient au médecin en charge d’un patient, lorsque ce patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, de prendre la décision d’arrêter ou de ne pas mettre en œuvre, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie. »** Les parents ne sont pas propriétaires d’un enfant, ils ne peuvent que lui vouloir le meilleur dans l’existence. D’ailleurs leur demander leur avis sur la fin de vie est normalement une charge trop lourde, parfois insupportable. Une décision relevant du milieu médical leur enlève un poids moral et affectif, la décision finale est prise par d’autres, ils devraient reconnaître le bien fondé de cette approche. Si pour des raison personnelles ou religieuses, ils s’obstinent, en dernier recours la loi française ne leur donne pas raison. Une bonne loi est là pour trancher entre des avis contradictoires après mûre réflexion collective.
Si des individus veulent s’affranchir de la loi collective, qu’ils prennent leur responsabilité et qu’ils gardent le comateux chez eux. Le cas d’Ariel Sharon est significatif. Il végétait depuis une attaque cérébrale le 4 janvier 2006. Il coûtait cher, 296 000 euros par an. Contre l’avis médical, les enfants refusaient le débranchement. Sharon a été maintenu en vie par les médecins jusqu’à ce que l’hôpital demande à la famille de payer les soins… il a fini par être débranché le 11 janvier 2014. Huit années d’acharnement inutile d’un point de vue socio-économique. A l’heure où l’espèce humaine dépasse les 7 milliards de représentants sur une planète qu’elle a dévastée, l’arrêt des machines qui maintiennent artificiellement en vie des personnes aux frais des contribuables ne serait-elle pas d’un bon rapport qualité/prix ? D’un point de vue écologiste, il faut savoir reconnaître la mort qui vient car elle est par nature notre lot commun. Prolonger une vie qui n’en est plus une est indigne, cela paraît incompatible avec notre faculté de penser et juger la réalité des faits. Il paraît donc plus sain de tout faire pour empêcher la perte de biodiversité et l’extinction des espèces plutôt que de vouloir préserver la vie des humains qui ne servent plus à rien.
* LE MONDE du 30 décembre 2017, Fin de vie : le Conseil d’Etat doit statuer sur le cas d’une adolescente dans un « état végétatif persistant »
** LE MONDE du 6 janvier 2018, Fin de vie : le Conseil d’Etat valide l’arrêt des soins d’une adolescente dans le coma, contre l’avis des parents
Bonjour @Michel C.
Je suis entièrement d’accord avec votre dernière phrase.
Dans l’hypothèse la moins mauvaise qui puisse être, l’article fait une dérapage très grave et énorme.
Ni la concurrence victimaire ni la mise en lumière du fait qu’à quoi que ce soit les végétatifs servent ou non ne sont les bienvenus. Cette même concurrence victimaire et cette même mise en lumière sont chacune indigne de tout écologistes non-pétainiste.
Le sujet est délicat , j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici.
Je pense que ces cas où il y a divergence entre le corps médical et la famille restent rares. C’est certainement pour cette raison qu’ils font la une de l’actualité. Je crois qu’en l’état même de la législation ces situations sont globalement bien « gérées ».
Par contre ce qui me choque c’est de parler d’argent dans cette affaire. Si l’on doit parler du gaspillage d’argent, ou d’énergie ou de ressources, ce ne sont pas les sujets qui manquent. Je trouve autant déplacé de saisir l’occasion pour nous parler du « surnombre ».
Bien entendu la mort est notre lot commun, bien entendu la vie est une maladie mortelle, et sexuellement transmissible, mais permettez-moi de dire que votre dernière phrase me glace.
Êtes-vous sûr(e)(s) qu’Ariel Sharon ait été débranché?
Il avait quatre-vingt-six ans et ses organes vitaux étaient affectés. Il était en voie de naturellement décéder biologiquement malgré l’alimentation artificielle.