Quand une société consacre un hommage national à Johnny ou pleure aux heures de grande écoute sur la mort de France Gall, il n’y a plus de place pour l’extermination de nos cousins les plus proches. Yann Wehrling, dans une tribune du MONDE*, essaye quand même : « Les grands singes ont 99 % des gènes en commun avec les humains. Pourtant la disparition totale à l’état sauvage de tous les gorilles, chimpanzés, bonobos et orangs-outans est prévue pour 2050. 7 millions d’années d’évolutions communes avec nous, ce sont « les nôtres » que nous éradiquons de la surface du globe. En avons-nous le droit ? Non ! Que faire ? Le premier acte, c’est doter symboliquement les grands singes d’un statut particulier d’« hominidés ». Aucun grand singe ne pourrait plus ainsi être tué, torturer, ni même privé de liberté… Créons un fonds d’urgence qui puissent recueillir les dons de centaines de milliers de personnes dans le monde. »
Cette supplique adressée à Nicolas Hulot témoigne de bonnes intentions. Chaque initiative qui va dans le sens de la protection de la biodiversité est bonne à prendre. Mais ne soyons pas naïfs. Élaborer une loi résulte des priorités que se donne une société, et la place des grands singes se situe tout en dessous des dossiers en cours, ou inexistente. Macron verse une larme sur France Gall, les grands singes, ils sont trop loin. De toute façon, doter les singes d’un statut d’« hominidés » n’est pas un avantage en soi. Les humains se donnent un statut privilégié, « tu ne tueras point, etc. », et cela ne les empêchent nullement de s’entre-tuer, et torturer ou pourchasser… même des compatriotes. C’est notre surnombre qui éradique les conditions de survie des grands singes et de tant d’autres espèces. La solution première est d’être moins nombreux, sinon un statut honorifique, même s’il advenait, n’empêcherait pas l’extinction des espèces de « proximité génétique ». D’ailleurs pourquoi s’attacher aux seuls grands singes ? Parce que, dit Yann Wehrling , « C’est la même famille, celle des hominidés ». Or sauver des insectes, des amphibiens ou des forêts a autant de sens, bien qu’ils soient plus éloignés que nous sur l’arbre phylogénétique. Nous sommes tous de la même famille, descendant d’acides aminés et d’unicellulaires. L’arbre généalogique des humains n’a pas commencé il y a quelque 7 millions d’années, mais avec l’apparition de la vie sur Terre. S’attacher aux grands singes ne nous dit rien de notre relation complexe avec les écosystèmes et toutes leurs composantes. La biodiversité forme un tout, indissociable. Privilégier les grands singes semble être, pour un écologiste, une erreur stratégique.
Quant à l’argent qui, selon Yann Wehrling, va affluer dans un « fonds d’urgence », je ne peux que rappeler le tout premier article de ce blog biosphere il y a treize ans : solidarité avec les bonobos. D’un côté le tsunami du 26 décembre 2004 pourrait faire aujourd’hui 150 000 victimes humaines, de l’autre côté chimpanzés, gorilles, orangs-outans et bonobos risquent de complètement disparaître dans une ou deux décennies. D’un côté les soubresauts de la planète laissent en vie largement plus de 6 milliards d’humains, de l’autre l’activité de ces mêmes humains élimine leurs plus proches cousins par la déforestation, la chasse et la pression de la démographie humaine. D’un côté les aides publiques d’urgence en faveur de l’Asie dépassent déjà 1,2 milliards de dollars (sans compter la générosité privée), de l’autre il faudrait seulement 25 millions de dollars pour enrayer l’irrésistible baisse des populations de primates. L’humanité envoie en avion ses touristes occidentaux à l’autre bout du monde pour accélérer le changement climatique, mais elle n’a presque aucun respect pour la vie des non-humains sous toutes ses formes ; l’humanité s’apitoie sur son propre sort, mais elle n’a pas beaucoup de considération pour le déclin de la biodiversité dont elle est pourtant le principal responsable. Il y a quelque chose d’absurde sur cette planète… (13 janvier 2005)
* LE MONDE du 7-8 janvier 2018, « Pour sauver les grands singes, il faut les doter d’un statut particulier d’hominidés »
@Baumgartner: « J’ai vu des hommes répugnants de saleté jamais un animal ». C’est exactement l’invention rhétorique que John Muir a utilisé pour faire croire à ses concitoyens puis par porosité intellectuelle au monde que les indiens d’Amérique étaient des êtres de (mauvaise) culture et qu’il fallait les éliminer des parcs nationaux (et par voie de conséquence les éliminer tout court). Cette assertion est une erreur ontologique et écologique.
Baumgartner
Moi non plus je n’affirme rien au sujet de cette fameuse « nature humaine », et d’une manière générale je me garde de tout dogmatisme.
Attention toutefois à ne pas trop vous focaliser sur ce que l’Homme a de plus noir. Que l’Homme soit « un monstre d’orgueil » je vous l’accorde, je dirais même « fier comme un paon et bête comme un dindon » (Flaubert).
Toutefois certains spécimens sortent du lot, certains nous ont laissé (entre autres belles choses) des œuvres d’art bien plus belles que le spectacle grandiose d’un tremblement de terre, d’un incendie naturel, ou d’un combat à mort entre deux mâles dominants. Un sanglier qui sort de sa souille n’est pas du tout reluisant ni spécialement beau. Reste la question, qu’est-ce que le beau ?
Comme le soulignait Didier Barthès au sujet des amérindiens, le monde des grands singes n’est pas non plus celui des Bisounours. D’après mes petites connaissances, je pense que seuls les bonobos mériteraient le titre de « sages ».
L’Homme reste une espèce jeune, Sapiens est un gamin. 100 000 ans… 200 000 ans … qu’est-ce que c’est sur l’échelle de l’évolution ? Sapiens a donc encore une bonne marge de progression. Maintenant, on ne compte plus les gamins qui faisaient les cons et qui y ont laissé la peau.
Mais que savez-vous réellement de cette chose ? Voulez-vous dire que l’Homme est mauvais par nature ?
Moi j ai pas d affirmation « dogmatique » sur le coté néfaste de l homme , par contre je pense que plus l homme s éloigne de la nature plus il devient dangereux pour ce qui est autour de lui est pour lui…
L homme est un monstre d orgueil , qu il redescende sur terre …
1 ses œuvres d arts les plus belles sont minables à coté du spectacle grandiose du monde naturel
2 L homme sans les artifices est certainement l animal le moins beau le moins noble le plus faible , jamais vous ne verrez un animal atteindre la bassesses la déchéance dont est capable l homme
J ai vu des hommes répugnants de saleté jamais un animal , sauf quand c est l homme qui l obligeait a vivre dans sa fange
@ Baumgartner
Quand vous dites « notre système est par essence criminel » je suppose que vous parlez de « notre système de pensée ».
Mais que savez-vous réellement de cette chose ? Voulez-vous dire que l’Homme est mauvais par nature ?
Bonjour Baumgartner,
Si, bien sûr, l’éradication des amérindiens et de leur culture au contact de la nôtre est une chose effroyable, ne soyons pas trop naïfs en leur prêtant toutes les vertus. Eux, où leurs ancêtres, avaient bien éradiqué l’essentiel de la mégafaune nord américaine qui a précisément disparu du continent quand l’homme y est apparu. Eux aussi menaient des combats violents les uns contre les autres et nos ancêtres aussi connurent une période où ils étaient proches de la nature. Donc ne plaçons pas sur un piédestal certains peuples plutôt que d’autres, ils ont été vaincus par un rapport de forces plus que par un rapport de vertus.
Notre pensée ,notre système est par essence criminel , la folie du pouvoir , la soif de « l or » , là est la source de toutes les » grandes saloperies » comme l esclavage , la destruction des sociétés traditionnelles. de toutes les guerres avec alibi patriotique ou religieux .
Pourquoi voulez vous qu un système de pensée qui a pratiquement éradiqué les indiens d Amérique préserve les grands singes …
L homme indien n était pas un prédateur écologique , il faut dire que c étaient des sauvages qui adoraient les divinités de la nature , alors que nous nous sommes des esprits forts , rationnels , civilisés qui adorons des Djoni et autres Elvis , Cloclo ou France Gall …
He oui, il faudrait un peu plus d’ argent pour stériliser massivement le bipède arrogant et inutile sur cette planète : son rôle écologique est la nuisance et la destruction et non la perpétuation de l’ équilibre naturel au contraire de nos amis acrobates à fourrures de la jungle ou des Virungas .
Si la disparition de nos cousins me rend triste , je ne peux en dire autant de celle prévisible d’ homo erectus à l’ exception de mes amis et de ma famille .
« Il y a quelque chose d’absurde sur cette planète » … Oh que oui , ça c’est vrai ça !
L’absurde est partout. Où que les yeux se posent et pour peu que ça mouline encore sous le casque ou la moumoute, l’absurde se révèle.
Et vous savez quoi ? D’après les grands penseurs, d’après les psys, c’est l’absurde qui déclenche le rire.
Et vous savez quoi encore ? Comme on l’a cru pendant longtemps, le rire n’est pas le propre de l’homme. Nos cousins eux-aussi rigolent !
Alors pour une fois où je n’ai pas trop à réfléchir, où c’est qui faucon signe ?
OUI au « statut particulier d’ hominidés » pour nos cousins les grands singes !