Le rejet de l’écologie, une phase qu’on espère temporaire

Le message écologique commence à se diffuser dans l’ensemble de la population, mais son acceptation véritable se heurte encore à trois obstacles. Pour ne pas recevoir le message tel qu’il est, on s’efforce de tuer le messager. De plus le contexte global croissanciste ne se prête pas encore à la valorisation d’un comportement écologique.

L’écologie a nécessairement une dimension « punitive », culpabilisante, qui passe très mal dans une société bercée par le confort matériel, le goût du luxe, l’envie du toujours plus et l’individualisation des préférences. La poursuite de l’intérêt personnel est l’alpha et l’oméga de nos motivations. Alors dire que l’état de la planète nécessite de moins consommer, de moins utiliser voiture et avion, de refuser les vêtements à la mode ainsi que le clinquant du luxe paraît une atteinte insupportable à la liberté individuelle. Comment parler du sort des générations futures à des personnes qui manifestent massivement leur préférence pour le présent ? Comment aborder le sort des non-humains dans une société ou prédomine l’anthropocentrisme, l’homme mis sur un piédestal ? Le message écologique est certes fort, appuyé par nos connaissances scientifiques : surpopulation, réchauffement climatique, descente énergétique, épuisement des sols… Mais les médias n’insistent que sur l’événementiel, le spectaculaire, les faits divers, noyant l’essentiel dans l’écume du sensationnalisme et du court-termisme. Sauver la Terre et punir l’homme, le message est trop dur pour être entendu. Il est pourtant amplement vérifié que c’est notre nombre et notre addiction à la consommation qui désertifie le planète. Les religions cultivaient le sens du péché pour manipuler leurs ouailles, le massage publicitaires de la société d’abondance empêche toute réflexion sur l’impasse où la non-culpabilité nous mène. C’est pourtant le même mécanisme que dans la religion qui est mis en œuvre : la foi dans le paradis après la mort est remplacé par la technologie qui va nous sauver un jour ou l’autre, il suffit de savoir attendre ! Or dans les faits, le « progrès » technique multiplie les menaces au lieu de les résorber. Et nos facultés d’adaptation ne pourront jamais être à la hauteur de l’ampleur des catastrophes qui nous guettent. Nous sommes tous coupables, dans une proportion plus ou moins grande, mais nous sommes tous réellement coupables !

Comme le message est anxiogène et vécu comme vexatoire, le plus simple est d’accuser le messager. Les écologistes politiques ont mauvaise presse et ils ont d’ailleurs tout fait pour dégrader leur image. Les Verts sont plus connus pour leur course aux postes (la firme EELV) et leurs arrangements partisans que par leur engagement au service de la Terre. On retient plus facilement leur soutien au mariage homosexuel ou à la dépénalisation du cannabis que leur condamnation de l’impasse technologique. Les anti-écologistes se sont précipités sur un créneau porteur, dénigrer les écolos et tuer par la même occasion le message de fond. Claude Allègre, Pascal Bruckner, Christian Gérondeau et autres négationnistes des réalités biophysiques sont des opportunistes qui nous empêchent de nous comporter comme nous devrions nous comporter. Ils pratiquent la désinformation, trop souvent relayée par une presse qui occulte toute réflexion approfondie. Celui qui dit qu’il faut se priver de choses superflues va apparaître comme le porteur de mauvaises nouvelles. « Moins loin, moins vite, moins souvent et beaucoup plus cher » semble complètement dénué de fondement quand on est aliéné par le langage courant qui affirme l’inverse. On ne libère pas une personne de ses chaînes quand il a appris à aimer ses chaînes. Et quand une personnalité veut réellement faire passer la bonne parole, on fait du Eva-bashing lorque Eva Joly se présente a la présidentielle de 2012 ou du Hulot-bashing en permanence.

Enfin le contexte socio-économique ne se prête pas à la pensée écologique profonde. Le discours officiel récurrent de la nécessaire croissance économique comme remède magique à tous nos maux, le chômage, la pollution, le malaise social, fonctionne comme un filtre de notre perception. On nous fait même miroiter que plus de croissance permettra de résoudre tous nos problèmes écologiques. On appelle cela au niveau politique la croissance verte ou encore son ancêtre, le développement durable. D’ailleurs toutes les entreprises ou presque clament leur volonté d’être plus vert que vert. Les oxymores fleurissent, la voiture propre, le charbon propre, les maisons passives, l’alimentation industrielle saine, etc. Ce blog est une tentative désespérée de rétablir l’échelle de nos priorités : l’écologique conditionne le social, qui lui-même devrait déterminer notre fonctionnement économique. Or c’est l’inverse qui se passe actuellement.

3 réflexions sur “Le rejet de l’écologie, une phase qu’on espère temporaire”

  1. Je ne peux qu’applaudir ce texte, tout y est dit. Bien sûr nous pourrions chipoter sur quelques points mais ça n’en changerait pas le fond. Sommes-nous (tous) coupables ou plutôt responsables ?
    Maintenant notre problème est bien là, comment faire pour libérer un esclave qui aime ses chaînes ? Pour commencer replongeons-nous dans les classiques et relisons ce qu’en pensaient les Anciens et une fois que nous aurons digéré tout ça nous essaierons de faire le bilan. Même si ce défi relève de Mission impossible je ne pense pas qu’il y ait une méthode qui soit meilleure qu’une autre.
    Souvenons-nous de cette conversation entre ce loup qui ne portait que la peau et les os et ce chien bien gras au cou pelé. Nous devons admettre qu’il existe des chiens (et des chiennes) qui aiment les chaînes et même les coups de fouets. Et comme on nous dit que tous les goûts sont dans la nature, eh bien il ne nous reste qu’ à accepter leur « choix ». C’est à longueur de journée que nous entendons ce cri d’enfant gâté, « C’est mon choix ! Na ! … J’ai choisi, je suis libre, je fais ce que je veux ! Et quand bien même je fais ce qu’on me dit de faire, chacun fait ce qu’il lui plait, plait, plait ! Hi-han hi-han ! » Bref, si certains aiment les chaînes et les coups de fouets, c’est avant tout leur problème. Sauf que dans notre situation c’est également le notre, ainsi que celui de ceux qui ne sont pas encore nés. Comment pourrions-nous donner l’envie de la simplicité, de la convivialité, de la sagesse ?
    Pour faire avancer les ânes le truc est bien connu, c’est la carotte ou le bâton ! La carotte c’est ce qu’il y a de bon, et on n’a pas trouvé plus c.. que le bâton ! Oublions-donc le bâton, du moins le gros, les petits coups de trique, passe encore.
    Nous savons par exemple que la flatterie est un bon moyen pour amener le pigeon là où il n’a pas nécessairement envie d’aller. « Oh mon bel oiseau, que vous êtes beau, si votre ramage se rapporte à votre plumage… » ce qui en langage publicitaire nous donne « Parce que je le vaux bien ! »
    Afin de « décoloniser les imaginaires » de ces esclaves enchaînés dans leur misérable caverne, le plus efficace serait probablement une puissante propagande avec des clips à la télé toutes les 10 minutes et des panneaux partout tous les 50 mètres : « Con-sommer tue ! » – « Je pense donc je suis ! » – « Votez Latouche !» (Et Cheynet ?)… Il nous reste maintenant à imaginer Le Système se sabordant lui-même, et là j’avoue mes limites.

  2. Nos différents élus qui ont œuvré dans les hautes sphères peuvent effectivement mesurer le tableau laissé derrière eux. Les citoyens écolos sont pour la plupart devant un abime de perplexité. Nous allons refourguer des armes et des centrales en INDE sans que personne ne retrouve à redire. Un jet de pétales de roses devant une statue de GANDHI et une visite à BENARES suffisent à absoudre ces échanges commerciaux…

    A part une psychothérapie de groupe je ne vois pas comment les militants écologistes de la première heure pourront s’y retrouver.

    Telle est la triste réalité de notre époque, je ne prendrai même pas la peine de faire honneur aux derniers élus qui brillent par leurs renoncements ou reniements

    Heureusement ou malheureusement René DUMONT, Solange FERNEX et tant d’autres ne sont plus là pour voir.

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