Un bon financier est avant tout un bon écologiste, sinon il nous mènerait au krach boursier. La chronique Planète du MONDE* confirme, en abrégé : « La mathématisation extrême de la finance a rendu les marchés fondamentalement instables et volatils. A mesure qu’ils se sont harnachés d’une mathématique complexe et impénétrable, bardés de produits dérivés et d’instruments informatiques de trading à haute fréquence (des centaines d’ordres passés par un unique opérateur en l’espace d’une fraction de seconde), les marchés ont perdu toute faculté à délivrer la moindre information sur l’état du monde réel – sur la raréfaction ou la disponibilité d’une ressource naturelle par exemple. Ils sont non seulement devenus myopes mais aussi, comme le dit joliment Nicolas Bouleau, « fumigènes ». Ils brouillent et occultent la réalité. Normalement, plus une ressource se raréfie, moins elle est accessible, plus son prix augmente… ce qui hiérarchise les priorités, flèche les investissements et forge nos représentations du monde. Souvenez-vous de la crise pétrolière du mitan des années 2000. Pendant de nombreux mois, le monde a vécu dans l’angoisse d’une disparition imminente de l’or noir. Les cours du brut grimpaient inexorablement, et rien ne semblait pouvoir les arrêter. L’inquiétude retomba avec la fin de l’exubérance boursière, les gros 4 × 4 sont redevenus au goût du jour et cette histoire de ressources limitées fut remisée au placard. Les problèmes posés par la finitude du monde physique – un fait qu’il est difficile de contester – ne semblent pouvoir s’imposer dans le débat public que sous les injonctions du marché. Lorsque les indicateurs boursiers ne s’affolent pas, c’est qu’il ne se passe rien. C’est l’une des raisons de l’extraordinaire surdité des dirigeants politiques devant « la multiplicité des menaces scientifiquement avérées » qui pèsent sur les sociétés. Certains usages des mathématiques conduisent, aujourd’hui à soustraire à notre entendement certaines réalités qui tôt ou tard se manifesteront, ou se manifestent déjà, à nous. »
Les boursicoteurs ne peuvent être des écologistes puisque leur temps de réflexion se limite au court terme, si ce n’est à l’instant présent. L’écologie au contraire s’interroge sur les équilibres durables, la gestion du long terme. N’oublions pas que la valeur des titres dépend de l’évolution du cours de l’action, ce qui incite puissamment le PDG de l’entreprise à faire porter exclusivement ses efforts sur la maximisation à court terme des dividendes servis à ses actionnaires. Or jamais l’argent gagné au détriment de la Biosphère ne pourra rendre son équilibre aux écosystèmes. Le cours de la bourse donné chaque jour à la radio comme prémices des informations qui comptent est un culte à l’argent pour l’argent, peu importe la santé réelle de nos économie. Le battement des ailes d’un papillon à l’autre bout du monde peut alors entraîner un affolement général. La Grande dépression qui a suivi le krach boursier de 1929 n’a pu se résoudre que par l’irruption d’une guerre mondiale. Étant donné les incohérences de la diplomatie mondiale actuelle, les blocages énergétique qui s’annoncent et les effets en chaîne qui en résultent, les perspectives ne sont pas meilleures. Rappelons l’analyse de Jean-Marc Jancovici : « Si demain nous n’avions plus de pétrole, ni gaz, ni charbon, ce n’est pas 4 % du PIB que nous perdrions (la place de l’énergie dans le PIB), mais près de 99 %. » Dans son livre du jour, « La vérité sur la crise financière », le spéculateur George Soros estimait que la crise financière qui sévissait après la crise des subprimes de 2006 illustrait la perversité des marchés boursiers : la vérité des prix n’existe pas, il n’y a que manipulation. Une bulle formée par des crédits de plus en plus gagés sur du vent ne peut connaître en bout de course qu’une explosion finale.
La seule solution, c’est que les dirigeants et les boursicoteurs s’intéressent enfin à l’avenir de la planète, c’est-à-dire au long terme. Il faudrait que l’aversion pour le risque des marchés financiers prenne la barre du Titanic. Depuis 2012, une ONG baptisée 350.org a lancé une coalition intitulée Divest-Invest (désinvestissez-Investissez). Le mouvement avait été bien suivi, plus de 200 institutions ont déjà décidé de désinvestir du secteur pétrolier en transférant 50 milliards de dollars vers d’autres domaines. Lors de l’assemblée générale des actionnaires de BP qui s’est tenu au printemps 2015, environ 98 % des actionnaires ont apporté leur soutien à une résolution en faveur d’une prise en compte du risque carbone dans les prévisions de rentabilité du groupe. Le risque carbone est toujours là en 2018, encore plus dangereux bien que moins visible à cause des ressources fossiles non conventionnelles et des illusions technologiques. On doit abandonner les mathématiques quand elles nous mènent au désastre.
* LE MONDE du 4-5 mars 2018, des marchés fumigènes
On mélange tout ? C’est c’là oui, avec la mécanique quantique on va y arriver.
Le débat ici vise à savoir si «Un bon financier est avant tout un bon écologiste », ou pas. Un bon financier, on sait ce que c’est, c’est un boursicoteur qui engrange un max. Un bon écolo, c’est plus difficile à dire…
Mais pourquoi est-on allé se perdre avec les maths ?
On mélange tout : le trading haute fréquence , c’est pas des maths au premier degré , c’est du numérique ; la finance dopée à l’argent gratuit des banques centrales ( la hausse des cours , à 99% , c’est ça) , c’est pas des maths mais de la politique des Etats; les maths fournissent les outils à la compréhension, après , l’usage qu’on en fait … Actuellement , on bute sur des problèmes insolubles (comment passe-t-on de la mécanique quantique à la mécanique newtonnienne , que se passe-t-il à 10^-42 du big bang parce qu’on n’a pas trouvé les bons outils mathématiques, d’une complexité inouie)
Le fait d’être mathématicien ne doit ni être mis dans le même sac que le fait d’être astrologue ni être mis dans le même sac que le fait d’être quelque économiste manipulateur du type Elie Cohen ou François Lenglet.
Les mathématiciens sont utiles grâce au fait que l’amour des maths les animes, tandis ni l’économiste macroniste ni l’astrologue ne sont utiles.
Il est entendu que les mathématiques sont l’outil permettant d’expliquer le monde, et en effet aucune science ne peut s’en passer. Cet outil ne peut évidemment pas être mauvais en soi, mais c’est effectivement son utilisation qui peut l’être.
Seulement il y a une différence, et non des moindres, entre les sciences dites dures et les sciences humaines. Tout le monde s’accordera sur la réalité et la définition d’une grandeur physique (longueur, masse, température, puissance…) , par contre lorsqu’il s’agit de valeurs économiques (coût, prix, utilité…) nous entrons là dans un autre domaine. L’économie repose sur une conception purement subjective de la valeur et sur le postulat qui dit que pour avoir de la valeur, un objet doit être utile et rare. C’est ainsi qu’ 1 litre de N°5 Chanel vaut environ 200 fois plus qu’ 1 litre de désodorisant et 4 fois moins qu’ 1 litre d’encre pour imprimante. L’économie est une science humaine, certains osent parler de pseudo-science, en tous cas ce n’est pas parce que les économistes actuels utilisent des mathématiques hyper-complexes et de gros ordinateurs qu’ils peuvent prétendre nous décrire et nous expliquer une quelconque réalité, et encore moins nous prévoir ou nous prédire de quoi sera fait demain. Les exercices auxquels se livrent ces économistes, voire ces mathématiciens animés seulement par l’amour des maths, sont du même ordre que les élucubrations qui occupent les astrologues ou les numérologues. Je pense d’ailleurs que l’horoscope devrait avoir une place beaucoup plus importante dans nos me(r)dias. Sur toutes les chaînes je verrais bien une chronique matinale du Zodiaque, présentée par Élizabeth Teissier ou autre Madame Soleil, bien calée entre la chronique boursière et la pub pour la Loterie Nationale. Je suis convaincu que serait d’une grande utilité aussi bien pour les boursicouteurs que pour ces millions de pauvres bougres qui rêvent de devenir millionnaires.
Les mathématiques en elles-mêmes ne sont jamais mauvaises. C’est ce qu’on en fait qui peut être néfaste.
Il n’y a jamais trop de mathématiques. On n’est jamais trop matheux.
Dans ce texte, il faut remplacer « mathématiques » par « capitalisme » et/ou par « productivisme ». Dans ce texte, il faut remplacer « mathématisation » par « mise en conformité avec la logique de maximisation des profits et du fait qu’avant le bien-être général et avant la biosphère ces mêmes profits passent ».