L’association ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) a été fondée en 1980. L’ADMD revendique aujourd’hui plus de 68715 adhérents. Jean-Luc Romero-Michel, président de l’ADMD depuis le 2 juin 2007, répond aux questions du MONDE*.
Comment êtes-vous entré dans ce mouvement ?
Parce que j’ai vu mourir Hubert (en mai 1994). C’était un samedi soir, dans sa chambre d’hôpital. Il souffrait tellement que j’ai demandé aux infirmières de le soulager. L’une d’elles m’a répondu : « Ah non, la morphine, ça va accélérer sa mort. » Je lui disais : « Mais madame, il est en train de mourir ! » La nuit fut terrible, et je m’en voulais de ne rien pouvoir faire. J’avais déjà, à l’âge de 13 ans, vu mourir mon père d’un cancer des poumons. Il s’étouffait. Et puis, il y a eu tous ces amis morts du sida. Ils avaient 20 ans, 25 ans, et l’immense majorité disaient : « Laissez-moi partir. » On a oublié qu’en 1983 les premiers malades qui s’étaient réunis aux Etats-Unis avaient, dans leur déclaration de Denver, demandé à avoir le droit de mourir dans la dignité, de dire stop. Ils ont été précurseurs. Je ne suis pas un intellectuel. Mon combat au sein de l’ADMD a été naturel, lié aux événements que j’ai vécus. Je me souviendrai toujours des mots de Mireille Jospin [la mère de Lionel Jospin], lors d’une des premières réunions à laquelle j’ai assisté : « Moi, le jour où je veux mourir, je sais ce qu’il faut faire. Vous, vous n’aurez pas les médicaments, c’est pour cela qu’il faut une loi pour tout le monde. » Je ne suis pas un militant de l’euthanasie mais de la liberté et du choix. C’est un droit supplémentaire qui n’enlève rien à personne.
Vous venez de publier « Lettre ouverte à Brigitte Macron » sur la question de la fin de vie. Avez-vous eu un retour de sa part ?
Non, et je pense qu’elle ne me répondra pas. Son mari m’avait invité à un dîner où étaient réunis des représentants de toutes les religions et une majorité de médecins. Ce qui me choque, c’est qu’on fasse du droit de mourir dans la dignité une question médicale, alors qu’il s’agit d’une affaire citoyenne. Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait déclaré : « Moi, je souhaite choisir ma fin de vie, oui. » J’espère que les parlementaires vont s’emparer du sujet. Dans chaque groupe politique, il y a désormais des partisans du droit de mourir dans la dignité. Pour la première fois, il existe une majorité à l’Assemblée sur cette question.
Textes de référence :
LE MONDE du 8 août 1980, » Choisir le moyen et le moment de terminer sa vie
Une Association pour le droit de mourir dans la dignité que préside M. Michel Landa vient d’être créée en France. Elle s’intéresse à la dignité de la personne humaine face à la mort et entend « aider ceux qui vivent cette situation dans la solitude et l’angoisse, et agir auprès de l’opinion pour que cette dignité soit reconnue ». Dans un premier temps, l’association mène campagne contre l’acharnement thérapeutique et propose notamment de faire signer à ses membres un » testament biologique » dont elle entend que les pouvoirs publics et le corps médical reconnaissent la valeur légale. À plus long terme, l’association vise « l’inscription dans la Constitution du droit pour chaque individu de disposer librement de son corps et de sa vie et de choisir le moyen et le moment de terminer sa vie ». L’association française et toutes les autres organisations militant pour le droit à la mort doivent se réunir à Oxford en septembre prochain pour une conférence internationale sur l’euthanasie volontaire et le suicide.
LE MONDE du 4 juin 1981, L’Association pour le droit de mourir dans la dignité prépare un guide de l’autodélivrance
A l’instar du mouvement Exit écossais, l’Association française pour le droit de mourir dans la dignité a décidé de préparer un guide de l’autodélivrance destiné à aider ceux qui, pour des raisons diverses, souhaitent quitter la vie sans violence, par la « mort douce ». Bien que cette décision ait été prise lors d’une assemblée généraleà l’unanimité des membres présents ou représentés (ils sont 1 400 à ce jour), des divergences et des réserves ont été exprimées, non sur le principe du droit qu’a chacun de choisir le moment et les modalités de sa mort, mais sur les modalités de diffusion d’une telle brochure et sur son contenu. « C’est à des êtres désespérés mais sans voix que s’adresse notre action », conclut le président de l’Association française. M. Landa.
* LE MONDE du 1er et 2 juillet 2018, Jean-Luc Romero-Michel : « Ma séropositivité m’a rendu meilleur »