biosphere

le cancer de la Terre (2/3)

L’homme, cancer de la Terre ? Yves Paccalet développe son point de vue dans son livre L’humanité disparaîtra, bon débarras ! : « Lorsque, dans un végétal ou un animal, une population cellulaire augmente de façon aberrante, elle déstabilise l’édifice. Elle accapare l’oxygène, l’eau et la nourriture. Les cellules conquérantes ont besoin de celles qui les entourent pour vivre, mais elles les asphyxient, les assoiffent et les affament, tous en les intoxiquant avec leurs déchets. A terme, les envahisseuses ruinent l’édifice dont elles sont une pièce. Elles se suicident. Pour le médecin, une population excessive de cellules prend le nom de « tumeur ». Si le processus de multiplication s’emballe, la tumeur devient maligne : on a affaire à un cancer. Une seule bête colonise en masse la planète entière : l’homme bien sûr ! Nous ne sommes ni le fleuron, ni l’orgueil, ni l’âme pensante de la planète : nous en incarnons la tumeur maligne. L’homme est le cancer de la Terre. Le cancer est une métaphore. Il en existe bien d’autres… p.49 à 51 »  

 

Tout ceci n’est qu’une métaphore dont la Biosphère approuve pourtant la pertinence…

 

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le cancer de la Terre (1/3)

Dans son livre De l’inconvénient d’être né, Cioran se permet d’écrire que « L’homme est le cancer de la terre ». De son côté, le politologue et objecteur de croissance Paul Ariès1 estime, en faisant référence à des thèses comme celle de l’Eglise d’Euthanasia ou à l’ouvrage d’Yves Paccalet : « Comment lire sans réagir que l’humanité serait un cancer ? ». Dans son livre Urgence planète Terre, Al Gore pense aussi que les tenants de l’ « écologie en profondeur » (deep ecology) commettent l’erreur d’utiliser la métaphore de la maladie pour définir notre relation à la Terre : « A les en croire, nous les humains, exercerions une action pathogène, comme si nous étions une sorte de virus qui irriterait la planète, lui donnerait la fièvre, et menacerait ses fonctions vitales. Ils assigneraient à notre espèce le rôle d’un cancer généralisé, dont nos villes seraient les métastases et qui, pour nourrir sa propre expansion, priverait le globe des ressources qui lui sont nécessaires pour rester en bonne santé. Le problème de cette métaphore, c’est qu’elle n’indique qu’un seul traitement possible : l’élimination des hommes de la surface de la Terre. »

 

Pourtant, Yves Paccalet explicite clairement son point de vue dans son livre2 : «  L’homme est un organisme vivant. Comme tous ses homologues, il se reproduit et il consomme. Il a besoin de respirer, de manger… Ce faisant, parce qu’il engloutit beaucoup plus d’énergie et de biens matériels que les espèces sauvages, et parce qu’il prolifère, il détruit à grande vitesse la seule maison dont il dispose : la Terre. p.19 » Ce raisonnement n’est-il pas réaliste ? Voyons la réponse de Cioran : « Des arbres massacrés. Des maisons surgissent. Des gueules, des gueules, des gueules partout. L’homme s’étend. L’homme est le cancer de la terre ».

1. revue Entropia n° 1, automne 2006, page 165

2. L’humanité disparaîtra, bon débarras ! éditions Arthaud

 

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écoguerrier = terroriste ?

Certains soutiennent l’action des laboratoires britanniques qui pratiquent chaque année près de 3 millions de procédures expérimentales sur les animaux, une cinquantaine étant susceptible de leur infliger des souffrances. Mais l’animal peut-il être un cobaye ? La toute première association au monde dévouée à la cause animale a été fondée en 1824 au royaume des amis des bêtes, la Grande-Bretagne. Aujourd’hui le Front de libération animale (ALF), fondé en 1976 en Angleterre, libère des animaux de laboratoire et pratique le vandalisme. Le plus acharné des militants contre la vivisection est mort en prison en 2001, la police a même classé l’ALF sur la liste des groupes « terroristes ». Certains auteurs bien intentionnés envers le pouvoir en place pensent que ces apprentis terroristes sont inspirés du philosophe norvégien Arne Naess, donc de l’écologie profonde (deep ecology). Il est vrai que l’écologie profonde incite à réagir contre la violence de l’activisme humain qui détériore la planète.

 

Ne faudrait-il pas devenir des éco-guerriers en prenant comme cible tous les signes exacerbés du « progrès » technique ? Jean-Luc Marret (Techniques du terrorisme, Puf) relève que des militants écologistes, opposés à la gestion de la forêt de Fontainebleau, ont planté des tiges métalliques dans les troncs des arbres pour endommager les tronçonneuses. Mais où commence la violence, quand la FAO constate que le Cambodge a perdu 30 % de sa forêt primaire entre 2000 et 2005 ? Où commence la violence quand on se trouve en présence d’une sixième extinction massive des espèces, cette fois provoquée par l’espèce humaine ? Qui provoque le terrorisme ? Qui défendra la Biosphère, si ce n’est l’homme lui-même ?

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vertu du négatif

L’ouverture d’esprit d’un tout petit commence véritablement quand il sait dire « non ». Celui qui dit toujours « oui » tombe dans le conformisme et le conservatisme. Ce n’est pas pour rien que le philosophe Alain (L’homme devant l’apparence, 19 janvier 1924) écrivait : « Penser, c’est dire non. Remarquez que le signe du oui est d’un homme qui s’endort ; au contraire le réveil secoue la tête et dit non. Non à quoi ? La pensée combat contre elle-même. Il n’y a pas au monde d’autre combat. Ce qui fait que si le monde me trompe par ses perspectives, ses brouillards, ses chocs détournés, c’est que je consens, c’est que je ne cherche pas autre chose. Et ce qui fait que le tyran est maître de moi, c’est que je le respecte au lieu d’examiner. » L’apport du négatif est d’engendrer une tension avec le positif, de réfuter l’absolu et d’ouvrir sur le doute, de poser l’existence d’un contre-pouvoir.

 

Ce n’est donc pas anodin que le terme « décroissance » soit combattu par les religieux de la croissance et les fondamentalistes de tout bord : ils refusent la contradiction, ils refusent qu’on puisse dire NON au système existant, aux habitudes de pensée, aux fondamentalistes de l’économie libérale. Pourtant le négatif est chargé de positif puisqu’il s’agit de réduire l’impact de l’activisme humain sur la planète, il s’agit d’assurer s’il en est encore possible un avenir plus durable pour les générations futures. L’effet repoussoir du mot décroissance n’existe que par un bourrage de crâne imposé par les médias dominants aux mains des entreprises. Alors que la religion de la croissance occupe 99,99 % de l’espace médiatique, ses thuriféraires accusent les objecteurs de croissance de défendre une logique antidémocratique. Comme si cette idéologie croissanciste ne conduisait pas inéluctablement à l’effondrement de la démocratie !

 

De toute façon la Biosphère, qui ne connaît ni le positif ni le négatif, prendra les mesures nécessaires pour assurer la survie de la biodiversité, avec ou sans l’homme… 

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l’emprise des écrans

Travailler, consommer, se faire des amis, draguer, écouter de la musique, voir des films, lire, s’informer, voter, jouer, etc., tout cela sur un ordinateur. Désormais rares sont les activités humaines qui ne nécessitent pas la  présence d’un écran. Des individus connectés en permanence, surinformés, se croient omniscients et tout-puissants alors que leur impuissance politique et sociale n’a jamais été aussi grande. Ne pas posséder de télévision ne nous protège pas totalement de son emprise car une véritable culture s’est développée autour d’elle, avec sa presse, ses multiples objets dérivés,  ses codes langagiers et vestimentaires, ses références historiques, ses héros et ses mythes, sa manière d’appréhender le monde. Depuis une décennie, les écrans ont envahi les espaces publics, les supports se multiplient et nous subissons un véritable déferlement technologique : ordinateur, téléphone mobile, GPS, iPod, Palm Pilot, appareil photo numérique, caméscope, console de jeux, etc. Les moments de la journée que l’on ne passe pas devant un écran deviennent exceptionnels. Même les chômeurs doivent utiliser Internet.

 

Quand on regarde la télé ou un ordinateur, on constate une baisse de l’activité cérébrale. L’appareil nous met dans un état réceptif passif. La source lumineuse attire en effet l’œil et déclenche une adhésion immédiate, alors que la lecture nécessite une démarche, voire un effort,  relevant de la volonté. Comme le montrent les expériences, regarder un écran met en sommeil l’intellect, ramollit physiquement et – contrairement à ce que l’on pense communément -, ne repose pas du tout.  De plus l’échange direct, de visu, et la véritable rencontre se raréfient. Nous vivons de moins en moins dans le monde et de plus en plus dans ses représentations, nous vivons dans cette culture de l’illusion où règne la confusion entre le signe et ce qui est signifié. Cette réduction du réel à l’image abolit toute distance nécessaire à la compréhension des choses. D’ailleurs le neurophysiologiste Manfred Spitzer explique qu’un cerveau ne s’imprègne correctement des choses que s’il les découvre par le biais de plusieurs sens. Et, de ce point de vue, l’écran est bien pauvre en comparaison avec le monde réel. (Extraits de l’article « L’emprise des écrans » in bouquin La tyrannie technologique, éditions l’Echappée, 2007)

 

L’écran te lance une super-idée : « La chaîne météo qui donne le temps 24 heures sur 24 ! » Mais pour la Biosphère cela existe déjà, ça s’appelle une fenêtre…

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Web, évasion ou prison ?

L’informatique est un moyen efficace de classer une montagne de données. Le Britannique Tim Bernrs-Lee propose en 1989 de rendre accessible toute la documentation du Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) en reliant deux éléments qui existaient déjà : le principe de l’hypertexte (qui permet de sauter d’une information contenue dans un document à une autre située ailleurs) et un réseau d’ordinateurs interconnectés, l’Internet.  Avec Robert Caillau, il rédige en 1990 les trois piliers du World Wide Web, cette toile virtuelle qui emmaillote la planète : les adresses Web (ou UERL), le langage hypertexte (htlm) et le protocole de transfert hypertexte (http). Dès sa mise à disposition du public au-delà du CERN, en 1992, le web connaît un essor prodigieux : les deux conditions d’une popularisation rapide du web, le libre accès de  tous et la gratuité, étaient en effet à l’origine du processus de standardisation. L’intention aussi était bonne. Robert était belge, un petit pays qui a souffert au cours de l’histoire. Il avait donc compris qu’il était ridicule et néfaste de réfléchir en termes de territoires plus petits que la planète. Mais il y a centralisation des données personnelles dans les serveurs de grands groupes, il y a des jeux de masse qui font se perdre les individus dans des mondes parallèles où on se coupe de la réalité. Si le web permet d’accéder à toutes les connaissances, il est aussi devenu une cyber-poubelle où chacun s’enferme dans son domaine de prédilection. Le désir d’une régulation mondiale qui transcende les égoïsmes nationaux s’effrite chaque jour davantage.

 

L’homme est de plus en plus esclave de la machine, il est dominé par une société du spectacle et de la vanité. N’utilise le web que pour promouvoir une société plus solidaire sur une planète respectée comme une mère.

 

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l’automobile, au garage !

Sous le titre « en route pour demain », l’édito des « cahiers de la compétitivité spécial-transports » (en annexe du journal Le Monde du 11 juillet 2007) n’y va pas par quatre chemins : « La route est ouverte pour nous inviter à voyager vite et loin ». Pour Ari Vatanen, ancien champion du monde de rallye reconverti en député européen, « La prospérité de l’Europe passe par la mobilité ». Il pense que l’objectif européen de défavoriser la route et l’aviation au profit du rail, du transport maritime et fluvial ne tient pas compte des usagers !! Son maître mot est « liberté » de se déplacer pour motifs professionnels ou de loisirs selon le mode qui convient à chacun. Mais les fumeurs ont-ils le droit de fumer à leur convenance ? La liberté de l’automobiliste ne heurte-t-elle pas les limites de la planète ? L’individu est-il réellement libre de gaspiller une énergie non renouvelable tout en accroissant les émissions de gaz à effet de serre ? L’accroissement de la mobilité contribue au progrès économique et social de façon artificielle quand chaque Français parcourt en moyenne 14 000 kilomètres par an, soit 40 km par jour ! Quand les wagons ne parcourent « que » 2 milliards de kilomètres, les poids lourds en font 33 milliards et les voitures 400 milliards !!

 

Heureusement que la rédaction du Monde n’a pas participé directement à la réalisation de ce supplément (réalisé par la Fédération française des automobiles-clubs), mais le mal est fait : un tel encart (de douze pages !!!) nous incite à rouler plus vite et plus loin alors qu’il faudrait tout au contraire aller moins vite et moins loin. La Biosphère ne peut retrouver son équilibre si on célèbre l’automobile….

 

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vivons sans électricité

Il n’y a pas de fumée sans feu, l’abondance actuelle de l’énergie est du au rapt des ressources de la Biosphère par les humains. Si les coupures d’électricité deviennent fréquentes, que va devenir une société qui se structure autour de l’informatique ?

 

Les lois de la physique ont commencé à rattraper un secteur économique qui prétendait les avoir aboli. Entre 2000 et 2005, la consommation électrique des centres informatiques a doublé, atteignant 45 milliards de kilowattheures. Aux Etats-Unis, cela ne représente encore que 1,2 % de la consommation électrique nationale, mais déjà les serveurs prennent leurs précautions et se rapprochent des sources d’électricité. Ainsi Google vient d’installer le précurseur des grands centres à venir près d’une centrale hydroélectrique dans l’Oregon. Il est vrai que la merveille technologique se paye toujours en débauche d’énergie. L’ordinateur fait même partie des appareils les plus inefficaces jamais inventés car le plus gros de l’électricité qui le nourrit est relâché sous forme de chaleur, de bruit et de lumière. Un PC gâche environ la moitié de l’énergie nécessaire, et un serveur en gaspille un tiers. Le doublement tous les ans de la puissance de calcul, dite loi de Moore, s’opère avec une miniaturisation qui se traduit par un échauffement intense. Les processeurs atteignent leurs limites physiques.

 

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Techno-nature !

Un « spécial high tech écologique » du  journal Le Monde du 15 juin nous propose des manières d’être : « Partir sans attendre, s’évader de la touffeur de la ville en s’émerveillant de la fraîcheur d’un arbre et de la couleur du ciel, partager un rêve de nature en choisissant l’objet du désir. » Voilà où le bât blesse, l’objet qui va s’interposer entre la nature et l’homme. On nous propose ainsi du high-tech version écologique ! « L’innovation technologique signée Dunhill  allie la technicité et le respect de l’environnement. Conçu pour les voyageurs, le Solar Bag se recharge naturellement. Avec des panneaux solaires, ce sac en nylon ultra-léger et résistant permet de charger une batterie dissimulée à l’intérieur. Au lithium-ion, elle garantit un débit régulier d’électricité. Ce bagage astucieux convient aux téléphones portables, assistants numériques, caméras vidéo numériques, lecteur MP3 et iPod. Seule objection, la charge n’est pas suffisante pour alimenter les ordinateurs portables. » La rédactrice en chef s’éclate : « Le travailleur impénitent ne pourra que recharger ses batteries corporelles au soleil et retrouver son stylo plume le temps d’une missive sentimentale. »

 

Mais la Biosphère est déconsidérée quand on voyage en son sein avec des préoccupations strictement humaines, utilisant des médiateurs qui font du bruit, de la photo ou du non-sens et s’interposent entre la fraîcheur d’un arbre et le regard humain. La Biosphère préfère le concept de sac à dos écologique, c’est-à-dire le poids nécessaire en termes de matière et d’énergie à la fabrication de chaque objet que nous utilisons : tu n’es pas assez costaud pour porter le  Solar Bag !

 

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non au portable

Economie/pollution : Le téléphone portable est un concentré de nuisances. D’abord à cause de sa puce. Pour fabriquer une puce de 2 grammes, cela nécessite 1,7 kilos d’énergie fossile, 1 mètre cube d’azote, 72 grammes de produits chimiques et 32 litres d’eau. Ce n’est pas tout, votre téléphone a aussi besoin de condensateurs en coltan (colombo-tantalite), un minerai malléable, résistant à la chaleur et à la corrosion. Celui-ci est extrait notamment en République démocratique du Congo, au centre d’une guerre pour le contrôle des ressources qui a tué plus de 3,5 millions de personnes depuis 1998. Bilan de l’activité des mines de Coltan : saccage des forêts et des cours d’eau, massacres d’animaux, en particulier les derniers gorilles des plaines. De plus, les champs électromagnétiques générés par les antennes des portables provoquent indirectement des ruptures dans les brins d’ADN des cellules humaines. Les ondes interfèrent aussi avec les ondes alpha et delta du cerveau. Enfin les téléphones jetés après usage concentrent un mélange complexe de composants particulièrement toxiques. Rentabilité oblige, les portables ont été mis sur le marché sans que des études préalables de nuisance aient été faites…

 

Sociologie/addiction : Derrière le jargon hystérique des amateurs de gadgets électroniques, on aura compris l’essentiel : il faut changer de portable aussi souvent que l’exigent la mode, le « progrès » et les fabricants. Plus que tous ces prédécesseurs, ce gadget pousse au mimétisme et au conformisme si chers aux marketerus. Faites le test, dites à vos collègues que vous n’avez pas de portable ; la majorité s’esclaffe : « T’es contre le progrès ? Tu t’éclaires à la bougie ? » ou s’inquiètent : « Mais comment tu fais ? » Le portable est typique du système d’innovation qui consiste à vendre les remèdes aux maux causés par les innovations précédentes. Vous ne parlez plus à vos voisins à cause de la télévision ? Téléphonez-leur ! Mais pourquoi aurions-nous besoin d’une médiation électronique pour communiquer si ce n’est pour nous adapter à un monde qui atomise chacun de nous et qui morcelle nos vies ? Comme la prothèse qui remplace un membre, le téléphone est supposé réparer artificiellement les dégâts de ce monde-là, qui fait de nous les rouages de la machine à produire et à consommer en masse. Finalement des téléphones portables, pour quoi faire ? « Allô, c’est moi. J’suis dans le bus. J’arrive. A tout de suite. » (Extraits de l’article « Le téléphone portable, gadget de destruction massive » in bouquin La tyrannie technologique, éditions l’Echappée, 2007)

 

Celui qui proclame encore son désir d’être absent, hors-champ, présent à lui-même, a tôt fait d’être classé dans les marginaux et les asociaux. Mais celui-là a aussi de fortes chances de rester en paix avec la Biosphère…

 

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utopie numérique ?

L’utopie numérique laissait envisager un monde ouvert, sans nationalismes ni haine. Douce vision qui se fracasse contre les réalités humaines. Internet devait révéler la diversité. il ne véhicule que des stéréotypes. A la place du village planétaire, nous avons hérité d’un marché globalisé ; les sonneries de téléphone mobile représentent un marché mondial de 4 milliards de dollars. La communication interpersonnelle a été annihilée car il paraît plus important de satisfaire son interlocuteur lointain quand la sonnerie vous appelle que de s’excuser d’interrompre une conversation avec son prochain. Le téléphone portable contribue plus que tout autre gadget numérique à détruire la communauté. Les usagers de portable transforment les gens autour d’eux en objets inanimés, en choses. La technologie de l’écran isole les enfants dans leur chambre où trône la télévision et l’ordinateur, les parents vivent leur vie, à l’écart de leurs enfants.

 

A force de vouloir voir au loin, on en a oublié les liens de proximité ; autrefois on s’identifiait à son voisinage, aujourd’hui nous ne connaissons plus nos voisins. Nous sommes victimes de la tyrannie technologique, réveillons-nous, révoltons-nous, n’achetons pas (n’achetons plus) d’objets numériques, vivons au plus près de la Biosphère et de nos prochains…

  

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Sven Lindqvist

La question de la supériorité ou de l’infériorité n’est pas un fait objectif, mais un simple jugement de valeur lourd de conséquences. Le Napoléon de la science française, Cuvier, estimait au moment de la révolution française que la croyance en une échelle des êtres vivants était l’une des plus grosses erreurs scientifiques : « Le fait que nous placions une espèce ou une famille devant une autre ne signifie pas que nous la considérions plus parfaite ou supérieure à d’autres dans le système de la nature. Plus j’ai avancé dans l’étude de la nature, plus j’ai été convaincu qu’il s’agit là du concept le plus mensonger jamais avancé dans les sciences naturelles… » Cela ne l’empêcha pas de diviser les êtres humains en trois races (in Le règne animal distribué selon son organisation) en estimant que la race négroïde se rapproche des primates et que certaines variétés d’êtres humains sont toujours demeurées dans un état de barbarie complète. » Le XIXe siècle fut la systématisation de cette pensée ségrégationniste que Sven Lindqvist décrit parfaitement dans son livre Exterminez toutes ses brutes ! Le processus passe autant par divers textes que par des pratiques coloniales barbares envers les autochtones. Il aboutit en fin de compte à la doctrine du Lebensraum et à la Shoah.

 

La hiérarchie des races, que Petty, Tyson et White avaient imaginée, est devenu un processus historique avec Darwin. Les formes « inférieures » de la hiérarchie précèdent dans le temps des formes « supérieures » et, suivant la logique darwinienne, nous serions forcés d’exterminer nos espèces-parents. Dans De la descendance de l’homme (1871), Darwin écrit d’ailleurs : « Dans une période future, les races d’hommes civilisées auront certainement exterminé et remplacé les races sauvages dans le monde entier. » Ce qui est fait entre hommes, pourquoi le refuser entre l’homme et la nature ? Charles Lyell, l’inspirateur de Darwin, estime dans ses Principles of Geology que nous n’avons aucune raison de nous sentir coupables parce que notre progrès extermine des animaux et des plantes puisque chaque espèce qui s’est répandue sur un territoire a, de la même manière, réduit ou anéanti totalement d’autres espèces.

 

Une telle haine de la biodiversité n’a pas d’avenir. Nous avons conquis péniblement l’idée de l’égalité entre l’homme et la femme, de l’égalité entre tous les êtres humains, il nous reste à comprendre que nous sommes partie prenante d’une Biosphère où il n’y a ni supérieur, ni inférieur, seulement des organismes différents et complémentaires.

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sir Richard Layard

Sir Richard Layard dans son livre Le prix du bonheur a comme tant de ses semblables une vision déformée des relations normales entre l’homme et la Nature : « En utilisant notre cerveau,  nous avons largement conquis la nature. Nous avons vaincu la plupart des vertébrés, des insectes et des bactéries. En conséquence nous nous sommes accrus en nombre, passant ainsi de quelques milliers d’individus à plusieurs milliards, une performance remarquable. » Pourtant, soixante pages plus loin, il reconnaît qu’il existe un petit nombre de niches, que les ressources sont limitées, que nous sommes voués à des jeux à somme nulle (ce qui est gagné par les uns est perdu par les autres). Quoi que nous fassions, le total disponible ne saurait être modifié, c’est la guerre de tous contre tous. Cent pages plus loin,  il envisage enfin que la compassion puisse aller au-delà des êtres humains, que certains bouddhiste pensent que des paroles tendres aux objets qu’ils rencontrent peuvent avoir un effet positif sur leur propre existence. Le constat  de se sentir appartenir à un ensemble plus grand donnerait un sens à l’existence, c’est le concept même du « moi » qui doit être soumis à un questionnement. Notre objectif ne devrait pas être la réalisation de soi mais une relation harmonieuse entre le monde et moi. Il faut se regarder comme une vague à la surface de l’océan : l’océan est éternel, et la vague n’en est que la forme immédiate et instantanée.

 

Mais Sir Richard en reste au relationnel entre humains, il n’a pas réalisé qu’une humanité qui n’aime pas aussi la Biosphère révèle un humanisme restreint et incomplet. Il cite Epicure : « De tous les biens que la sagesse procure  pour le bonheur de notre vie, celui de l’amitié est de beaucoup le plus grand ». Mieux vaudrait penser, comme l’écologie profonde, que « le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). » Ainsi notre petit moi serait-il certainement plus heureux, simple composante du grand Tout, élément rattaché à la grande chaîne de la vie, l’amour de tous, l’amour de tout.

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Paul Ariès

Même s’il s’en défend,  Paul Ariès, dans son livre Décroissance ou barbarie (Golias, 2005), semble proche de l’écologie profonde (4.6, Réapprendre la nature) :

« L’humanité a acquis la puissance de modifier la totalité de la nature. On peut en conclure que cette nature n’est pas extérieure à l’homme, donc que la frontière classique entre la nature et la culture tend à s’estomper. Nous devons considérer la nature non plus comme un objet dont il serait possible de disposer techniquement mais comme un partenaire. Nous aurons besoin pour cela de nouvelles interactions matérielles (le vieux débat sur les technologies douces) mais aussi de nouvelles interactions symboliques, de nouvelles valeurs. On rappellera que l’idée d’une transformation de la nature par l’homme n’a aucun sens dans la plupart des cultures. Notre capacité à transformer nos relations avec la nature permettra d’inventer une nouvelle société. » p.120

« Perdre le contact avec la nature, c’est perdre une partie du rapport à soi-même. L’économie nous a rendu aveugle à la nature, elle impose sa culture marchande contre la culture de la Terre. Le futur passera donc par des retrouvailles avec la nature. Il serait plus juste de parler d’épousailles car il faut tout faire pour que la nature ne soit plus un désert émotionnel pour les humains. Toute politique de la décroissance en matière de redécouverte de notre rapport à la nature passe par le refus des prothèses techniques qui nous empêchent que nous incorporions avec la nature le sens de nos limites. Ce cadre de vie artificiel s’oppose à la possibilité même d’une vie authentique puisqu’il repousse toujours plus loin les contraintes. » p.121

 

Pourtant dans le n° 1 d’Entropia (automne 2006),  Paul Ariès méconnaît la véritable philosophie de l’écologie profonde en faisant bien des amalgames injustifiés :

« La manifeste d’Unabomber, popularisé après une série d’attentats meurtriers. Cette écologie profonde… »

« La deep ecology de Arne Naess, introduite en France par de Benoist… »

« Le rapprochement entre Ratzinger et l’écologie profonde est le symbole de cette dérive… »

 En déformant systématiquement la philosophie de l’écologie profonde qui est pourtant fondamentalement une école de la non-violence (sans atteinte aux humains), ni de droite ni de gauche (de Benoist !), et certainement pas affiliée à une religion du livre (Ratzinger), certains auteurs vont à l’encontre d’une nécessaire évolution qui détacherait l’humanisme du nombril humain.

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Taguieff Pierre André

Malgré ses réticences, Pierre-André Taguieff ne peut s’empêcher d’accorder une grande place à l’écologie profonde dans son livre La bioéthique ou le juste milieu : « Le camp des défenseurs de la sacralité n’est pas occupé par les seuls théologiens chrétiens ; la diffusion de la pensée écologique a fait surgir de nouveaux adeptes de la religion de l’intouchabilité, ceux qui s’affirment, avec de bonnes raisons de le faire, les « amis de la Terre » ou les admirateurs et protecteurs de la biodiversitép.144 ». La parenté entre bioéthique et écologie profonde est récurrente dans le livre :

 

– Avec l’écologie dite profonde (deep ecology) renaît une philosophie de la nature biocentrique et antihumaniste, une écosophie dont les postulats et les orientations normatives sont irréductibilités au corpus judéo-chrétien. L’écologiste américain Aldo Leopold a théorisé d’une façon pionnière l’éthique de la Terre : « Une chose est juste quand elle tend à préserver l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique ; elle est mauvaise dans le cas contraire. » p.147

 

– Van Rensselaer Potter a publié, à la fin des années 1980, Global Bioethics : Building on the Leopold Legacy. Dans cette perspective, la bioéthique renvoyait à tous les problèmes éthiques posés par les être vivants, humains et non humains. Sous l’appellation nouvelle de bioethics, le biologiste se proposait de construire une éthique de la biosphère qui englobât autant l’écologie que la médecine p.254.

 

– Potter a forgé le terme bioethics pour désigner l’ensemble du projet, défini par Aldo Leopold, d’une land ethic, c’est-à-dire d’une éthique globale dont le champ comprend tous les éléments naturels et sociaux susceptibles de rendre la terre habitable pour l’homme p.321.

 

– La bioéthique lato sensu doit se faire « biopolitique » par le même mouvement que l’écologie s’est constituée en écologie politique. Il s’agit bien d’assurer l’extension d’un pouvoir d’autolimitation » p.149.

 

– L’éthique de la responsabilité suppose un total changement d’orientation de l’action humaine : non plus la volonté de maîtrise, mais l’impératif d’une maîtrise de la maîtrise. Il s’agit de la prescription politique majeure des anti-cartésiens contemporains, devenue le principal argument critique des contempteurs de la modernité technoscientifique » p.309.

 

– C’est dans la pensée d’un Hans Jonas ou dans les courants de l’écologie profonde qu’on rencontre une vision catastrophiste de la modernité impliquant le désaveu de la science et la satanisation de la technique p.287.

– La bioéthique écologique est à l’évidence préoccupée par des vues à long terme, par ce qu’il faut entreprendre pour préserver un écosystème dans lequel l’espèce humaine puisse continuer à vivre. Les deux branches de la bioéthique, médicale et écologique, devraient vraiment se recouper en matière de santé, de contrôle de la procréation et sur la question du sens d’une démographie en constante croissance p.323.

 

– Le philosophe Peter Kemp rappelait l’extension récente du domaine de l’éthique : « A la fin du XXe siècle, nous avons vécu une transposition de l’éthique du domaine interpersonnel et communautaire vers celui de la vie elle-même, de sorte que l’éthique est devenue bioéthique, c’est-à-dire une éthique qui vise la protection de la vie, non seulement la vie humaine, mais la vie des animaux et des plantes, pour ne pas dire la vie en général p.337. »

 

– Pour que l’impératif du « respect de la vie » ait un sens, il faut supposer que les êtres vivants (au-delà des seuls êtres raisonnables que sont les humains) sont dotés d’une sorte de valeur intrinsèque qui exclut qu’ils soient totalement à notre disposition. Il s’ensuit que nous pouvons être autorisés à les utiliser ou même à les détruire, mais uniquement pour des raisons adéquates. Affirmer la dignité de la créature, c’est affirmer la nécessité de fixer une limite à notre pouvoir de transformation et de manipulation des êtres naturels. L’élargissement de la bioéthique aux questions abordées par l’écologie pourrait permettre de sauver la bioéthique p.342.

 

– Je découvre que mon être-au-monde est une partie aussi indécise qu’évidente du monde et de la nature tout entière. Co-appartenance du « petit moi » et de l’Etre : il y a là une manière non anthropocentrique de fonder le respect de la vie ou de la nature. Il s’ensuit notamment que les animaux ont droit au respect p.362.

 

– Enseignez à vos enfants ce que nous avons enseigné aux nôtres, que la Terre est notre mère. Tout ce qui arrive à la Terre arrive aux fils de la Terre. Si les hommes crachent sur la Terre, ils crachent sur eux-mêmes p.363.

 

– Comme l’universalité des normes semble avoir disparu, seul un élargissement du champ de la bioéthique, passant de l’éthique médicale à une éthique de la vie, serait sans doute susceptible de rouvrir l’horizon.

NB : Tous les articles pour la Biosphère sont archivés et classés sur Internet, http://biosphere.ouvaton.org/page.php?doc=2007/affichactu2

 

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bioéthique et E.P.

Pour clarifier le débat sur la bioéthique, Pierre-André Taguieff identifie trois courants de pensée  dans son livre La bioéthique ou le juste milieu ; une quête de sens à l’âge du nihilisme technicien : la religion, le prométhéen, et l’écologie profonde. « Lorsque la question éthique est reconnue et s’exprime par une quête des limites et des critères permettant de les fixer, le premier problème surgit : où chercher le fondement des valeurs et des normes ? Celui-ci peut être découvert soit dans une transcendance, soit dans la volonté humaine, soit dans la naturep.286 (…)  Il définit la deep ecology comme conservatisme naturaliste radical : « Il s’agit d’une forme nouvelle de fondamentalisme caractérisé par une mystique panthéiste (tout est lié et sacré) et un sentiment esthétique doublé d’un souci éthique face à la nature, dont l’humain fait partie mais en tant qu’agent dénaturé, devenu particulièrement polluant dans la modernité. Dans cette éthique de la diversité et de la vie, l’intégrité de la nature, génome compris, est la mesure de toutes choses. Il s’agit de protéger, de conserver ou de sauver toutes les figures de la biodiversité, interspécifique et intraspécifique : les fragiles équilibres qui font de la Terre une planète vivante. »p.51

 

Taguieff a une attitude ambiguë par rapport à l’écologie profonde. Parfois il en en envisage les potentialités : « Ce que nous ferons en matière d’écologie dépend de l’idée que nous nous faisons de la relation entre l’homme et la nature. Plus de science et plus de technologie ne nous sortirons pas de la crise écologique actuelle tant que nous n’aurons pas trouvé une nouvelle religion ou que nous n’aurons pas repensé l’ancienne » p.313. Parfois il est très critique : « Par l’admiration qu’on lui porte, la nature relie la perception esthétique et la disposition éthique, le sentiment du beau et la vertu du respect. Esquisse d’un humanisme élargi qui ne se définirait pas contre tout ce qui n’est  pas strictement humain, mais qui, à l’inverse, n’opposerait plus absolument le naturel et l’artificiel, au contraire d’une vision fondamentaliste et globalement anti-moderne portée notamment par les partisans de l’écologie profonde, les écosophes p.349.

 

En définitive, il se pose quand même au cours des pages comme sensible à cette philosophie (deep ecology) : « Avons-nous le droit de contrecarrer de manière irréversible la sagesse évolutionnaire de millions d’années pour satisfaire l’ambition et la curiosité d’une poignée de scientifiques ? Ce monde nous est donné en usufruit. Nous venons et nous partons, nous laissons la terre et l’air et l’eau à d’autres qui viennent après nous. Ma génération a engagé une guerre coloniale destructrice contre la nature. Pour cela l’avenir nous maudira »p.53. La bioéthique aussi ne pourrait donc se passer durablement de l’écologie profonde…

 

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à quoi sert l’homme ?

A quoi sert l’homme ?

Si on pose cette question à quelqu’un, il répondra spontanément « Je n’en sais rien ». En effet, il n’y a pas de réponse nécessaire. L’homme aux multiples facettes ne trouve de sens à son existence qu’au fur et à mesure de son vécu, imprégné par sa socialisation et motivé par des réflexes ethniques. Dans un monde occidentalisé, il a même oublié le sens de l’harmonie avec la biodiversité d’une planète qu’il considère comme extérieure à lui-même. Il n’y a plus de Nature, il n’y a qu’environnement. Tant qu’il en sera ainsi, non seulement l’homme ne trouvera pas à quoi il sert vraiment, si ce n’est en produisant et consommant de la futilité pour oublier à quoi il pourrait servir. Finalement l’homme actuel ne sert qu’à lui-même, il est baigné dans l’anthropocentrisme des discours publicitaires. Il se sert, dans une nature taillable et corvéable à merci !

 

La philosophie de l’écologie profonde nous appelle à renouveler cette conception de l’homme. L’individu ne peut plus se penser – on devrait le savoir depuis Copernic, Darwin et Freud – comme le centre de l’univers. Il lui faut se re-situer et rechercher l’harmonie avec notre Terre. L’écologie profonde nous apprend à ne plus considérer nos semblables comme un système de référence absolu, à ne plus se  concevoir comme un être qui ne doit rien qu’à lui-même et à qui tout est permis. Par notre faute, près d’un million d’espèces végétales et animales risquent de disparaître d’ici à 2050. L’écologie profonde nous rappelle la nécessité de passer d’un anthropocentrisme forcené à un respect des liens durables entre notre propre espèce et la Biosphère. Il faut concevoir le vivant comme un tissu composé d’un grand nombre d’espèces qui ont une multitude d’interactions entre elles. Quand une maille saute, une deuxième lâche, et une troisième, et le tissu se désorganise.

 

A quoi donc sert l’homme ? Comme les humains ne sont qu’une des mailles, ils doivent d’abord servir à protéger le vivant contre eux-mêmes, ils doivent retrouver le sens des limites. L’espèce homo sapiens ne vit pas hors sol : si les écosystèmes ne sont pas robustes, alors l’humanité ne le sera pas non plus.

 

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peur de la nature ?

François Terrasson nous a quittés en 2006. Les éditions Sang de la Terre viennent de rééditer en 2007 son livre de 1988, La peur de la nature. La Biosphère salue la proximité de François Terrasson avec la philosophie de l’écologie profonde dans ces quelques extraits : 

– La Terre n’est pas la planète des hommes. Pendant des centaines de  millions d’années, d’autres être vivants ont occupé les lieux où se trouvent maintenant nos maisons, nos lits et nos chaises p.15

La Nature, c’est ce qui existe en dehors de toute action de la part de l’Homme. Conserver la nature se sera, plus que préserver telle ou telle espèce, parvenir à maintenir l’impression sensible que nous éprouvons en face de tout ce qui n’est pas d’origine humaine p.28-29

– L’expérience du désert ne se raconte qu’en récusant les mots qui servent à le faire. Il n’y a personne, il n’y a trace de personne, rien qui rappelle l’existence de l’homme et de sa civilisation p.34-35

– L’homme a tendance à détruire ce qui lui fait peur, ce qu’il sent étranger. Quand on interviewera de grands technocrates défricheurs, on ne sera pas surpris de découvrir, derrière leur propos qui se veulent rationnels, cette vieille peur de la nature sauvage p.37-38

– Une ruine, c’est l’endroit où la nature reconquiert un lieu de civilisation humaine. Une puissance étrangère faite de mousses, de ronces, d’orties, de lézards et de limaces s’infiltre, s’installe, triomphe là où l’homme avait dressé le symbole de sa puissance face à l’environnement : sa maison. Pour le visiteur qui « prend son pied » dans les ruines, la nature n’est pas perçue comme une force étrangère p.66-67

– Nous sommes hommes, mais nous pourrions être aussi bien blaireau, pierre ou serpent (…) Nous ne possédons pas la terre, c’est la terre qui nous possède p.83

– Chaque groupe humain porte dans ses propos, dans ses habitudes, dans ses objets, l’expression des choix métaphysiques qu’il a fait face à la nature p.84

– La sorcière nature n’a que faire de notre regard, qu’on la voie comme une vieille terrifiante ou comme une belle jeune fille, elle s’en contre-fout, puisqu’elle est les deux et bien plus encore p.119

– La  protection tue la nature, en ce sens qu’elle élimine l’ambiance de l’involontaire, essence du concept de nature p.146

– La vague d’urbains se précipitant sur de fausses pistes, qu’elles soient de ski ou de grande randonnée, diffuse ses modèles jusqu’au cœur des sociétés rurales dont l’idéal se situe, en sens contraire des arrivants, en milieu urbain p.154

– Le sentiment de la nature, de la nature puissante, le sentiment cosmique, métaphysique, presque religieux, cette chose là on ne l’aura plus, parce que justement, cela nécessite un endroit non réglementé, et un endroit relativement vaste. On rencontre déjà des gens qui n’ont plus le concept de nature, qui ne peuvent pas concevoir un lieu sans homme, un lieu sans aménagement p. 210-211

– Le monde s’écroulerait peut-être moins vite s’il n’y avait pas de présence d’homme p.220

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pédagogie de la catastrophe

Un centre d’expertise anglais, l’Institute for Public Policy Research (IPPR), a récemment publié les résultats d’une recherche qui analyse la manière dont les médias britanniques traitent du changement climatique. Le recueil des données a été fait pendant l’hiver 2005-2006. Ces travaux montrent que les discours médiatiques actuels en Grande-Bretagne sur le changement climatique apparaissent confus, contradictoires et chaotiques. Pour chaque argument avancé, qu’il soit relatif à l’échelle du problème, sa nature, sa gravité, ses causes ou sa réversibilité, il est présenté un argument contraire. Le changement climatique n’est donc pas encore considéré comme un fait avéré. En ce qui concerne le grand public, le message qui résulte de ce tumulte médiatique est sans doute que personne ne sait vraiment plus ce qu’il sait.

 

Les discours médiatiques sont généralement construits sur le registre de l’alarme et des petits gestes, ce contraste pouvant être source de doute et de rejet de la part du public. Le discours le plus répandu est celui de l’alarme : le phénomène est décrit comme terrible, immense et au-delà de toute maîtrise. Ce registre véhicule malheureusement un message implicite de désespoir, le problème est simplement trop important pour que l’on puisse faire quelque chose. De surcroît, le sensationnalisme et les similitudes avec les fictions hollywoodiennes peuvent installer une certaine distance avec le public, cet alarmisme pouvant même devenir secrètement excitant, comme une sorte de « pornographie climatique ». Le second registre de discours identifié est celui des petits gestes. Le défi pour les communicants consiste à rendre les éco-gestes légitimes, efficaces et partagés par le plus grand nombre de personnes. Il s’agit de demander à un grand nombre de personnes de faire des actions simples, faciles, ancrées dans le quotidien, pour contrer le changement climatique. Le risque avec cette approche est de tomber dans le superficiel, le casanier, l’ennuyeux… Juxtaposer l’ordinaire et l’apocalyptique nourrit probablement le doute dans les perceptions du public et pose une question évidente, rarement traitée : comment de si petites actions individuelles peuvent-elles vraiment influer sur un phénomène se produisant à une échelle si gigantesque ?

 

Par ailleurs, deux autres registres de discours, plus marginaux, ont été repérés. Ils ont pour caractéristique le refus de s’engager dans le débat à travers la moquerie ou l’humour. Certains se moquent des « prophètes de malheur » en invoquant le bon sens et la sagesse populaire. D’autres sont joyeusement irresponsables et ne retiennent que les perspectives positives du réchauffement global de la planète.

 

Les chercheurs concluent leur rapport en proposant plusieurs pistes d’amélioration des campagnes de communication. Tout d’abord, pour répondre à la nature chaotique des discours, et notamment pour les campagnes à destination du grand public, le changement climatique doit être considéré comme quelque chose d’indiscutable et de réel, les actions individuelles comme efficaces. Ensuite, le gouffre entre le gigantisme du phénomène et les petits gestes doit être comblé. S’opposer aux immenses forces du changement climatique semble de prime abord nécessiter un effort surhumain ou héroïque, hors de portée du commun des mortels ; développer au contraire le mythe du « héros ordinaire » permettrait selon les chercheurs de combler cet écart et de redonner de l’énergie aux discours.

 

Le défi consiste à rendre les comportements éco-responsables normaux, naturels, légitimes et partagés par un grand nombre de personnes qui ne sont pas encore engagées et pour lesquelles le changement climatique n’est pas une priorité. Il ne s’agit pas de changer l’ordre de leurs préoccupations mais plutôt de changer l’énoncé du problème pour qu’il prenne de la valeur à leurs yeux.

(Lettre-Recherche-Environnement n° 9, février 2007

 

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Allègre ment !

Le livre de Claude Allègre Ma vérité sur la planète est un long plaidoyer contre la « secte verte ». Il utilise donc les généralisations les plus abusives contre les écolo : « Je ne souhaite pas que mon pays se retrouve en enfer à partir des bonnes intentions de Nicolas Hulot. Il créerait chaque année plusieurs centaines de milliers de chômeurs supplémentaires, il faudrait mettre en place un régime bureaucratique et policier » (…) «  La brute, c’est sans conteste José Bové. Son mode d’expression, c’est d’abord et avant tout la violence. On casse le MacDo de Millau, on casse une serre d’OGM à Montpellier, on fait le coup de poing à Seattle ou à Davos » (…) « Le truand, c’est Al Gore. C’est l’archétype du politicien américain, professionnel, mécanique mais sans conviction claire ni vraie connaissance des dossiers » (…) « L’animal ou l’arbre doivent être protégés, respectés, pourquoi pas vénérés, et cela doit être inscrit dans la loi ! C’est la stratégie de la deep ecology qui poursuit en justice ceux qui  coupent les arbres ou qui tuent les insectes avec le DDT »

 

Pour Cl. Allègre, il y a en effet deux sortes d’écolo. Les bons, de véritables environnementalistes qui sont d’abord des humanistes et adhèrent au progrès ; ils critiquent, mais de l’intérieur, ils en ont le droit. Et puis il y a les méchants, les éco-fondamentalistes hostiles au progrès et à l’humanisme, qui ne peuvent critiquer le système que de l’extérieur et qu’il faudrait laisser dans leurs arbres. Pourtant il avoue dans le chapitre 1 de son livre : « J’aime la Terre. Dans mon enfance, j’ai appris à observer et à aimer la nature. Cette passion pour tout ce qui touche la Terre ne m’a pas quitté. Elle a illuminé ma vie. La Terre est une planète vivante qui évolue et se transforme grâce à des processus chimiques grandioses et complexes dans lesquels la vie joue un rôle essentiel. Comment l’homme, qui est lui-même le produit de la Terre, peut-il modifier, au point même de les détraquer, ces cycles géochimiques établis depuis des milliards d’années ? Comment pourrais-je tolérer que l’homme la défigure ? » Mais si la Terre est la Patrie de Cl.Allègre, c’est pour paradoxalement se battre contre ceux qui voudraient, « sous prétexte de la défendre, détruire notre civilisation : l’écologie radicale » !

 

Claude Allègre ne comprend pas que pour sauver les hommes, il faut sauver la planète, il faut contester notre civilisation thermo-industrielle, il faut que les enfants aiment la Terre-mère, il faut être radical. Parfois d’ailleurs  la révélation l’effleure : «  Lorsque les mouvements écologistes sont apparus, ils portaient un vrai message, celui de la nécessaire harmonie que l’homme doit trouver avec la nature. »

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