En 1973, Robert Poujade devenait le premier de nos ministres de l’écologie. Dans son livre-témoignage de 1975, il titre « Le ministère de l’impossible ». Rien n’a changé depuis au niveau gouvernemental. En 1974, René Dumont était le premier candidat à la présidentielle sous l’étiquette écolo. Les candidats suivants n’ont jamais réussi à faire progresser l’écologie électoralisée. Vingt ans après, on peut même dire qu’il y a une régression de la conscience écologique au niveau collectif.
Stéphane Foucart : L’année 2024 n’aura pas seulement été celle d’une crise politique sans précédent en France, elle a aussi entériné la quasi-disparition de la thématique environnementale de l’agenda politique. La ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, passe du neuvième au douzième rang protocolaire, le climat disparaît de sa titulature et elle perd l’énergie. En 2017, on s’en souvient, Nicolas Hulot avait été nommé ministre d’Etat, troisième dans l’ordre protocolaire du gouvernement. De plus les mots d’ordre ont subtilement glissé. Sur le front climatique, il est de plus en plus question d’« adaptation » : ce n’est rien d’autre, en creux, qu’une manière d’accepter que la société thermo-industrielle et le climat terrestre restent sur une trajectoire de collision.
Regarder hors de France, n’offre pas de l’horizon une image différente. Le malheur et la souffrance extrêmes des guerres et des famines renvoient de facto la dégradation de l’environnement à un simple inconfort qui prête, après tout, bien peu à conséquences. Une quantité astronomique d’enquêtes, d’articles de vérification des faits ou de vulgarisation sur le réchauffement climatique ont été produits par la presse de qualité. Le résultat ? On le cherche.
Rappel historique d’il y a bientôt 20 ans
Le président J.Chirac avait lancé en janvier 2003 les premières assises de la charte de l’environnement : « Aux côtés des droits de l’homme de 1789 et des droits sociaux de 1946, et au même niveau, nous allons reconnaître les principes fondamentaux d’une écologie soucieuse de devenir de l’homme ». Le 28 février 2005, un texte était approuvé par les parlementaires réunis en Congrès :
« Considérant,
« Que les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l’émergence de l’humanité ;
« Que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ;
« Que l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains ;
« Que l’homme exerce une influence croissante sur les conditions de la vie et sur sa propre évolution ;
« Que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles ;
« Que la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ;
« Qu’afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ;
« Le peuple français proclame :
« Art. 1er. – Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.
« Art. 2. – Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement.
« Art. 3. – Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.
« Art. 4. – Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi.
« Art. 5. – Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.
« Art. 6. – Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social.
« Art. 7. – Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.
« Art. 8. – L’éducation et la formation à l’environnement doivent contribuer à l’exercice des droits et devoirs définis par la présente Charte.
« Art. 9. – La recherche et l’innovation doivent apporter leur concours à la préservation et à la mise en valeur de l’environnement.
« Art. 10. – La présente Charte inspire l’action européenne et internationale de la France. »
La Biosphère constate avec soulagement que les humains reconnaissent pour la première fois dans un texte fondamental qu’ils ont des devoirs envers l’environnement beaucoup plus qu’ils n’ont de droit pour eux-mêmes. L’année 2005 n’est donc pas complètement vide de sens, même si on parle encore d’environnement plutôt que d’écologie et de protection de la Nature !
Que la conscience écologique ne se traduise pas d’une manière révolutionnaire dans les actes, c’est évident. Toutefois je ne dirais pas qu’elle régresse, au niveau collectif. Ces 2 récentes études (l’une du CRÉDOC et de l’ADEME, l’autre de Project Tempo) nous donnent des infos intéressantes.
– « Même si, en 2024, l’immigration, la sécurité ou les risques de pauvreté sont devenus les sujets de préoccupation les plus importants pour les Français, l’environnement reste au cœur de leurs inquiétudes » (Fiscalité environnementale : les Français partagés entre conscience écologique et rejet de la pression fiscale – credoc.fr décembre 2024 – doc pdf)
– Comment remettre l’écologie sur le devant de la scène politique ? (jean-jaures.org 22/10/2024)
Les Français semblent donc disposés à se plier à des règles collectives.
Oui mais… encore faut-il qu’ils les perçoivent justes et efficaces.
Pouvons-nous changer l’homme, avons- nous changé nos mode de vie, pas le moins du monde, désirons-nous autre chose qu’avant, non. La cause est perdue. Quand on voit les bobos-ecolos avec leurs vélos électriques au lieu de pédaler sur un vélo normal … on se dit qu’on est fichu. Quant à Poutine il se croit encore en 1940.
Frog : Les médias noient l’écologie sous l’autel de la consommation. Il faut dire aussi que la plupart des citoyens européens ont perdu tout contact avec la nature… sauf quand ils prennent l’avion pour la découvrir une semaine en Asie ou ailleurs. Les compagnies aériennes battront un nouveau record de trafic (5,2 milliards de passagers), 68 % des populations de vertébrés (mammifères, poissons, oiseaux, reptiles et amphibiens) ont disparu en moins de 50 ans, 15 milliards d’arbres sont abattus chaque année dans le monde, etc, etc..les émissions de CO2 d’origine fossile devraient de nouveau atteindre un niveau record en 2025.
La question environnementale souffre de ce handicap d’être une problématique de long terme contrairement à toutes celles qui occupent l’actualité sur les chaines d’information et où une nouvelle chasse une autre à chaque heure.
De temps en temps on y pense, mais c’est vite effacé par une nouvelle urgence.
Elle souffre également d’une focalisation sur le climat (problème que je ne nie en aucun cas) et donc de laisser de côté celle, bien plus grave encore, car relevant d’un équilibre encore plus long à réparer, de la disparition des espèces animales dont nous occupons tous les territoires.
Macron : « Ensemble cette année, nous avons prouvé qu’impossible n’était pas français […] Nous avons continué de bâtir une écologie de progrès, de lutter contre le réchauffement climatique en baissant nos émissions, en ouvrant des usines […] En 2025 la France devra continuer… d’investir dans son réarmement militaire […] Pour que nos enfants puissent vivre mieux que nous, il faut aussi que s’inventent en France et en Europe les technologies et les entreprises qui façonneront demain notre avenir et notre croissance. L’intelligence artificielle, la biologie, le quantique. Les Européens doivent en finir avec la naïveté [!!!] Une Europe qui doit accélérer [toujours plus vite, plus loin etc.] avec 2050 en ligne de mire [etc. etc.] »
10 minutes de phrases creuses, d’annonces floues et de grand n’importe quoi, pour nous dire qu’ON est sur la Bonne Voie. Qu’ ON va donc continuer comme ça, et surtout rien lâcher ! Bonne ânée à toustes.