Collapsologie : l’effondrement démographique prévisible

Quelques extraits d’un livre* qui mérite d’être acheté, lu et soutenu par tous les écologistes…
« On ne saurait discuter l’effondrement sans aborder la question démographique. Le problème, c’est qu’il n’est pas possible de discuter sereinement de démographie. C’est un sujet absolument tabou et rares sont ceux qui osent aborder la question publiquement** sans craindre de voir immédiatement arriver un point Godwin (un moment où toute discussion devient impossible parce que l’une des personnes traite l’autre de nazi). En démographie, ce seuil est d’une autre nature, mais il est toujours le même : « Vous voulez faire comme en Chine, c’est ça ? » …

Pour l’équipe Meadows, qui a développé au MIT un modèle ancré au système Terre, l’instabilité de notre civilisation industrielle mène à un déclin « irréversible et incontrôlé » de la population humaine à partir de 2030… Pour les malthusiens, la puissance technique et l’inventivité humaine ont des limites, et nous arrivons à un moment où il devient difficile, pour ne pas dire impossible, de continuer la trajectoire de croissance continue que nous avons empruntée depuis le début de la modernité… A chaque poussée démographique, l’étau des limites du milieu se resserre, ce qui stimule l’innovation et permet de repousser artificiellement les premières limites physiques. Mais il arrive un moment où la civilisation se heurte à tant de limites (le climat, les ressources, la complexité et la politique) qu’elle bascule brutalement dans un monde malthusien…

Les pronostics démographiques de certains collapsologues, basés essentiellement sur des calculs à la grosse louche, vont bon train. On croise des chiffres allant de quelques millions à 1 ou 2 milliards d’habitants sur Terre en 2100… Pour Vaclav Smil, chercheur spécialiste des liens entre énergie, environnement et population, sans les engrais qui ont permis à l’agriculture industrielle de produire beaucoup, deux personnes sur cinq ne seraient pas en vie aujourd’hui dans le monde… L’impact d’une population sur son milieu dépend de trois facteurs : sa population P, son niveau de vie A et son niveau technique T. D’où I = PAT. Mais ne compter que sur une diminution des deux derniers termes (réduction du niveau de consommation et amélioration de l’efficacité technique) est loin d’être suffisant pour infléchir sérieusement notre trajectoire exponentielle. Non seulement nous n’y sommes jamais arrivés (entre autres raisons à cause de l’effet rebond et du phénomène de consommation ostentatoire), mais tous ces efforts seraient vains si le premier terme P continue d’augmenter…

Or, si nous ne pouvons aujourd’hui envisager de décider collectivement qui va naître (et combien), pourrons-nous dans quelques années envisager sereinement de décider qui va mourir (et comment) ? »

* Comment tout peut s’effondrer de Pablo Servigne & Raphaël Stevens
Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes
Edition du Seuil, collection Anthropocène, 304 pages, 19 euros
** Moins nombreux, plus heureux (l’urgence écologique de repenser la démographie). M.Sourrouille (coord.). Sang de la Terre, 2014