Corrida et « qualité » de vie des taureaux espagnols

Depuis que l’Assemblée nationale, travaillée au corps par nos « 30 Millions d’Amis », a voté le projet de loi relatif à la modernisation du droit et reconnu l’animal comme « un être vivant doué de sensibilité » (article 515-14 du Code civil), je m’interroge sérieusement sur la qualité de vie des taureaux espagnols encore libres en cette période hivernale de filtrer par leurs naseaux l’air frais de la prairie.

Certains de leurs frères ont déjà été embarqués sans précaution à destination des arènes du pays des droits de l’homme. La bise venue, le prédateur humain ressent déjà ou encore l’excitation du combat inégal entre l’animal puissant et son meurtrier en habit de lumière. Ce revêtement « féminin » tombera comme par magie quand, du transpercement de la bête par l’épée, naîtra enfin l’homme, comme le déclare un certain Julien Lescarret, matador de son état. Si j’ai bien compris ce vote, le taureau de 4 ans dont on blesse les cornes, celui de 2 ans et le veau qui pleure dans l’arène à me déchirer les tripes sont aujourd’hui déclarés et reconnus doués de sensibilité au même titre que tous les animaux qui partagent avec l’Homme la planète Terre. Il n’y a donc aucune raison pour que ce statut juridique, qui devrait permettre aux juges d’appliquer les règles protectrices des animaux, ne concerne pas les taureaux massacrés dans l’arène.

Nous pourrions nous étonner de ce qu’il faille autant de tracas, de soucis et de combats pour obtenir une reconnaissance qui aurait pourtant dû couler de source si l’homme avait évolué en harmonie avec la nature et donc avec le règne animal. Mais le respect et l’amour s’apprennent d’abord au sein de la famille ou à défaut au contact d’au moins une personne empathique et suffisamment proche de l’enfant. La violence s’expérimente également à partir de modèles, n’en déplaise à nos aficionados confits dans leur tradition et leur inébranlable certitude d’agir pour le bien des générations futures en transmettant l’ignoble coutume. Avant tout, il s’agit pour eux de préserver leur possibilité de jouir en toute impunité de la cruauté infligée au taureau ou au veau, et cela même si la corrida ne fait plus recette.

L’année 2014 a vu se dresser les anticorrida dans toutes les villes barbares. Marina Ruiz-Picasso, petite-fille du célébrissime peintre aficionado de corrida, a rejoint le comité d’honneur de la FLAC, Fédération des luttes pour l’abolition des corridas.
Le FLAC 66, Front des luttes pour l’abolition des corridas, a attaqué en justice l’arrêté de la municipalité de Millas interdisant tout rassemblement anticorrida à moins de 500 mètres des arènes. La commune a été condamnée à verser 1 500 euros à l’association. Le FLAC a tenu un stand aux Journées d’été d’EELV à Bordeaux.
Le Comité des droits de l’enfant (organe de l’ONU) a recommandé au Portugal, en février dernier, de prendre des mesures législatives permettant une meilleure protection des mineurs contre la violence des spectacles de tauromachie et examinera cette question pour la France au printemps de cette année. L’ONU condamne l’implication de mineurs dans la tauromachie, estimant que ces activités sont contraires à la Convention sur les droits de l’enfant.
(De la part de notre correspondante Isabelle Nail)