Crime écolo, difficultés du principe pollueur-payeur

Détruire complètement la nature sauvage n’est ni un crime, ni même un délit. « Le végétal, l’animal, la chose n’ont pas de valeur indemnisable tant qu’ils n’entrent pas dans le patrimoine d’une personne physique ou d’une personne morale », constate Christiane Taubira. C’est pourquoi ministre de la justice présentera au cours du premier semestre 2015 un projet de loi relatif à la responsabilité civile environnementale*. Problème : quelle valeur accorder à ce végétal, cet animal, cette chose, pour ouvrir droit à des réparations ? Il ne suffit pas de parler de « valeur intrinsèque » comme Arne Naess dans la plate-forme de l’écologie profonde :

1) le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains.
2) la richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes.

Il peut y avoir remise en état du milieu aux frais de celui qui l’a dégradé, en vertu du principe pollueur-payeur. Et en cas d’impossibilité manifeste, il peut être envisagé une indemnisation. Mais quand une espèce disparaît, comment estimer cette perte irrémédiable ? Comment donner une valeur marchande à une nature sauvage qui n’a pas de prix, dont l’existence et la capacité d’évoluer par elle-même sont des données incommensurables, sans aucune mesure avec la valeur utilitaire qu’on peut lui donner. Combien pour un oiseau, pour un arbre, pour une montagne ? Il faut également « élaborer la liste des personnes habilitées à demander réparation ». Qui ? L’Etat, les collectivités locales, les associations de défense de l’environnement, les naturalistes ? Il faut surtout déterminer qui est responsable alors qu’il s’agit souvent de crimes collectifs : consommer de l’huile de palme revient à détruire des forêts primaires et la biodiversité qui va avec. Et quand on détermine la responsabilité de l’éleveur de porc breton, l’Etat couvre ses agissements même quand l’Union européenne n’est pas contente.

Ce n’est donc pas demain qu’il y aura un volet pénal à la lutte contre la criminalité écologique. Et pendant ce temps-là la nature continue d’être dévastée… Militez avec une association environnementaliste !
* LE MONDE du 12 février 2015, Le préjudice écologique va être inscrit dans la loi