éditorial du « Monde », une épreuve de vérité sur les GES

« Nous ne pouvons pas ignorer que le réchauffement climatique va durer. Ce n’est ni jouer les Cassandre ni les apprentis sorciers que de mettre en avant cette réalité : la bataille contre les gaz à effet de serre (GES) sera longue. Chaque démantèlement d’une émission de gaz à effet de serre suscite un soulagement bien naturel.  Mais il ne faut pas entretenir de faux espoirs. La lutte contre le réchauffement climatique prendra du temps pour vaincre – sans doute faut-il compter en années. Les politiques, les gouvernants devraient le dire. Ils ne le font pas assez, ce qui revient à masquer une partie de la vérité. Dans des démocraties saines, les opposants devraient aussi le reconnaître. Ils ne le font pas assez, ce qui revient à participer à un demi-mensonge.
Il n’y a ni recette magique ni solution à portée de main, tout ce à quoi nous sommes habitués dans nos sociétés de consommateurs impatients. Ceux des partis ou des candidats protestataires qui prétendent le contraire mentent de façon irresponsable. Ils jouent avec la douleur des générations futures. Dire comme le FN qu’il suffirait de rétablir les frontières à l’intérieur de l’Union européenne pour venir à bout des gaz à effet de serre est d’un simplisme mystificateur. Dans la bataille en cours, on n’a pas besoin de vendeurs d’illusions.
Mieux vaut reconnaître la complexité du phénomène, à un double niveau. Sur la scène européenne, pas d’angélisme, la lutte passe par des moyens accrus. L’efficacité commanderait sans doute une coordination renforcée au niveau européen. Hélas, l’Union, déjà incapable de solidarité face au drame des réfugiés climatiques, est dans une phase régressive, ce qui la rend plus vulnérable encore. Mais le réchauffement climatique, même s’il a des causes endogènes, se nourrit aussi du chaos. Là encore, en dépit de la part de responsabilité qu’ont pu avoir les Occidentaux dans les drames en cours, l’Europe est absente. Elle n’existe pas en tant qu’acteur aux côtés des Etats-Unis et de la Russie, ou si peu. Elle a montré son inaptitude à la moindre vision stratégique. Cela ajoute à sa vulnérabilité. Pour notre continent, la bataille contre les gaz à effet de serre est une épreuve de vérité.  »

nota bene : en fait nous avons simplement remplacé dans les phrases d’origine de l’éditorial du MONDE * les mots «terrorisme, djihadisme et victimes» par «réchauffement climatique, gaz à effet de serre et générations futures» . La plus grande partie de l’éditorial est donc bien adapté aux deux phénomènes. Sauf qu’on parle du terrorisme à longueurs de colonnes et tous les jours sans  exception alors qu’il y a peu d’impact de ce courant marginal en termes de morts et encore moins en conséquences structurelles. Par contre le réchauffement climatique, dès que les diplomates de la COP21 sont partis de Paris, plus personne n’en parle, y compris dans LE MONDE. Pourtant il y aura des dizaines de millions de victimes et des centaines de milliers de réfugiés climatiques. Savoir faire un journal de référence à l’heure actuelle, ce n’est pas se cristalliser sur les faits divers, mais envisager le long terme pour s’y préparer. Lutter contre les émissions de gaz à effet de serre devrait être notre quotidien et demander beaucoup d’efforts et de médiatisation. «L’épreuve de vérité» n’est pas là où on la met à l’heure actuelle.
* LE MONDE du 24 mars 2016, éditorial : « Une épreuve de vérité »