Essai (raté) sur l’extinction de l’humanité

Qu’on se rassure, il n’y aura pas d’extinction prochaine de l’humanité ! La crise de la civilisation thermo-industrielle que nous allons traverser ne fera sans doute que quelques dizaines (ou centaines) de millions de morts provoquées, il y aura encore beaucoup de survivants. Mais Paul Jorion dans son livre* y croit dur comme fer, « il faut faire le deuil de l’espèce humaine ». S’il s’en tenait là, il ne serait qu’un énième croyant de la venue inéluctable de l’apocalypse, un illuminé parmi d’autres. Jorion va beaucoup plus loin, et cela devient inexcusable. Il bascule dans la glorification de la machine, « après nous les robots » :

« Nous avons été l’instrument par lequel est advenu autre chose que nous-mêmes… La machine intelligente constitue l’étape ultérieure du devenir de la Raison si l’extinction de notre espèce se confirme… Réjouissons-nous, nous sommes à l’aube de l’ère posthumaine… Les machines offriront véritablement la version 2.0 du monde tel que nous, créatures imparfaites, n’aurons fait qu’esquisser… Notre intelligence organique constitue un triomphe de la complexité sur l’entropie, mais un triomphe passager, qui sera suivi d’une période considérablement plus longue d’intelligence inorganique, beaucoup moins contrainte par son environnement… Autrement dit, aimons les robots… Au moment où nous mettra en joue le robot ayant découvert en notre modeste personne le dernier être humain faisant obstacle aux projets de conquête de l’univers par les machines, nous nous exclamerions fièrement, la main au képi : mission accomplie ! »

On se croirait dans un film de science-fiction, ce sont pourtant les idées raisonnées d’un sociologue qui a révolutionné le regard porté sur l’économie et la finance. Ses idées post-humaines nous empêchent de réagir socialement aux chocs écologiques et socio-économiques que nous traversons. Paul Jorion est on ne peut plus clair : « Il est bien trop tard pour envisager une riposte… Robots et humains, la chose est indifférente : ils sont au même titre nos enfants ! L’élan débordant de vitalité que nous admirons dans le biologique se sera perpétué par d’autres moyens. Il sera fondé sur du métal, du plastique, de la fibre de carbone ou de verre, plutôt que sur de l’os, de la chair et du sang, mais au nom de quel principe mal défini considérer qu’une telle différence est cruciale ? » En fait Jorion ne fait pas de l’écologie politique, il se contente de relayer les rêves du transhumanisme, nous vivrions individuellement mille ans, devenus pour partie robotisés, et vivement l’arrivée de la « singularité », ce dépassement global de l’intelligence humaine par la machine (p.262). Ce ne sont pas quelques banalités sur le profit, la confiscation de la démocratie par une élite, des fonds de tiroir sur Hegel ou Nietzsche et quelques développements sur une finance sans foi ni loi qui sauvent cet ouvrage de la faillite intellectuelle.

*Paul Jorion, Le dernier qui s’en va éteint la lumière (essai sur l’extinction de l’espèce humaine)

4 réflexions sur “Essai (raté) sur l’extinction de l’humanité”

  1. Il y a plus de 100 ans Nietzsche déclarait  » Dieu est mort !  »
    Aujourd’hui c’est l’ Homme qui se prend pour Dieu , il bricole le vivant, rêve d’immortalité, s’imagine un jour contourner les mois de la nature…
    Le « trans-humanisme » s’inscrit dans cette foi aveugle dans les pouvoirs illimités de l’homme. Le « scientisme » est devenu une religion. Autre signe évident de notre nihilisme qui sera la cause de l’effondrement de notre civilisation.
    Quant à la disparition de notre espèce, je n’y crois pas. Elle est possible en effet. Mais à supposer une catastrophe majeure, digne du cinéma hollywoodien… anéantissant en l’espace de quelques jours ou quelques décennies 99 % de l’humanité… il resterait 70 millions de survivants, ramenant ainsi la population mondiale à environ ce qu’elle était au début de notre ère.

  2. Séverine Fontan

    Qui peut affirmer que {…] « la crise de la civilisation thermo-industrielle que nous allons traverser ne fera sans doute que quelques dizaines (ou centaines) de millions de morts provoquées »?

    Ce n’est d’ailleurs pas une crise qui nous attend, mais un effondrement global..

  3. Je n’avais pas compris cela, je pensais que ces points de vue de Paul Jorion étaient ce qu’on appelle parfois du second degré, une façon au contraire de dénoncer tout cela. Si ce n’est pas le cas c’est assez effrayant. Quelle est l’analyse des autres lecteurs de Biosphère ?

    1. @ Didier
      il ne s’agit pas de deuxième degré,
      il n’y a pas la moindre distance de Paul Jorion par rapport à la robotisation du monde…

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