Naomi Klein : « J’ai nié l’ampleur du changement climatique plus longtemps que je n’oserais l’admettre. Nous sommes nombreux à être dans le déni, nous contentant de lui accorder un instant d’attention avant d’en détourner le regard. Il nous arrive aussi de nous raconter des histoires rassurantes sur le génie humain et sa capacité à enfanter de miraculeuse technologies susceptibles d’atténuer par magie la chaleur du soleil. Une autre option consiste à envisager la crise, mais sur le mode hyper-rationnel : Dollar pour dollar, mieux vaut accorder la priorité au développement économique sur le changement climatique, puisque la richesse constitue le meilleur bouclier contre des conditions météorologiques extrêmes ! Comme si le fait de posséder quelques dollars de plus pouvait faire la différence quand la ville où vous habitez est sous les eaux ! Une autre option consiste à se dire que la meilleure solution est de modifier nos comportements – en recourant à la médiation, aux marchés bios, en prônant la suppression de la voiture, mais en oubliant de changer pour de bon le système responsable de la crise.
Pourtant il est plus que probable que nos enfants passeront une bonne partie de leur vie à fuir ou à tenter de se remettre de tempêtes effroyables et de sécheresses extrêmes. L’urgence pourrait jeter les bases d’un puisant mouvement de masse capable de conjuguer des revendications en apparence disparates. Si j’ai écrit ce livre, c’est parce que j’en suis venue à la conclusion que la crise du climat pourrait devenir ce précieux catalyseur dont le monde a tant besoin. Mais les milieux d’affaires, durant ces quarante dernières années, ont systématiquement tiré parti de divers types de crises pour imposer des politiques des tintées à enrichir une petite minorité. Les crises ont aussi servi à justifier de graves atteinte aux libertés civiles. De nombreux signes laissent entrevoir que la crise du climat risque de ne pas faire exception à la règle.
Pour que les changements nécessaires aient la moindre chance de se concrétiser, nous devrons avant tout apprendre à penser de façon radicalement différente. La nature et les autres peuples ne devraient plus être considérés comme des adversaires, mais comme des partenaires d’un grand projet de réinvention collective. Le problème est moins technique que politique. Il faudrait que les masses de gens qui pâtissent du système actuel s’unissent afin de former une force suffisamment déterminée pour rompre l’actuel équilibre des pouvoirs. »*
Bien entendu nous sommes d’accord avec le diagnostic de Naomi Klein, mais son souhait de voir le capitalisme destructeur d’écosystèmes renversé par un mouvement populaire semble naïf. La pression du confort sur les classes moyennes est trop fort pour qu’on veuille collectivement changer de mode de vie. Les perspectives de Bernard Charbonneau nous semblent plus réalistes : « Le virage écologique ne sera pas le fait d’une opposition très minoritaire dépourvue de moyens, mais de la bourgeoisie dirigeante, le jour ou elle ne pourra faire autrement. Ce seront les divers protagonistes de la ruine de la terre qui organiseront le sauvetage du peu qui restera, et qui après l’abondance géreront la pénurie et la survie. Car ceux-là n’ont aucun préjugé, ils ne croient pas plus au développement qu’à l’écologie : ils ne croient qu’au pouvoir… »** Mais s’il y a trop peu de personnes qui réagissent aujourd’hui à la crise climatique, plus les politiques adéquates se feront attendre et plus l’impact climatique sera violent.
* Tout peut changer (capitalisme & changement climatique) aux édition Acte Sud, 628 pages pour 24,80 euros
** Le feu vert de Bernard Charboneau, première publication en 1980
Cette fois … 100 % avec biosphère !
Bernard Charbonneau, Jacques Ellul, Ivan Illich… voilà les références pour les vrais écolos !