Je me documente toujours et encore. Une enquête d’Himmelweit, Oppenheim et Vince en GB (Television in the lives of our children) montrait déjà en 1961 que regarder la télévision est une activité mentale passive. Elle « sollicite les facultés sensorielles de l’affectivité plutôt que l’intelligence… La télé provoque chez l’enfant une perte d’initiative, rend blasé et émousse l’imagination… L’idéologie des moyens de communication de masse tendrait à décourager les activités militantes, surtout celles qui tendent à modifier l’état actuel de la société… La puissance de la communication de masse procède de sa mollesse même… Il y a massage plus que message. » Un numéro d’Historia dans les années 1970 enfonce le clou. Selon une enquête récente faite en Tarn et Garonne dans un groupe scolaire, les enfants de 9 à 16 ans passent près de 1000 heures par an devant l’écran alors qu’ils n’ont que 800 heures de cours. L’attention des élèves est de plus en plus difficile à fixer. Ils ont de moins en moins le goût de l’effort. Ils attendent du professeur un spectacle ! L’objet technique n’est pas neutre sur la conscience des gens. Si nous restons simple consommateur, impossible de s’apercevoir de notre aliénation par l’objet. Dire qu’en 2017, les écrans ont envahi toutes les existences ou presque !
Il faudrait pouvoir organiser des contre-institutions, ce que conçoivent dans les années 1970 l’anti-pédagogie, l’anti-psychiatrie, la contre-culture. Il faudrait une déscolarisation de la société, une démilitarisation, une désindustrialisation, une dépopulation, une désurbanisation (notule du 23 avril 1972). Je découvre Ivan Illich : « Notre langage de tous les jours, notre conception du monde ne révèlent que trop combien nous ne séparons plus la nature de l’homme de celle des institutions modernes. Il est grand temps de conduire une recherche à contre-courant sur la possibilité d’utiliser la technologie au service des interactions personnelles, créatrices et autonomes et de permettre l’apparition de valeurs qui ne puissent pas être soumises aux règles des technocrates. » J’en sors renforcé dans mes convictions. Une des caractéristiques des sociétés modernes est la dépendance institutionnalisée, c’est à-dire un mode de vie organisé par d’autres, on naît à l’hôpital, on est soigné par un médecin, on se nourrit du labeur des paysans, on meurt aux mains des pompes funèbres. Cette dépendance institutionnalisée se double d’un éclatement du pouvoir ; les centres de décision sont partout et nulle part, le pouvoir n’appartient plus aux hommes mais à une forme d’organisation, l’obéissance découle des règles qui protègent les institutions. (à suivre)
NB : pour lire la version complète de cette autobiographie, ICI