Géraud Guibert et l’écologie profonde (4/4)

Le silence des intellectuels français à l’égard de l’écologie n’est pas tant une indifférence qu’une méfiance, voire une hostilité déclarée. Voici le dernier épisode d’un récapitulatif de textes qui dénigrent l’écologie profonde sans rien comprendre de cette philosophie de l’éthique :

Le texte* de Géraud Guibert : « Dans la logique de l’écologie profonde, la question démographique est  essentielle et la diminution du nombre d’homme sur terre est un axe stratégique majeur. » (p.53-54)

=> notre analyse :

L’axe stratégique majeur de l’écologie profonde, qui est d’abord une philosophie (définie par Arne Naess), n’est pas la question démographique, mais la question des valeurs :

          le bien-être et l’épanouissement de la vie humaine et non-humaine sur Terre ont une valeur intrinsèque (en eux-mêmes). Ces valeurs sont indépendantes de l’utilité que peut représenter le monde non-humain pour nos intérêts humains.

          la richesse et la diversité des formes de vie contribuent à l’accomplissement de ces valeurs et sont également des valeurs en elles-mêmes.

La question démographique ne résulte pas des préoccupations de l’écologie « profonde », mais du procès théorique fait à Malthus par Marx. Dans la réalité, la question démographique résulte de l’explosion démographique qui accompagne la révolution industrielle. D’ailleurs dans les années 1970, la préoccupation démographique était  politiquement prise en compte. Dans le rapport préparatoire à la première conférence des Nations unies sur l’environnement (Nous n’avons qu’une terre de Barbara WARD et René DUBOS – Denoël, 1972), il était dit : « Nous savons que la stabilisation de la population mondiale est une condition de survie. Le ressources de la biosphère ne sont pas illimitées, tandis que la progression géométrique de la reproduction semble ne pas avoir de bornes. »  Dans le programme de René Dumont pour la présidentielle de 1974 : « Il faut réagir contre la surpopulation. En Inde surpeuplée certes, mais surtout chez les riches : 500 fois plus d’énergie consommée par tête à new York que chez le paysan indien. Ce qui remet en cause toutes les formes d’encouragement à la natalité, chez nous en France. La France de 100 millions de Français chère à M.Debré est une absurdité. Les propositions du mouvement écologique : la limitation des naissances ; la liberté de la contraception et de l’avortement. Nous luttons pour le droit absolu de toutes les femmes de régler à leur seule convenance les problèmes de contraception et d’avortement. »

Le texte* de Géraud Guibert :  « Les signes avant coureur d’une logique antihumaniste hautement contestable percent dans quelques cas. Dans la logique de l’écologie profonde… »

=> notre analyse : Arne Naess rejette le dualisme cartésien et prône la non-violence. On ne peut certainement pas dire qu’il s’agit d’une « logique antihumaniste ». Dans un livre paru récemment en France, J.Baird Callicott fait clairement le point sur la question de l’écofascisme :

 « L’éthique de la terre serait un cas de fascisme environnemental. Une population humaine de six milliards d’individus est une terrible menace pour l’intégrité, la stabilité et la beauté de la communauté biotique. Comme notre population s’accroît à un rythme effréné, notre devoir serait de provoquer une mortalité humaine massive.

Mais l’éthique de la terre n’implique aucun conséquence cruelle ou inhumaine. Cette éthique ne remplace ni ne recouvre les progrès moraux qui ont précédé. Les sensibilités et les obligation morales antérieures demeurent valides et prescriptives. Le fait que nous reconnaissions appartenir à une communauté biotique n’implique nullement que nous cessions d’être membres de la communauté humaine. L’éthique de la terre est une accrétion (une addition) aux éthiques sociales accumulées jusqu’à elle, et non quelque chose qui serait censé les remplacer. Notre souci est seulement d’étendre la conscience sociale de manière à y inclure la terre. »

* Tous écolos… et alors (2010)

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